Réagissant à l’annonce du projet du Symposium Sylvanus Olympio, Monsieur Guy Anyinéfa, fait de la rhétorique pour écrire « Aucun courant de politique ne peut se passer d’idéologie. L’héritage de Sylvanus Olympio est plus praxis qu’idéologie, et c’est cela sa faiblesse ». Comme Togolais et sociologue engagé, je ne peux que répliquer à cette rhétorique sophiste autour de la pensée du père de l’indépendance de notre pays, le Togo.
« Chaque fois que reviennent les jours gris, que le devenir prend une couleur monotone et que la politique piétine d’impuissance, on se prend à rêver de quelque sursaut qui remette l’histoire en marche » (Fernand Dumont, Raisons communes, Montréal, Les Éditions du Boréal, 1995, p.11). C’est par cette citation d’un éminent sociologue canadien que j’ai félicité Pierre Adjété pour l’initiative qu’il a prise avec d’autres intellectuels de la diaspora togolaise d’organiser le Symposium Sylvanus Olympio.
Par définition, un symposium est un congrès, un colloque ou un séminaire scientifique qui réunit un certains nombreux de spécialistes pour traiter d’un sujet particulier. En l’occurrence le Symposium Sylvanus Olympio veut réunir un nombre restreint de personnes (des Togolais, des Africains et autres penseurs internationaux) bien informées, averties ou prêtes à faire une recension des discours de Sylvanus Olympio ainsi que des études portant sur ses discours et programmes politiques.
Dans quel but ? Pour dégager sa pensée ou idéologie politique, car à l’instar des pères des indépendances africaines, Sylvanus Olympio avait un idéal sociétal (démocratie et développement) pour la nation togolaise, en construction durant la décennie 1950-1960 (lire : Recueil des allocutions importantes du Président Olympio, Lomé, Édition le Service de l’Information, Togo, 1961) ; Têtêvi Godwin Tété-Adjalogo, Histoire du Togo. La palpitante quête de l’Ablodé, 1940-1960, Paris, MN7 Éditions, 2000).
Une fois revisité et cerné, on verra sans doute que c’est pour cet idéal que le peuple togolais lutte depuis les mouvements de la décolonisation et des indépendances africaines.
Là où il y a praxis, il y a idéologie
En lisant et relisant le texte de monsieur Guy Anyinéfa, je suis arrivé à la conclusion qu’il ne pourrait pas faire partie du groupe du Symposium Sylvanus Olympio, tout simplement parce que son petit texte sur l’idéologie politique de Sylvanus Olympio est un sophisme. Pour les raisons sociologiques suivantes.
1. La notion d’idéologie renvoie à un mode de connaissances et à des fonctions pratico sociales qui permettent aux acteurs sociaux d’interpréter la société et d’orienter leur action.
2. En cela, et contrairement au raisonnement de monsieur Guy Anyinéfa, la praxis est la totalité de l’idéologie. En effet, chez Karl Marx, la praxis est « l’ensemble des activités matérielles et intellectuelles des hommes qui contribue à la transformation de la réalité sociale ». Il est donc faux de dire que « L’héritage de Sylvanus Olympio est plus praxis qu’idéologie ». Là où il y a praxis, il y a idéologie.
3. Le but du Symposium Sylvanus Olympio est de dégager l’idéologie du premier président du Togo, la réhabiliter et la réapproprier, et la mettre en pratique pour transformer la dictature en démocratie, le sous-développement en développement durable du Togo. À bien y voir, Olympio a été assassiné pour son idéologie politique, car la FrançAfrique ne voulait pas qu’il la mette en pratique, tellement qu’elle était puissante pour la construction de la nation togolaise par les Togolais pour les Togolais, et pour leur prospérité.
4. Les voies vers le panafricanisme sont multiples. Et le panafricanisme de Kwame Nkrumah ne saurait être le seul paradigme (Africa Must Unite, New York, International, 1970) à partir duquel on pourrait juger le choix des autres hommes politiques africains d’hier et d’aujourd’hui. Il y a le panafricanisme du Dr W.E. B. Du Bois, du Dr E. W. Blyden, Marcus Aurelius Garvey, de George Padmore, même de Félix Houphouët-Boigny, de Cheik Anta Diop, etc.
Mais toutes choses égales par ailleurs, c’est à partir des nations que l’entité « États Unis d’Afrique » se construira comme l’est d’ailleurs l’Union Africaine aujourd’hui. C’est donc réducteur de qualifier de « micro-nationalisme » le choix d’Olympio de bâtir d’abord la nation togolaise (son économie surtout) et ensuite s’engager dans un processus de « panafricanisation ».
On ne fait pas l’histoire par des imprécations. Il faut se jeter dans le courant et nager. C’est ce que fait, sous le leadership praxis (dans le sens sociologique du mot) de Pierre Adjété, un groupe de Togolais en organisant le Symposium Sylvanus Olympio. Je suppose que ces patriotes et compatriotes ont pris conscience, dans l’état actuel de la lutte du peuple togolais pour la démocratie et le développement durable, qu’il faut un sursaut dans la sphère des idées au Togo (ce sont elles qui gouvernent le monde) ; ce qui permettrait de remettre l’histoire en marche.
Si monsieur Guy Anyinéfa, réussissait à faire une rupture épistémologique avec la rhétorique sophiste pour entreprendre une démarche de recherche en science politique afin de cerner, ne serait-ce qu’un aspect, de l’idéologie politique de Sylvanus Olympio, il pourrait être choisi pour faire partie du groupe restreint de spécialistes qui vont se pencher sur la praxis d’Olympio lors du rendez-vous qui porte honorablement son nom de Symposium Sylvanus Olympio.
●7 novembre 2018●