Et alors, certains comme nous, avons à notre manière, la tentation de cet éternel homme de conviction, d’éthique et d’honneur, en face du devoir et de la nécessité de l’alternance démocratique pacifique au Togo. Certains comme nous, nous retrouvons bien dans ces propos si adaptés au Togo d’avant ces présidentielles 2015 : « Devant les trahisons et les têtes courbées, Je croiserai les bras, indigné, mais serein. Oui, tant qu'il sera là, qu'on cède ou qu'on persiste, sans chercher à savoir et sans considérer si quelqu'un a plié qu'on aurait cru plus ferme, et si plusieurs s'en vont qui devraient demeurer. Si l'on n'est plus que mille, eh bien, j'en suis ! Si même Ils ne sont plus que cent, je brave encor Sylla ; S'il en demeure dix, je serai le dixième ; Et s'il n'en reste qu'un, je serai celui-là ! » C’est l’Ultima Verba d’Hugo pour les consciences togolaises, peu sereines, devant tout le tourbillon accusatoire pré-électoral ambiant.
L’alternance doit pourtant advenir au Togo, et c’est véritablement une nécessité et un devoir démocratique, largement partagé. C’est d’ailleurs ce que proclame Abdoulaye Bathily, très opportunément et sans équivoque aucune : « Il faut éviter de changer les Constitutions, surtout sur une base non consensuelle. Le syndrome burkinabè guette aujourd'hui plusieurs de ces pays ». Et il ajoute, comme pour éclairer davantage le cas togolais qui ne lui échappe pas : « Même là où la question de la Constitution ne se pose pas, parce que les pouvoirs ont depuis longtemps réglé la question, l'aspiration à l'alternance est une donnée qui ne doit pas être négligée. Quel que soit le niveau de réalisations d'un pouvoir, quels que soient ses succès économiques, il y aura toujours un désir de changement ».
Il était devenu impérieux de laisser d’abord parler les esprits sereins, extérieurs à la situation togolaise; ceux qui possèdent encore le recul nécessaire pour nous indiquer que le principe de deux mandats ne relève pas seulement des dispositions devant figurer dans une Constitution écrite et figée, sachant qu’une Constitution moderne n’est pas seulement limitée à sa partie rigide, mais davantage à la somme des pratiques légales et légitimes lui donnant vie, lui donnant une prise sur la réalité, lui conférant une durabilité impersonnelle, lui attribuant une Éthique républicaine. L’obligation de deux mandats maximum relève donc de l’Éthique républicaine qui est au-dessus des Constitutions et émane du désir de changement ancré dans l’humaine condition que partagent les Togolaises et les Togolais avec le monde entier.
Le Togo, un pays sans aucun passé ni antécédent?
Que tous ces esprits retors dédaignant leur Peuple cessent donc de « jeter l’opprobre à tout ce qu’on bénit » de partout : l’alternance démocratique pacifique. Que tous ces esprits rétrogrades de pure « abjection publique, lâches comme le reste », cessent de penser user de la ruse pour anéantir la Liberté et la dignité de tout un Peuple. Que tous ces « exécrables trompeurs » sans foi ni loi et avec tant d’erreurs politiques accumulées depuis 1993, cessent de ruer sur des choses si bas tombées pour n’être qu’infamie ultime.
Qu’a-t-il fait ce Togo pour mériter si bas de ses propres enfants? Nul n’en saura probablement jamais. C’est alors à regret que l’on est forcé de rappeler aux uns et aux autres l’évidence de ne pas personnaliser un débat si républicain et si éthique, avant même d’être constitutionnel. C’est un plaidoyer aussi vaste que la cause qui est en jeu, ici et maintenant. Et cette cause est aussi grandiose qu’il faut l’éloigner de toutes ces mains baladeuses peu innocentes. Comme dans toutes les causes républicaines, il y a lieu d’élaguer de toutes parts dans l’élaboration et dans toutes les formulations, « le particulier, le singulier, le spécial, le relatif, le modifiable, le contingent, l’accident, l’incident, l’aventure, la mésaventure, la rumeur, l’épisode, l’accroc, l’anecdote, l’évènement, le nom propre » et se borner à plaider la noblesse impersonnelle, ouverte et chaleureuse de la cause, seulement et uniquement.
Pour de nombreuses personnes, comme nous, le Togo demeure encore une République, même confisquée, même suppliciée, et surtout pas un pays-martyr, une Nation martyrisée par les mauvaises modifications des lois, les interprétations bancales qui font accroire qu’un mandat fini ne compte pas et remet à chaque fois le compteur à zéro éternellement (ridicule et désespérément pitoyable!), les agressions constantes à la Constitution au lieu de la restitution définitive de la Loi fondamentale de 1992.
Pour certains de ces trépassés, on dirait que le Togo n’a pas existé avant le profond désir d’alternance d’aujourd’hui. Le Togo, un pays sans passé, sans antécédent, sans souvenirs des cinquante dernières années, sans mémoire de février à avril 2005? Quand même!
Réformes, s’il vous plait! Réformes ou pas réformes, nous aviserons en temps et lieu, alors le Peuple togolais agira en conséquence. Mais ce qui est certain : l’alternance doit advenir au Togo en 2015. Et s’il doit en rester un seul Togolais, une seule Togolaise, pour proclamer cette alternance, que ce soit un valeureux citoyen, ressemblant peu à aucun de ces égoïstes poltrons politiques déchaînés et à l’attaque d’une République déjà affaiblie. Honte à ceux-là!
Malgré tout… Bonne et heureuse année 2015!