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Pierre S. Adjété
Pierre S. Adjété
Né à Lomé, PSA a fait ses études au Togo, au Gabon et au Canada. Économiste, administrateur et essayiste, PSA est un partisan assumé du «Grand Pardon» et un adepte de l’Éthique dans l’espace public; il est un acteur engagé dans des initiatives citoyennes et républicaines.




Un homme de gauche, anti Blair pur jus, émerge du Labour britannique. Antimonarchiste, favorable à l’intervention de l’État, mais partisan du maintien du royaume dans l’Union européenne, le député d’un quartier du nord de Londres, Jeremy Corbyn, domine la primaire du Parti travailliste. Rien n'est joué... La grande Bretagne retient son souffle toutefois devant la Corbynmania.


Jeremy Corbyn
Jeremy Corbyn


Personne n’aurait misé un penny sur Jeremy Corbyn, lorsque s’est ouverte, à la mi-juin, la primaire du Parti travailliste qui doit désigner le successeur d’Ed Miliband, démissionnaire au lendemain de son échec aux élections législatives du 7 mai. Les trois candidats considérés comme sérieux ne l’avaient aidé à obtenir in extremis les parrainages nécessaires que pour affaiblir leurs adversaires.

Presque deux mois plus tard, alors que le vote s’ouvre ce vendredi – il sera clos le 10 septembre –, Jeremy Corbyn, 66 ans, député du quartier londonien d’Islington depuis plus de trente ans, considéré comme un dinosaure gauchiste par l’establishment du Labour, fait la course en tête. Mardi, un sondage YouGov lui attribuait 53% des voix, 32 points de plus qu’à Andy Burnham, un proche d’Ed Miliband, et 35 points de plus qu’à la candidate modérée Yvette Cooper. Quant à Liz Kendall, qui se réclame de l’héritage centriste de Tony Blair, elle plafonne à 8%. Nombre de militants travaillistes se sont sentis humiliés par la pique de l’ancien premier ministre, désormais très décrié: «Ceux dont le cœur penche pour Corbyn ont besoin d’une transplantation», avait ironisé Tony Blair.

Alors que l’échec du Labour aux législatives est généralement attribué à un positionnement trop à gauche, l’émergence de l’un des rares députés à s’affirmer «socialiste», dans un pays où ce mot équivaut à un chiffon rouge, est considérée comme suicidaire. La presse de gauche a d’ailleurs longtemps traité Jeremy Corbyn avec condescendance, attribuant sa popularité à la mode du vintage et au profond désarroi consécutif à l’échec électoral.

Mais l’affluence à ses meetings, le large soutien des instances locales du parti dont il bénéficie, et surtout son adoubement par les centrales syndicales Unison et Unite, qui financent la campagne du Labour, obligent désormais les médias à le prendre au sérieux.

Jeremy Corbyn est «Nous rejetons l’idée que le Labour doit se positionner au centre», a déclaré Dave Ward, jeudi 30 juillet, en apportant le soutien du syndicat des salariés de la communication, fort de 200 000 adhérents. «Nous rejetons l’idée que le Labour doit se positionner au centre», a-t-il ajouté, en réclamant un programme en faveur d’«une plus juste redistribution des richesses, des emplois et des salaires décents». Le refus de Harriet Harman, leader par intérim du parti, de condamner les coupes drastiques dans les prestations sociales décidées par le gouvernement Cameron a exacerbé les tensions internes.

« Notre mission constante dans le Parti travailliste est de lutter contre l'injustice partout où nous la trouvons. Cette idée m'a guidé tout le long de ma vie politique - et c’est avant tout ce qui m'avait poussé à me présenter comme député au Parlement britannique ».
« Notre mission constante dans le Parti travailliste est de lutter contre l'injustice partout où nous la trouvons. Cette idée m'a guidé tout le long de ma vie politique - et c’est avant tout ce qui m'avait poussé à me présenter comme député au Parlement britannique ».
Une Europe de justice sociale

Pour l’appareil du Labour, acquis au libéralisme économique débridé et au retrait de l’État, le profil de Jeremy Corbyn relève du non-sens. Assidu des piquets de grève, antimonarchiste, partisan de la renationalisation des chemins de fer, militant du désarmement nucléaire, de la solidarité avec la Palestine et du refus de la guerre en Irak, l’élu d’Islington passe son temps au parlement à s’opposer à la ligne de son propre parti.

Ascétique, végétarien, refusant de boire de l’alcool et de posséder une voiture, il est perçu comme la caricature des intellectuels de gauche du nord de Londres. De Karl Marx, il y a «beaucoup de choses à apprendre», a-t-il affirmé, faisant frissonner l’auditoire de la BBC. Certes, il est partisan du maintien dans l’Union européenne, mais «une meilleure Europe défendant la justice sociale et pas la finance».

Dénué de charisme mais fort de sa simplicité et de revendications claires qui font totalement défaut à ses concurrents, Jeremy Corbyn mobilise la jeunesse éreintée par la politique d’austérité du gouvernement Cameron, qui voit en lui le leader d’un Podemos ou d’une Syriza à la britannique. A ceux qui affirment qu’aucune victoire électorale n’est possible avec son programme, il répond que les Ecossais ont plébiscité le SNP (Parti national écossais), résolument positionné à gauche, et qu’en Angleterre même, 36% de l’électorat n’a pas voté. Il se fait fort de mobiliser les abstentionnistes avec un programme d’interventions étatiques destiné à «supprimer les pires vestiges de la pauvreté en Grande-Bretagne».

La réforme du mode d’élection du dirigeant, qui donne aux sympathisants le même pouvoir qu’aux adhérents ou aux syndicalistes, est favorable à l’outsider. Outre les 79 000 adhésions enregistrées depuis les élections, 145 000 personnes ont payé les 3 livres sterling nécessaires pour participer au vote, dont le résultat sera annoncé le 12 septembre. Cela équivaut à un doublement des effectifs, les nouveaux venus soutenant massivement Jeremy Corbyn.

Secouée, la direction du parti dénonce à la fois l’«entrisme» de groupes d’extrême gauche et les manœuvres d’électeurs de droite qui «votent Corbyn» pour tuer le Labour, comme le quotidien conservateur Daily Telegraph les y encourage.

Avec Jeremy Corbyn, «le danger est que le grand parti de gouvernement qu’est le Labour soit réduit à un simple groupe de pression», estime Tristram Hunt, ministre de l’Education du cabinet fantôme du Labour. Les adversaires du député rebelle évoquent avec fureur le précédent de Michael Foot, dont le programme très à gauche, ayant débouché sur le triomphe de Margaret Thatcher en 1983, est resté dans les annales comme «la plus longue lettre de suicide jamais écrite». Complexe, à plusieurs tours, le système électoral interne au Labour n’assure nullement la victoire finale de Jeremy Corbyn. Mais, quel qu’il soit, le prochain leader travailliste ne pourra pas ignorer son message radical. /////// Philippe Bernard

Horizon


Rédigé par psa le 13/08/2015 à 00:30



Le secret pour être un démocrate reconnu est de commencer par être un simple démocrate. Nous sommes loin de ce commencement de la pratique démocratique au Togo. Et une telle épiphanie du bon sens, c’est même ce qui est rare dans le paysage politique togolais. Pourtant, ce sont ces preuves indélébiles et persistantes de simplicité et de non-soumission à l’arbitraire qui rehausseront le débat et valoriseront les personnes les mieux qualifiées à conduire le combat vers l’alternance au Togo : un pays où la démocratie n’a pas encore dit son dernier mot, face aux inégalités croissantes et révoltantes instituées en système de gouvernance.


La porteuse d'eau
La porteuse d'eau


Pour le pouvoir présidentiel togolais, c’est connu, c’est promis et c’est juré : la démocratie attendra, même si le peuple la voulait depuis longtemps, depuis toujours. Surtout que ce pouvoir impose à la fois un passif et un actif répressifs impressionnants, régulièrement renouvelés. Mieux encore, la trouvaille de la Recommandation 8 –glissée dans le rapport de la Commission Vérité, Justice et Réconciliation (CVJR) par une main vicieuse, offre un paisible détroit dans lequel toutes les mauvaises volontés politiques pourront se baigner sans fin.

Les réformes institutionnelles elles-mêmes y dorment déjà, tout simplement et astucieusement déclarées dans la fameuse Recommandation 8 de la CVJR comme : « questions complexes (…) modèle occidental (…) ce modèle éprouve du mal à régir notre société nationale pluriethnique où les réflexes grégaires ou communautaristes continuent d’être prédominants ». Finie et réglée, cette question prétendument occidentale portant virus démocratique et diagnostiquée impropre au Togo. La démocratie attendra! Vite, une autre Commission pour diluer ces réformes ambitieuses…

Pour l’opposition togolaise –et c’est en cela que le bât blesse tous les démocrates, le temps a fini par mettre tout en lumière. La découverte est de plus en plus effroyable dans les rangs de l’opposition togolaise porteuse des espoirs de changement et d’alternance : comme dans chaque drame shakespearien, « même dans les sourires des uns et des autres se retrouvent toujours des poignards » aiguisés, prêts à être plantés dans le dos de chaque partenaire. Alors, on découvre avec persistance que chaque association de l’opposition togolaise était sans conviction, fausse; chaque regroupement était sans engagements, mort-né; toutes les occasions font des abandons, et font même des larrons par lesquels devra s’échapper toute la ferveur démocratique récente. Incroyable! Hier encore, ils étaient ensemble tous, pourtant.

Il est donc pratiquement impossible de faire équipe politique au Togo en faveur de la démocratie. D’un côté, un pouvoir réfractaire à tout changement, et de l’autre, une opposition aux prises avec ses divisions légendaires calculées au millimètre près des échéances électorales. Pourtant, depuis François d’Assise, nous savons que réaliser l’impossible est aussi du domaine des humains, et d’autres oppositions démocratiques africaines ont appris la leçon : « commencer par ce qui est nécessaire, ensuite faire ce qui est possible et soudainement l’on se découvre à réaliser l’impossible ».


Même l’union des médiocres fait la force

L’histoire du combat démocratique au Togo ressemble fortement à celle de la conversion tardive du saint mendiant que fut Giovanni di Pietro Bernardone, François d’Assise, celui qui a changé sa ceinture de cuir contre une corde, par humilité et probablement pour mieux se retenir et s’arrimer irrémédiablement à notre humaine condition. Et pour tout dire, ce n’est pas pour rien que le Pape François lui-même se réclame, un millénaire plus tard, de cet engagement audacieux et d’une si grande simplicité restée contemporaine en permettant la rédemption plutôt que la mort de tout pécheur.

Sur un plan plus séculier, les tares et les malheurs de la démocratie togolaise sont plutôt étonnants. Ces tares et ses malheurs restent particulièrement ancrés dans l’album des facilités que collectionne une frange de l’opposition togolaise : la facilité maladive à ne combattre que ses propres compagnons de route de l’opposition, la facilité de succomber à l’attrait du drame et ainsi crier au loup parce que seulement son idée n’est pas retenue en groupe, la facilité à penser que son parti vaut autant que ceux qui sont les mieux établis sur le territoire national, etc. Une telle succession de facilités fait même qu’au Togo, « la trahison qui prospère, personne n’ose plus l’appeler trahison » de tout un peuple togolais meurtri, sinistré, en attente de changement politique et de regain d’enthousiasme comme ses voisins béninois, burkinabés et ghanéens.

Et pourtant c’est connu : « Dans l’union s’affirme la force d’hommes même très médiocres ». Mendiants ou guerriers de la démocratie, les Togolais porteurs de l’idéal démocratique doivent désormais retourner à l’essentiel : reprendre le chemin des ancêtres, fabriquer ou choisir leur bataille, préparer leur victoire avec autant d’engagements que de simplicité : « Il n’y a point de bonheur sans courage, ni de vertu sans combat ». Reprendre les mêmes chemins que les ancêtres devient un impératif pour réincarner cette « Terre de nos aïeux ».

Même sans adversaires, même sans partenaires, même sans gouvernants, la démocratie se poursuit et se gagne sur soi-même et par soi-même avant tout. La volonté démocratique se doit ainsi d’être perpétuelle au Togo également. Car, le devoir de démocratie et d’alternance existe et persiste partout, non pas parce que les acteurs politiques sont tous d’affreux dictateurs ou d’incorrigibles diviseurs, mais d’abord et avant tout parce que ce ne sont que des humains, soumis aux tentations humaines de s’éterniser au pouvoir, qu’ils soient des Américains, des Béninois ou des Congolais; des Allemands, des Français, des Ghanéens, des Togolais, des Canadiens ou simplement encore toute personne « à la douleur universelle » en quête de dignité, inusable dans ses revendications et toujours décidée :

« Désespérée mais non pas résignée
Obstinée dans ta compassion et le salut collectif
Malgré les malheurs avec tous et entre nous
Qu’ainsi à l’exemple des pauvres tu as ton orgueil
Et comme des pauvres ensemble un jour tu seras
Dans une conscience ensemble
Sans honte et retrouvant une nouvelle dignité
.

Et tout cela, parce que citoyennes et citoyens :
« Nous avons laissé humilier l’intelligence des pères
Nous avons laissé la lumière du verbe s’avilir
Jusqu’à la honte et au mépris de soi dans nos frères
Nous n’avons pas su lier nos racines de souffrance
À la douleur universelle dans chaque homme ravalé.




Mot à Maux


Rédigé par psa le 07/08/2015 à 05:50
Tags : Démocratie Togo Éthique Notez



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