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Pierre S. Adjété
Pierre S. Adjété
Né à Lomé, PSA a fait ses études au Togo, au Gabon et au Canada. Économiste, administrateur et essayiste, PSA est un partisan assumé du «Grand Pardon» et un adepte de l’Éthique dans l’espace public; il est un acteur engagé dans des initiatives citoyennes et républicaines.




République gabonaise, monarchie tu resteras! Le président sorti par le peuple est ainsi ramené par une Cour constitutionnelle sous les airs émouvants d’une famille dysfonctionnelle. C’est le drame des présidentielles Africaines : la vérité des urnes et la transparence attendront. Immergeons puis émergeons, la magie des urnes nous va mieux à 50,66%. La honte aussi!




Cette ère nouvelle d’instabilité a commencé par des jours de négociations sur le mode d’évaluation à adopter, face à la plainte déposée par le candidat Jean Ping dans des circonstances bien particulières : les votes dans la province du Haut-Ogooué, là où Ali Bongo Ondimba a obtenu 95 % des voix pour 99 % de participation, selon les résultats très discutables de la Commission électorale nationale permanente (Cénap). Recomptage ou validation? La question est là.

Décodées pour le commun des mortels, les données miraculeuses du Haut-Ogooué signifient que seulement 50 capricieux électeurs sur les 71 786 inscrits sur la liste électorale ne sont pas allés voter. En somme, les 95,46 % des voix ainsi attribuées au candidat Ali Bongo lui permettaient de combler son retard accumulé dans les huit autres provinces pour finalement dépasser Jean Ping de quelque 6 000 voix au niveau national. Statistiquement, une telle performance douteuse de « 95 % des voix pour 99 % de participation et seulement 50 électeurs absents » ne s’était jamais vue au Gabon pas plus que dans la défunte Union soviétique. Personne ne croyait donc à un tel exploit d’Ali Bongo Ondimba dans la province où la zizanie et la dissidence se sont installées depuis bien longtemps.

À la suite d’une singulière messe, en vérité le contrôle de la régularité des procès-verbaux de l’élection du 27 août 2016, la Cour constitutionnelle saisie depuis le jeudi 8 septembre 2016 s’est mise en conclave véritable le jeudi 22 septembre dans l’après-midi, à charge de livrer verdict le lendemain, échéance légale. Vendredi noir : l’armée se déploie, le plus-que-frère d’Ali Bongo qu’est Léon-Paul Ngoulakia neutralisé, le blocus définitif des deux grands pôles urbains Libreville et Port-Gentil exécuté, Internet maintenu coupé, les nombreux quartiers Akébé et Lalala cernés.


Monarchie, tu ne demanderas point à devenir République

Finalement, la longue marche des Gabonais vers la démocratie et qui n’est rien d’autre que la volonté profonde de mettre fin au règne de la dynastie Bongo sur le Gabon, depuis 1965, va se poursuivre. Une fois de plus, la Cour constitutionnelle n’a pas restitué la force du droit en considérant toutes les évidences de l’invraisemblance contenue dans la victoire orchestrée dans la province du Haut-Ogooué.

La Cour constitutionnelle a même délité le droit à l’espoir chez une population jeune, la première richesse du Gabon, qui a su dépasser les clivages provinciaux ainsi que tous les pièges du vote ethnique depuis que le candidat Jean Ping avait réussi à rassembler les ténors de l’opposition jusqu’à certains membres de la famille présidentielle.

L’évidente anomalie de la victoire du président sorti, Ali Bongo Ondimba, va être confirmée par une Cour constitutionnelle manifestement peu courageuse, pour entrer dans la grande Histoire du Gabon qui s’écrivait sous les yeux du monde entier. Le refuge souverainiste de la Cour n’a pu s’allier à la nécessaire transparence républicaine attendue de l’institution. La fameuse tour de Pise gabonaise est restée penchée du même côté, celui du pouvoir : le recours de Jean Ping a été rejeté et, en pleine nuit, le résultat balancé.

République, levez-vous! Monarchie vous êtes, monarchie vous resterez! La fébrilité de l’attente s’est transformée en désespoir, en consternation, en colère, en brusquerie et en inhumanité. Trois familles de choix essentiels étaient possibles face au litige électoral dans toute sa gravité : l’annulation, la confirmation et l’inversion des résultats électoraux. La pire de toutes les options a été choisie : l’incertitude de l’iniquité par la reconduction du statu quo.

La présidente de la Cour constitutionnelle, Marie-Madeleine Mborantsuo, n’est ni Salomon encore moins Aristote pour exemplifier, devant tout le monde, la médiété recommandable dans tous les cas aussi extrêmes. Déjà, dans la session plénière de la messe plénière du jeudi 22 septembre, après avoir entendu les dernières représentations des avocats des deux parties, Marie-Madeleine Mborantsuo n’a pas su jouer la transparence même sur la date et l’heure de communication de la décision capitale attendue depuis si longtemps. À sa guise, tout devrait venir plus tard, selon sa manière et sur sa convocation.

Deux semaines durant, la Cour constitutionnelle gabonaise ne s’était imposé aucun calendrier rigoureux. En pareille circonstance d’urgence républicaine, l’imprécision est la marque de l’irrésolution. C’est la lecture faite par les Gabonais. Et la désolation, l’inquiétude, a gagné les cœurs et les esprits, à l’intérieur comme à l’extérieur du Gabon.

Les rues, les quartiers et les matiti de Libreville et Port-Gentil, surtout, sont mis sous surveillance. Une fois de plus, les lieux de rencontre de l’état-major du candidat Jean Ping sont pris en étaux par les forces de sécurité. Les appels et les communications toujours sous un contrôle serré. La démocratie vite immolée, la monarchie Bongo est réinstallée. Ali Bongo Ondimba se précipite encore pour appeler à un dialogue avec Jean Ping. Le jeu!

Comme pour faire un poing levé, les cinq doigts du désespoir, de la consternation, de la colère, de la brusquerie et de l’inhumanité se sont refermés chez la majorité des Gabonaises et des Gabonais. L’innocent Gabon vert-jaune-bleu, désormais souillé du rouge sang, ne serait plus le même après tant de déchirures. Ici et là, des larmes de blessure pour mieux le dire… Continuez, fils à papa; la honte vous va si bien. Mais, la démocratie aura le dernier mot sur vous!



Mot à Maux


le 23/09/2016 à 20:25



Ne laissons pas ces vaincus de l’Histoire porter atteinte à l’audace du nécessaire changement en Afrique francophone! Les récents évènements en République démocratique du Congo (RDC) prouvent à suffisance comment certains pouvoirs africains sont de véritables bandes organisées, sans scrupules, d’une période que l’on croyait révolue. Un gouvernement qui organise une expédition punitive, avec des corps habillés munis d’accélérant incendiaire et de fusils mitrailleurs, avec pour mission de mettre le feu au siège du principal parti politique adverse, c’est encore et toujours du ressort de l’inimaginable dans le monde imparfait d’aujourd’hui.


Voyons voir! Le siège de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), principal parti d'opposition congolais, incendié à Kinshasa au petit matin avec plusieurs morts à la clé et les mêmes destructions au siège de deux autres partis politiques : les Forces novatrices pour l’union et la solidarité (Fonus) et le Mouvement lumumbiste progressiste (MLP). Le choc vaut bien l’arrêt de tout effort de dialogue politique au Congo. C’est à croire que l’ombre et les pratiques des anciens dictateurs planent toujours sur certains pays africains francophones.

Le quartier général du candidat Jean Ping à Libreville bombardé en pleine nuit et pris d’assaut par des hommes cagoulés y faisant un indescriptible bain de sang comme jamais le Gabon n’en a connu. Le grand marché de Lomé incendié et les coupables identifiés comme responsable –seulement quelques heures après, et tous des adversaires de l’opposition au pouvoir togolais, le tout générant des vies brisées, des familles dévastées, des accusations fantaisistes, et toujours une impunité récurrente machiavélique. C’est du n’importe quoi politique qui perdure en un véritable « concentré électrisant de l’histoire et de la tragédie africaines » comme le dit le Vieux, GodwinTété.

Tout cela n’honore pas ces gouvernants qui ne veulent pas de l’alternance politique en Afrique, et jouent la brutalité inconcevable pour confisquer les pouvoirs. Comme dans une Francophonie africaine, clairement « Il s'est produit des violences en République démocratique du Congo qui sont inadmissibles, insupportables » rend compte et en témoigne, sans détour, le président François Hollande au pied des Nations unies, à New York, ce 20 septembre 2016.

Ce jour-là n’est pas seulement historique parce que le premier président de race noire des États-Unis d’Amérique, Barack Obama, prononce son dernier discours à la tribune de l’ONU alors que le jeune Premier ministre canadien, Justin Trudeau, y livre sa toute première allocution. Ce jour du 20 septembre 2016 est mémorable parce que l’enivrement par le pouvoir ainsi que la démesure et l’insatiabilité de deux mandats présidentiels ont fait perdre pied à Joseph Kabila, présent lui-même à New York à l’Assemblée générale de l’ONU, et ses hommes de main restés à Kinshasa pour veiller au grain et accomplir les basses besognes autant que toutes les vilenies et obscénités politiques.


#OnDitQuoi : Rien qu’un chef d’œuvre de la bêtise humaine

Aucune malédiction ne pèse sur la race noire. Insupportables et incapables sont devenus certains individus qui, par le pur des hasards, se sont retrouvés à la tête de certains États en Afrique francophone pour mieux servir des intérêts aussi obscurs que personne ne s’en réclame avec fierté.

Vestiges de ce qui est connu sous le nom de « Françafrique » et que l’essayiste camerounais Paul Heutching raffine encore par le vocable « Françafricophonie », dans sa « Françafricophonie : la décolonisation par la recolonisation perpétuelle », les agissements de ces chefs d’État africain « n’ont absolument rien à voir ni avec les gènes ou la mélanine ni avec le ciel (les balivernes bibliques imbéciles écrites d’une diabolique main quelque part il y a des milliers d’années –naissance de la Bible ou de ce qui est devenu la Bible- dans la région qui est devenue le Proche-Orient). »
Avec de tels présidents africains, il est donc difficile de ne pas admettre que « i[l’interminable drame africain a fonctionné et fonctionne comme un cancer [dont il faut se débarrasser]. Un chef d’œuvre de la bêtise, de la méchanceté et de la bestialité humaines sur lesquelles même le temps ne produit aucun effet correctif ]i».

Le défi est grand, dans tous ces cas particuliers. Il est bien africain, largement. Le défi est surtout celui de la Francophonie, elle-même est devenue un vivier propice à toutes les monstruosités. Les photos que ces présidents africains, francophones et bourreaux de leur peuple aiment afficher avec les chefs d’État et de gouvernement de la Belgique, du Canada, de la France de la Suisse et autres, et même les douteux contrats et opportunités d’affaires dont bénéficient certains malfrats de tous poils ont prouvé dorénavant l’insuffisance des seules images largement diffusées des salutations protocolaires, à Montréal, New York, Paris ou ailleurs.


#EnFinirPourDeBon avec les trompeuses apparences

La Francophonie ne peut plus se contenter des apparences. Invariablement, les apparences sont toujours trompeuses; et nous savons tous qu’elles ne révèlent pas la profondeur des crimes qui sont perpétrés pour confisquer les pouvoirs au seul nom de la stabilité des relations ou encore sous le couvert de la sécurité en mers et aux frontières.


Faute de démocratie, faute de gouvernants élus par les peuples et pour les peuples, les pays africains francophones ne pourront qu’être des partenaires fragiles minant dangereusement leur rôle bilatéral et multilatéral à l’échelle du monde, et partout sur le passage des dirigeants qui ne possèdent aucune légitimité. Que vaut un contrat ou un accord signé avec un dictateur ou un président non élu par son peuple? Pas grand-chose! Il faut donc en finir avec la complaisance entourant la non-démocratie institutionnalisée dans certains pays.

Aussi, dans la Francophonie d’ailleurs, l’Histoire joue en faveur de la démocratie; et la démocratie y aura le dernier mot, pour en finir avec l’imposture qui semble s’éterniser au point de confisquer le bon sens et décrédibiliser les autres dirigeants qui s’associent à l’indignité de la non-démocratie.

Comment alors ne pas convenir avec Kwame Nkrumah que : « Aucune race, aucun peuple, aucune nation ne peut vivre et se faire respecter chez lui et à l’extérieur, sans la liberté politique. » C’est bien ce que les peuples francophones africains attendent aussi de leur dirigeant et de leurs amis et partenaires. C’est bien pourquoi les peuples africains francophones sont en éveil pour recouvrer leur dignité et en finir pour de bon, là où « les pratiques politiques dans cette région sont des plus archaïques et parmi les plus dictatoriales de l’histoire du Continent noir » selon les termes d’Alain Mabanckou.

On comprend bien pourquoi, sur les réseaux sociaux les mots-clics #BolloréAmiDesDictateurs #FreeGabon #FreeKongo #FreeTogo sont devenus les cris de ralliement de toute une génération de révoltés et d’indignés africains, désireux d’autre chose que la non-démocratie persistante. L’avenir de l’Afrique ne peut tout de même pas être défini par de jeunes apprentis dictateurs, fils de leurs pères déjà rompus à la tâche de la diversion et de l’invouloir. Ne laissons donc pas ces conservateurs, des vaincus de l’Histoire, porter atteinte à l’audace du nécessaire changement au Togo, au Gabon, au Congo et partout ailleurs où besoin urgent de dignité nous attend comme devoir commun de solidarité.


Mot à Maux


le 22/09/2016 à 22:22



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