Jamais Mandela n’a manqué de crédibilité, malgré son passé communiste et la dureté des principes qui forment sa personnalité; malgré tout cela, le Madiba n’a jamais manqué de crédibilité au point qu’il lui soit appointé la fameuse communauté internationale, qui plus est le saint des saints qu’est l’ONU, alors dirigé par un Africain, Kofi Annan.
Les élections de 2000 en Côdivoire ont été tout sauf régulières; Laurent Koudou Gbagbo reconnait d’ailleurs avoir pris le pouvoir au moyen de la rue et de manière calamiteuse, au détriment du Général Guéï. La légitimité de Gbagbo était une légalité de fait qui lui imposait le devoir d’une élection régulière; ce qu’il a manqué de faire à plusieurs occasions et auquel il s’est astreint, de bon droit seulement, avec l’assurance d’avoir toutes les cartes en main pour se maintenir au pouvoir. Quoi de plus normal en cette Afrique hésitante face aux désirs de ses peuples et aux choix des citoyens : l’Afrique rime malheureusement avec élections mal organisées.
Là où tant de ces observateurs, de Gaston Kelman à Herman Yaméogo, de Célestin Monga à Achille Mbembé et bien d’autres rapetissent leur propre raisonnement et se laissent guider à dominance par l’émotion, c’est d’ignorer ou d’occulter l’évidence qui a fait que le président de la Côdivoire lui-même n’a plus du tout demandé la fin de la partition de son pays avant les élections : Laurent Gbagbo lui-même constituait et disposait d’une milice ou d’une force parallèle au point de ne plus devoir demander le respect des termes des résolutions du Conseil de sécurité et de l’Accord de Ouagadougou quant à la démobilisation des ex-combattants.
Il est clairement établit que l’ONU lui avait fait remarquer qu’il ne pouvait donc plus invoquer tout ou partie de la situation de la partition de la Côdivoire comme prétexte de non respect des résultats électoraux. La seule chose qui semblait préoccuper le président Gbagbo était d’ailleurs la présidence de la CEI, la Commission électorale indépendante, dont le titulaire d’avant fut démissionné au profit de l’actuel, Youssouf Bakayoko. Le président Gbagbo et les siens avaient fait campagne dans toute la Côdivoire, autant pour le premier tour des présidentielles que pour le second et décisif tour.
S’il faudra un jour recenser des incrédules et des naïfs politiques en Côdivoire, Laurent Gbagbo ne serait donc pas dans cette catégorie de personnes. La Côdivoire a le plus souverainement possible sollicité l’ONU pour un rôle précis qu’elle-même a conféré juridiquement à cette institution. Tout le reste devient purs ergotages et rhétoriques pour la galerie restée enfarinée, à toutes les occasions, par ce même Gbagbo au moyen de vils slogans recyclés: dignité de l’Homme noir, captation de la richesse des États africains, nouvelle colonisation, Sarkozy et la France, la communauté internationale devrait appliquer la même règle partout en Afrique, et patati et patata. Tout peut être dit au nom de la protection de la dignité perdue de l’Afrique mère, une Afrique toujours incapable, une Afrique de ces incapables politiques réticents à respecter honorablement leur propre parole.
On est vraiment loin d’une élection irrégulière comme il s’en fait en Afrique, trop souvent. Les erreurs d’organisation, pas plus que les fraudes électorales rentrent bien dans les standards internationaux. Si seulement leur importance est de nature à invalider les élections, dans le cas ivoirien, il est bien prescrit à la Cour constitutionnelle de faire reprendre toute l’élection et non d’éliminer les votes dans plusieurs régions et, progressivement s’arrêter lorsque le résultat est renversé. Penserons-nous qu’il n’y avait pas eu de fraude et de fraudes massives de mêmes ordre et nature à Abidjan ou ailleurs, dans les conditions inhabituelles de « couvre-feu » décrété en direct sur un plateau de télévision le jour du débat? À d’autres!
Manifestement, Gbagbo n’a pas prévu de quitter le pouvoir comme le font les grands hommes, de Mandela intentionnellement à Sankara qui voulait que la preuve ultime d’une trahison soit donnée à toute l’Afrique. Et, depuis les premières heures de son échec, le président Gbagbo a refusé les sollicitations des uns et des autres, du plus illustre Barack Obama aux non moins connaisseurs de la réalité ivoirienne que sont Guillaume Soro et Kofi Annan; tous actaient pour qu’une porte de sortie tout à fait honorable lui soit accordée. Les sondages bidon payés à grand frais et sa conviction irrationnelle que jamais le président Bédié n’appellerait à voter Ouattara, à cause des séquelles de l’ivoirité, ainsi que de nombreuses considérations superflues ont fini par faire croire à Laurent Gbagbo que la Côdivoire ne mériterait que lui et toute l’Afrique perdrait grandement en le voyant partir. Non Merci!
Sankara, Lumumba, Mandela et autres ont fait l’unanimité autour d’eux et provoqué le respect de leurs adversaires; Gbagbo divise l’Afrique et est loin du panthéon de nos admirations éthiques. En l’état actuel des choses, rien absolument rien de cohérent et de logique ne permet de déclarer Gbagbo gagnant des dernières élections présidentielles en Côdivoire. Notre africanité et nos africaneries, voire même nos africhicaneries sont loin de restituer un vierge et immaculé blanc seing politique à Laurent Gbagbo au point de le gratifier de la présidence de la Côdivoire pour avoir été longtemps opposant dans ce pays, longtemps opposant à Houphouët-Boigny. Des exemples existent à profusion : la longue opposition politique n’est nullement une preuve de sainteté politique, pas plus d’ailleurs que la pérennité au pouvoir.
L’Afrique mérite seulement l’éthique politique affirmée et sans aucune complaisance démocratique; et c’est cela l’Africanité renouvelée porteuse d’une identité éthique. Gbagbo et ses patriotes, ses pleureurs et pleureuses d’une Afrique bafouée et violée dans sa dignité font réellement mal à l’Afrique. Car, c’est mal défendre l’Afrique que vouloir la défendre à tout prix : confondre Mandela à Gbagbo est pur sacrilège et trop couteux et même irrespectueux. S’il vous plait, arrêtez!