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Pierre S. Adjété
Pierre S. Adjété
Né à Lomé, PSA a fait ses études au Togo, au Gabon et au Canada. Économiste, administrateur et essayiste, PSA est un partisan assumé du «Grand Pardon» et un adepte de l’Éthique dans l’espace public; il est un acteur engagé dans des initiatives citoyennes et républicaines.




Slogan fétiche: Le Brésil s’arrête, nous construisons l’avenir; « Indignez-vous! » est toujours d’actualité. Au Brésil, ce que dénoncent les jeunes gens dans la rue, c’est précisément qu’il faille y descendre massivement pour se faire entendre des gouvernants. Football ou soccer, une religion certes, mais la jeunesse brésilienne questionne les choix et les priorités de ses dirigeants; elle réclame d’abord dignité : santé, éducation, mobilité, sécurité et justice


Avenir et Vie après le Football au Brésil
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Même Felipão, le sélectionneur de l’équipe brésilienne, même les stars actuelles et anciennes du football appuient publiquement les ¬manifestations massives qui se déroulent quotidiennement, depuis jeudi passé, dans les rues du pays. En affirmant que «Le foot est plus fort que l’insatisfaction des gens», l’imprudent Sepp Blatter, patron de la FIFA, n’aura fait qu’ajouter une bûche supplémentaire au feu de la colère. Car la jeunesse du Brésil s’enflamme, soutenue par de très larges pans de la population urbaine; le mouvement s’amplifie, les revendications s’approfondissent et s’étendent.

Le gouvernement impréparé
Stupeur: les jeunes Brésiliens se détournent de leur sport favori! Ils dénoncent l’inversion des priorités, les dépenses colossales consenties pour la Coupe du monde 2014 et les Jeux olympiques de Rio 2016, les stades construits à coups de milliards et à grande vitesse alors que les exigences les plus élémentaires de la population – santé, éducation, mobilité, sécurité, justice – ne sont pas satisfaites et que les réformes promises sont éternellement différées. La Coupe des Confédérations, répétition générale de la Copa, grande fête d’un Brésil émergent et triomphant, se déroule sous forte protection policière.

Gênant pour la Guérillera que fut la présidente Dilma Rousseff et pour son prédécesseur, l’ancien syndicaliste Lula, devenu son mentor. Ni l’un ni l’autre n’ont rien vu venir, pas plus qu’aucune autre instance du pouvoir central ou des États de la Fédération brésilienne. Cette surprise, de même que l’incompréhension initiale et avouée du gouvernement, constitue le meilleur indice du fossé qui s’est creusé entre la population et ses représentants, si populaires soient-ils. Ce que dénoncent les jeunes gens dans la rue, c’est précisément qu’il faille y descendre massivement pour se faire entendre.

C’est bien à la gouvernance du pays qu’ils s’en prennent. Le modèle hyper-personnalisé institué durant l’ère Lula a visiblement trouvé ses limites. Lui-même, marqué par la pauvreté du monde rural dont il est issu, avait placé au premier rang de son programme l’éradication de la faim et de la misère extrême. De fait, pour 22 millions de Brésiliens, le système Bourse-Famille a permis d’atteindre l’objectif voulu, un revenu de 70 reals (25 $ US /30 F suisses) par mois. Résultat important mais insuffisant, puisque les causes de la misère persistent et la forte inégalité économique n’en a pas été réduite pour autant.

En effet, au cours des deux dernières décennies, la classe moyenne s’est sensiblement étendue mais le Brésil est loin de s’être transformé en pays de petite bourgeoisie dominante. «Celui qui reçoit entre un et deux salaires minimum par mois , qui vit dans une périphérie urbaine où il ne dispose ni d’un logement décent ni de services culturels, qui doit consacrer trois heures par jour à se rendre à son lieu de travail, peut-on considérer qu’il fait partie de la classe moyenne?» demande Alexandre Barbosa, professeur à l’Université de São Paulo, dans une étude collective sur Le Brésil réel: l’inégalité au-delà des indicateurs.


Le miracle s’estompe

C’est bien ce que proclament les jeunes dans la rue: une vie de qualité ne se réduit pas au modèle actuel, fondé sur un accès à la consommation étendu et facilité, censé impulser la machine économique. L’élan s’essouffle. À trop encourager la consommation, à trop flirter avec l’inflation, celle-ci redémarre à un rythme inquiétant. D’ailleurs, à la veille des manifestations, Standard & Poor’s, considérant la dette pu¬blique et l’instabilité croissantes, a placé en négatif les perspectives du Brésil. Le «miracle» économique, soutenu par la hausse des matières premières, s’estompe.

À trop miser sur les revenus de l’agriculture et du sous-sol au détriment de l’industrie, à différer sans cesse le développement d’équipements devenus insuffisants et défaillants – transports collectifs, ¬fourniture d’énergie, réseaux techniques, aménagements urbains, équipements hospitaliers, sécuritaires –, les responsables brésiliens ont fragilisé l’économie du pays dans son ensemble. Leur immédiatisme est encore aggravé par le faible tonus de l’économie mondiale. Aujourd’hui, les investisseurs locaux aussi bien qu’étrangers se tiennent sur la réserve, échaudés par une bureaucratie obstructive et par l’insécurité judiciaire qui transforme toute entreprise en chemin de croix. Le Brésil continue donc d’attirer les capitaux spéculatifs plutôt que productifs.

Alors que l’insécurité dans la vie quotidienne et face au futur taraude les Brésiliens, ils vivent comme une insulte la légèreté et la vitesse avec lesquelles des milliards sont déversés dans l’organisation des grandes manifestations sportives. La machine de l’État, qui s’auto-alimente en prébendes, et la classe politique, qui draine à son profit une bonne partie des ressources du pays, ont perdu toute dignité aux yeux de la population. En descendant dans la rue, la jeunesse affirme sa défiance à l’égard de tous les partis sans exception, mais aussi sa propre confiance: «Le Brésil s’arrête, nous construisons l’avenir», proclamait l’un des calicots../////Lorette Coen


Avenir et Vie après le Football au Brésil

Mot à Maux


Rédigé par psa le 21/06/2013 à 01:46



L'ancien Premier ministre togolais, Édem Kodjo, a été secrétaire général de l'Organisation de l'unité africaine (OUA) de 1978 à 1983. Il se confie à Jeune Afrique... toujours en homme d'action convaincu du Panafricanisme, un sentiment et un phénomène qui n'existe sur et autour d'aucun autre continent.


Unité Africaine : Souvenirs Palpitants d’Édem Kodjo
Union africaine. Unité africaine. Cela représente beaucoup de choses. C'est cette volonté tirée du panafricanisme, né loin du continent mais qui est devenu une idéologie exaltante pour la construction d'une Afrique unie, la libération de l'être africain dans toutes ses dimensions. Vue ainsi, l'unité africaine est une vraie mystique que nous avons appliquée avant d'avoir, par la suite, la chance de l'incarner. Elle n'est toujours pas construite. J'ai le sentiment, quand j'observe tout ce qui se fait aujourd'hui, qu'on tricote autour, qu'on ne va pas directement au cœur du sujet. C'est à se demander combien de siècles il faudra au continent africain pour qu'il s'affirme de manière plus unitaire. On en est encore loin, et cela me désespère parfois.

L'unité africaine, c'est, pour moi, des souvenirs palpitants. Je sais que je n'aurai plus jamais les mêmes émotions. Quand on a le sentiment de servir le continent africain et qu'on a été, comme moi, élevé dans une sorte de culte de l'Afrique, qui représente à mes yeux presque une personne physique, presque une mère, quand on vous met au sommet pour vous en occuper, c'est avec beaucoup de détermination que vous passez à l'action.

En 1979, déjà, nous nous sommes battus pour que le continent se dote d'une Charte africaine des droits de l'homme et des peuples. C'est l'une de mes plus grandes satisfactions. Il y a eu le grand souffle du Plan d'action de Lagos sur les communautés économiques régionales. Ce texte, qui a été adopté dans l'allégresse en 1980, détermine une conception de l'économie africaine selon laquelle l'Afrique doit essayer de produire ce qu'elle consomme, consommer ce qu'elle produit, cesser de consommer ce qu'elle ne produit pas et de produire ce qu'elle ne consomme pas. Ce texte fondamental est, jusqu'à ce jour, une référence. Mais cette bonne vision, qui ne demandait qu'à être amplifiée, a été contrée par la Banque mondiale.


"Ce n'est pas moi qui ai reconnu la République arabe sahraouie démocratique (RASD). J'étais simplement le comptable."


La crise du Sahara occidental a été un moment difficile pour moi. Pourtant, ce qui paraissait évident pour tout le monde ne l'était plus. À partir du moment où le nombre d'États requis pour l'admission d'une entité comme État membre est largement dépassé - il y avait 40 voix pour et 12 contre -, les choses étaient claires. Ce n'est pas moi qui ai reconnu la République arabe sahraouie démocratique (RASD). J'étais simplement le comptable en chef et j'en ai tiré des conclusions. Deux ans plus tard, tous les chefs d'État ont approuvé cette admission. Cette affaire date de février 1982. Nous sommes en 2013, et rien n'a évolué.

Confrontée à de nombreux problèmes, l'Union africaine est souvent obligée de se tourner vers l'extérieur pour chercher des solutions. Est-ce encore normal cinquante ans après sa création ? Non. Prenons le cas le plus récent, celui du Mali. On recherchait peut-être une dizaine de milliers de soldats, bien entraînés. Nous n'avons pas été capables de les trouver. Il a fallu qu'un État non africain vienne résoudre le problème à notre place. Heureusement qu'il y a eu les Tchadiens pour laver notre honte. Cet épisode montre bien les limites de la construction de l'unité africaine et de l'Union africaine. Je suis de ceux qui estiment qu'il y a des progrès à faire. Pourquoi ne pas instaurer un fédéralisme régional et avoir, ainsi, des entités qui tiennent debout ? Je sais que ce ne sera pas facile. Mais on ne demande pas aux États actuels de disparaître. Une fédération comporte un État fédéral et des États fédérés, avec des gouvernements.

Cela dit, l'organisation continentale ne doit pas être perçue uniquement de manière négative, comme c'est souvent le cas. Elle a réalisé beaucoup de choses, notamment en ce qui concerne la libération des peuples qui étaient encore colonisés, la paix et la sécurité, la démocratie, la gouvernance, les élections. Tout cela est positif. Ce qui est négatif, c'est la permanence de certains principes comme, par exemple, le fameux principe d'intangibilité des frontières héritées de la colonisation. Conséquence : nous avons une souveraineté juxtaposée qui ne facilite pas l'action.

Nous autres intellectuels, nous ne pouvons pas rester les bras croisés et la bouche fermée face à ce qui se passe. Nous répétons, au fil des années, que les choses ne marchent pas, mais nous ne bougeons toujours pas ! Cela va-t-il durer cent ans ? Je voudrais qu'on me dise si mes arrière-petits-enfants trouveront une Afrique respectable, une Afrique digne, une Afrique solide qui puisse avoir son mot à dire sur le plan international. Nous ne sommes pas seuls au monde. ///// Tshitenge Lubabu M.K.

Ad Valorem


Rédigé par psa le 26/05/2013 à 14:38



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