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Pierre S. Adjété
Pierre S. Adjété
Né à Lomé, PSA a fait ses études au Togo, au Gabon et au Canada. Économiste, administrateur et essayiste, PSA est un partisan assumé du «Grand Pardon» et un adepte de l’Éthique dans l’espace public; il est un acteur engagé dans des initiatives citoyennes et républicaines.




Ses combats, il les choisit. Quoi qu’on dise, Barack Obama est une réussite qu’il égrène lui-même ses dernières semaines à la Maison Blanche avec méthode et une minutie d’orfèvre. De près ou de loin, il est un plaisir à observer l’art du pouvoir chez Barack Obama. D’autant plus qu’il en a les moyens, en vrai guerrier et en intellectuel praticien, le président américain est probablement le plus moderne dans ce rôle à la Maison Blanche. L’heure n’est pas au bilan Obama, mais c’est tout comme. Il y aura une Ère avant Obama et une Ère après Obama, disais-je déjà en 2008 avec délectation. La politique, un art et une science lorsque mise au service de l’éthique publique : « Le vrai pouvoir signifie que vous obtenez ce que vous voulez sans devoir exercer la violence »


La Doctrine Obama
Que ce soit devant Israël, Cuba, la Chine, l’Europe, l’Afrique, les Amériques, les pays du Golfe, la Russie rebelle de Poutine ou le Canada modeste de Trudeau, Obama choisit le positionnement rationnel qu’il veut donner à son pays ainsi que sa propre place dans l’histoire dont il a un sens élevé. Comment pouvait-il en être autrement lorsque ce phénomène politique avait réussi à apaiser l’univers entier, au point de mériter le prix Nobel de la paix, après une ère Bush qui avait propulsé le monde au bord de l’implosion. Inutile de dire que la force politique d’Obama va peser sur le choix de son successeur.

Comment les historiens jugeront la date du 30 août 2013, un vendredi, ce jour où Barack Obama renonça à bombarder la Syrie de Bachar al-Assad alors qu’il venait de franchir la ligne rouge fixée par le président américain un an plus tôt, à savoir l’utilisation de gaz contre sa population? Souligneront-ils que Barack Obama a empêché son pays de sombrer dans une nouvelle guerre civile au sein du monde musulman tout en neutralisant des armes chimiques qui menaçaient Israël, la Turquie et la Jordanie? Ou retiendront-ils que ce fût le jour où le Moyen-Orient échappa au contrôle américain pour tomber sous celui de la Russie, de l’Iran et du fameux État islamique?

Ces interrogations - et bien d’autres - le journaliste américain Jeffrey Goldberg les a partagées avec Barack Obama lui-même au cours de nombreuses conversations durant plusieurs années. Il en a livré un compte-rendu pour le magazine The Atlantic dans un article intitulé «La doctrine Obama». Un exercice rare pour un président en exercice, mais dont on comprend qu’il est très soucieux de sa place dans l’Histoire. Disons tout de suite que, trois ans plus tard, Obama reste serein avec son choix de ne pas attaquer la Syrie. S’il l’est, c’est que sa décision résulte d’une lecture lucide des rapports de forces, de la position des États-Unis dans le monde ainsi que des objectifs qu’il s’est fixé.

La Doctrine Obama
Dur envers ses alliés

Jeffrey Goldberg ne nous dit en fait rien de très nouveau sur la doctrine Obama. Ce dernier l’avait articulée à plusieurs reprises, en particulier devant l’Assemblée générale de l’ONU. Ces 70 pages d’enquête et de confidences éclairent par contre un style de pouvoir, l’articulation d’une pensée et en définitive la nature d’un stratège hors norme par les temps qui courent. Le président américain s’y montre presque plus dur envers ses alliés – qui ne sont pas à la hauteur (les Européens) ou qui ne défendent pas les mêmes valeurs (les autocrates arabes) – qu’envers ses concurrents chinois ou russes.

Aux yeux de Barack Obama, les principaux défis d'aujourd’hui sont l’intégration de la Chine au système international d’une part et la lutte contre le réchauffement climatique d’autre part. Les manœuvres de Vladimir Poutine apparaissent comme les derniers soubresauts d’un leader mal inspiré à la tête d’une puissance en déclin. Quant au Proche-Orient, son poids est devenu secondaire depuis la révolution énergétique qui a permis aux États-Unis de s’extraire de sa dépendance aux hydrocarbures arabes.

La dictature de l’immédiateté médiatique et politique

Barack Obama pense dans le temps long, le long terme. Une façon de lire le monde qui surprend, d’autant plus qu’en Europe et ailleurs, les leaders démocratiques sont devenus prisonniers de la dictature de l’immédiateté médiatique et politique. Ses démonstrations – contre les interventionnistes de tous poils, militaires ou humanitaires, les experts des think-tanks alignés sur Israël ou les États du Golfe qui les financent – ne convaincront pas les sceptiques qui tiennent ce président pour un naïf, un faible, un défaitiste, ou au mieux pour un idéaliste ou un fataliste qui précipite la fin de la puissance américaine.

La réalité est que les États-Unis sont aujourd’hui dans une position de force et de crédibilité bien plus grande qu’ils ne l’étaient il y a huit ans, à l’arrivée de Barack Obama à la maison Blanche, dans une Amérique ruinée par l’hubris d’une clique d’idéologues - qui pourraient faire un jour son retour. Suivez tous les regards qui sont déjà portés sur les primaires et les caucus en vue du remplacement de Barack Obama à la Maison Blanche…

« Le vrai pouvoir signifie que vous obtenez ce que vous voulez sans devoir exercer la violence », glisse Barack Obama à Jeffrey Goldberg qui l’interroge sur les interventions russes en Ukraine et en Syrie. Peut-être faut-il relire Sun Zi et son traité sur l’art de la guerre datant du VIe siècle av. J-C pour bien le comprendre. Une pensée éminemment moderne.//////////Frédéric Koller
La Doctrine Obama

Ad Valorem


Rédigé par psa le 19/03/2016 à 03:53