Profil
Pierre S. Adjété
Pierre S. Adjété
Né à Lomé, PSA a fait ses études au Togo, au Gabon et au Canada. Économiste, administrateur et essayiste, PSA est un partisan assumé du «Grand Pardon» et un adepte de l’Éthique dans l’espace public; il est un acteur engagé dans des initiatives citoyennes et républicaines.




Alors que de nombreuses démocraties s'apprêtent à rentrer dans une année électorale, politiquement forte, Jacques Attali dénonce la subordination du politique au marché. Le fait est patent, autant en Europe avec la crise de l’Euro que partout ailleurs. Il est même sous-jacent à la crise du déficit aux États-Unis et son bras de fer entre le Congrès républicain et le pouvoir Exécutif démocrate. C’est effectivement au nom de cette subordination de la démocratie au marché que tous les sorciers se promènent maintenant à visage découvert, au grand jour, coupant tous les emplois des personnes fragiles ainsi que les programmes de soutien aux citoyens dans le besoin et généralement taxés d’incapables. « Les coupures auront bel et bien lieu » tient fermement à nous dire le Républicain Boehner ce samedi 23 juillet 2011. La démocratie d’abord, la gouvernance ensuite, sont en danger. Mais en même temps, se lève un débat sur la citoyenneté et la richesse de sa diversité multiculturelle que certains voudrais bien réduire en poudre explosive uniquement exclusive. Retrouvons Jacques Attali en attendant les faux débats de 2012.


Lucian Freud s'est éteint cette semaine, à 88 ans
Lucian Freud s'est éteint cette semaine, à 88 ans




Etrange ironie: 2012 sera, dans de très nombreuses démocraties, à commencer par la nôtre, une année électorale très importante. Et dans tous les autres pays encore soumis à des dictatures, les peuples aspirent à des élections libres. L'humanité tout entière semble donc prendre en main son destin.

En réalité, il n'en est rien: les marchés sont partout, au contraire, en train d'imposer leurs lois ; et les peuples ne vivent de la démocratie que l'illusion et les apparences.

Dans les pays émergents, quels qu'en soient les régimes, les gouvernements et les citoyens sont de plus en plus à la merci des fluctuations des prix des matières premières, des produits agricoles et des cours des grandes monnaies, sur lesquels ils n'ont aucune prise: à quoi servent des élections quand le destin du pays peut être remis en cause à chaque instant par des décisions prises à des milliers de kilomètres?


Lucian Freud, un hyperfiguratif
Lucian Freud, un hyperfiguratif
La spirale de la dette
De même, les pays développés, plus endettés que jamais, sont de plus en plus à la merci de leurs prêteurs, qui peuvent décider de continuer ou non de leur permettre de vivre au-dessus de leurs moyens. Et ces prêteurs se font chaque jour davantage plus pressants. Les démocraties n'ont donc presque plus de moyens d'influer sur leur sort; elles ne savent ni maîtriser leurs dépenses, ni augmenter leurs recettes; de plus, elles ont transmis leurs principales responsabilités à des autorités indépendantes; enfin, elles n'ont pas su mettre en place les moyens de contre-balancer les forces des marchés, dont les acteurs se meuvent de plus en plus librement à l'échelle du monde.

Aussi, les élections à venir n'auront pas beaucoup d'influence sur l'avenir des électeurs. Les peuples le devinent, qui s'accrochent plus que jamais aux symboles nostalgiques de la puissance, tels les défilés militaires (même si, en France, le 14-Juillet, un soldat sur trois a défilé à crédit).

Chacun sait, chacun devine, qu'à force de vivre au-dessus de ses moyens, les marchés imposeront aux Etats des décisions très difficiles, que chacun connaît, mais dont personne ne veut entendre parler. Pas seulement des décisions budgétaires, mais aussi des modes de vie, des façons de penser, d'apprendre, de se soigner, de s'assurer.

Pour y échapper, les nations n'auront bientôt plus d'autre choix que d'imprimer de la monnaie (ce qui finira par de l'inflation, la ruine des classes moyennes, et la fin de la démocratie formelle) ou de fermer les frontières, ce qui conduira au même résultat.

La démocratie n'aura alors été qu'une façon d'organiser la transition entre deux formes de dictature: de celle des princes à celle des marchés.

Pourtant, il est encore possible d'échapper à cette pente tragique. En particulier, l'Europe a encore les moyens de rester un continent démocratique. Il faut pour cela mettre en place des moyens puissants face aux marchés. En particulier, décider, dès le prochain sommet européen, de doter le Fonds européen de 2 trillions d'euros, qui peuvent aisément être rassemblés par l'Union sous forme d'eurobonds et de garanties. Si une telle somme pouvait être annoncée, les marchés sauraient que toute spéculation est vouée à l'échec et les Etats n'auraient même pas besoin de la réunir. Naturellement, pour être vraiment pris au sérieux, il faudrait qu'un tel fonds soit placé sous le contrôle d'un véritable gouvernement européen, responsable devant les peuples et garant du sérieux de chaque pays membre.

Lucian Freud savait choisir ses modèles, ses audaces et ses polémiques
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Silence


Rédigé par psa le 23/07/2011 à 21:30