C’est en ces termes que se pose la question de la candidature unique de l’opposition togolaise, dans la perspective des élections présidentielles de 2015; une question qu’il faut régler au plus tôt en ces temps de veille électorale. Mais en réalité, poser la question c’est y répondre de manière non-équivoque : supprimer de l’ordre anormal des ambitions politiques, au beau milieu de nous-mêmes, tous ceux qui tournent le dos à la République et tendent désespérément la main à la non-légitimité, antidémocratique de surcroît, « depuis les mendiants jusqu’aux prétendants ». Faites demi-tour, retournez-vous et regardez dans la même direction que le peuple togolais : revenez à la Patrie, revenez à la République, revenez à la «Terre de nos Aïeux», revenez à la grande Raison… Ne nous perdons plus du temps!
Le coup d’État permanent que subit le Togo –ne serait-ce que dans la fausse promesse de l’ancien régime d’établir la démocratie et la réconciliation, ne laisse de choix qu’à se porter à la défense de la République en refusant de nouvelles reculades. La République c’est la solidarité, autant que la démocratie l’est également. Il ne faut plus que le Togo soit pris par surprise –comme en 2005 et en 2010, et le peuple dépossédé de son avenir, de nouveau, parce que certains de ses dirigeants auraient mené et gagné la bataille de l’égoïsme et de l’inefficacité politique en s’arrogeant, encore une fois, le rôle de tuteur du peuple; un peuple togolais qui, à leurs yeux, serait tout simplement immature pour ne pas reconnaitre toute la compétence cachée en eux. Erreur!
La suprématie du peuple est sacrée. Cette suprématie implique que le peuple n’a pas à justifier ses choix, et nullement son adhésion à une personne plutôt qu’à une autre; et ce peuple a aussi le droit de se détourner de l’un comme de l’autre sans fournir d’explication à qui que ce soit. C’est l’immuable loi de la souveraineté du peuple; et il exprime ce pouvoir dans ses choix et à travers ses préférences populaires; et cette suprématie ne peut être assujettie à aucune condition ni obstruction, à aucune précipitation ni auto-proclamation.
De plus, lorsqu’on a vu ces dernières années le suffrage du peuple togolais servir à légitimer toutes les impostures électorales, lorsque qu’on a vu la République bâillonnée, incendiée et dépossédée, lorsque qu’on a vu des candidatures rejetées et des résultats littéralement fabriqués, lorsque qu’on a déjà été mordu par un serpent, probablement le même serpent et au même carrefour, de tout ce qui ressemble à un serpent ou en présente la silhouette à ce même carrefour de l’histoire, l’on se doit de se méfier et d’agir en conséquence. C’est le bon sens dont le commun des mortels est capable, en tout temps et tout lieu : faire des choix raisonnés fondés sur le vécu et le contexte.
Des leaders politiques désormais sous surveillance.
De nos jours, l’opposition togolaise qui s’impose à notre considération est celle qui, elle-même et par la force des choses, s’est affranchie de la puissance tutélaire désespérément inefficace de Gilchrist Olympio. Devant ce dernier, on s’en souvient, toutes les capacités politiques togolaises et non les moindres s’étaient littéralement anéanties; des Léopold Gnininvi aux Apollinaire Agboyibo en passant par les Edem Kodjo, Boukari Djobo et autres. Depuis lors, un chemin a été parcouru, et nul ne reviendra en arrière sur les temps impériaux extraordinairement stériles et peu imaginatifs de l’ère Gilchrist Olympio ou encore redonner vie à tous ces moments de gâchis et de lourds sacrifices. L’histoire en disposera. Mais aujourd’hui, le temps nous est compté : le Togo ne peut continuer à être pris au piège des actions politiques sans aboutissements de certains de ses leaders. C’est ce droit de regard et de vigilance qu’exercent désormais tous les citoyens du Togo, le peuple togolais, silencieux, muet, médusé, paralysé, aphasique même, mais toujours conscient de son destin encore inachevé, et toujours vigilent vis à vis de tous ses prétendants.
Il est vrai que dans sa diversité, l’opposition togolaise qu’incarnent les acteurs actuels s’est modelée, à nouveau et autrement, dans un esprit d’ouverture aux partis politiques et à la société civile; un esprit de collaboration que jamais la classe politique n’avait démontré auparavant avec autant de louables résultats. Une telle voie de l’efficacité dans l’unité d’action, une fois choisie, c’est tous les adeptes du changement qui doivent s’y associer, de Kofi Yamgname à Agbeyomé Kodjo, d’Aimé Gogué à Jean-Pierre Fabre, de Tchessa Abi à Abass Kaboua, etc. C’est un fait que l’opposition togolaise n’a jamais été aussi unie que maintenant, malgré toutes ses difficultés apparentes et avec l’incontestable leadership de l’Alliance nationale pour le Changement (ANC), parti-locomotive du Collectif Sauvons le Togo (CST).
C’est d’ailleurs l’éternel et universel enseignement du Chemin de Damas : se relever après tous les déboires du monde, toutes les humiliations et les brusqueries que seul le régime ancien togolais sait servir à ses adversaires. Voici donc une opposition nouvelle en marche; elle est cosmopolite, multiethnique, ouverte et elle constitue le résultat de tous les écroulements du passé, en plus d’être pourvoyeuse d’un idéal républicain à tout un peuple qui a le droit d’exister et d’espérer. Comme ce fut le cas dans l’histoire des peuples, au Togo aujourd’hui, chaque conscience citoyenne a besoin d’un idéal plus que du réel : « C’est par le réel qu’on vit; c’est par l’idéal qu’on existe. » Se pourrait-il que certains veulent entraver cette marche nouvelle, si déterminante, en s’écartant du devoir d’unité d’action? Pas cette fois-ci, s’il vous plait!
Face à une situation aussi persistante, le devoir d’une action commune s’impose à chaque adepte du changement politique au Togo. Là est le bon sens est là! Une telle fermeté dans notre conviction n’a d’égale que la sympathie profonde envers toutes les ambitions politiques individuelles. Sauf que devant l’histoire républicaine du moment, tout s’efface, et tout doit s’effacer afin que les Togolaises et les Togolais deviennent eux-aussi, ensemble, contributeurs et « créanciers de l’enthousiasme universel » que partagent déjà d’autres peuples qui ont choisi la démocratie partout à travers le monde, et plus près encore au Ghana et au Bénin voisins.
Dans un passé encore récent, les abîmes de la désunion de l’opposition togolaise avaient déjà fait tressaillir tout un chacun d’amères déceptions. Se décourager et tourner le dos au Togo, tendre une main secourable ailleurs ont parfois été l’exutoire de certains. Mais rien n’est aussi compliqué que de fuir son propre destin et laisser inachevée son œuvre de citoyen ou encore mettre un masque à sa quête de liberté en grattant ailleurs que l’endroit qui en a le plus besoin. Toutes ces fuites en avant n’avaient rien donné d’autre que la certitude que les Togolais doivent courageusement faire face à leurs responsabilités. Citoyens d’une République bâillonnée, incendiée et dépossédée, les Togolais n’en peuvent plus d’appartenir à un pays aux rêves perdus, peuplés de martyrs et de bourreaux; un pays où l’opposition républicaine, forte et unie, doit désormais refuser de servir de faire-valoir à l’arbitraire. C’est bien le sens d’une candidature unique, celle qui ne sera pas tirée par les cheveux de la désunion, celle du large consensus, celle que nous attendons. Vivement!