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Pierre S. Adjété
Né à Lomé, PSA a fait ses études au Togo, au Gabon et au Canada. Économiste, administrateur et essayiste, PSA est un partisan assumé du «Grand Pardon» et un adepte de l’Éthique dans l’espace public; il est un acteur engagé dans des initiatives citoyennes et républicaines.
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Ce n’est pas le mariage que redoute l’Eglise catholique romaine mais la place que prendrait dans l’esprit et le temps du prêtre les passions de la chair et les soucis de famille. La Lettre de Benoît XVI comme une histoire de réligion sans excuses.
Félicien Rops, 1878, La tentation de St Antoine: «Supprimez la tentation et personne ne sera sauvé»
Le célibat consacré joue peut-être un certain rôle dans les tentations pédophiles de certains prêtres chargés d’éducation d’enfants ou d’adolescents. Certains experts l’affirment. D’autres minimisent ou même contestent cette cause-là. Le célibat ne serait qu’un aspect particulier, même peut-être mineur, d’une conjoncture religieuse où la sexualité dans son ensemble est problématique. En expliquant un dérèglement des sens par la seule frustration sexuelle, on évacuerait toute une série d’autres motivations comme la passion du pouvoir sur autrui, le sentiment d’impunité au sein de la hiérarchie très fermée du clergé, ou même la haine de la normalité conjugale. En outre, toutes les situations ne se ressemblent pas, il y a autant de personnes dans le clergé catholique qui ont fait le sacrifice de leur sexualité que de personnes heureuses d’avoir trouvé un prétexte socialement honorable pour y échapper.
L’affaire est tortueuse depuis le début. Pourquoi saint Antoine, dans son désert égyptien, subit-il les attaques féroces du diable sous forme de tentations sexuelles? Pourquoi ce qui est un trip psychédélique actionné au LSD pour les hippies du XXe siècle représente-t-il, au IVe siècle, pour le père des moines chrétiens, une horrible tentation? (Tentation salutaire cependant puisque, saint Antoine dixit: «Supprimez la tentation et personne ne sera sauvé.») Les peintres se sont emparés du thème, Bosch, Grünewald, Dali, ou ce Félicien Rops qui écrit, à propos de son tableau, en 1878: «Le sujet est facile à comprendre: le bon saint Antoine, poursuivi par des visions libidineuses, se précipite sur son prie-Dieu mais pendant ce temps-là, Satan – un drôle de moine rouge – lui fait une farce: il lui a ôté son Christ de la croix et l’a remplacé par une belle fille, comme les diables qui se respectent en ont toujours une sous la main…» L’œuvre a frappé Freud: «Le graveur a choisi le cas exemplaire du refoulement dans la vie des saints et des pénitents», dit-il. Mais contrairement aux autres peintres qui ont placé le péché «insolent et triomphant» quelque part à côté du Sauveur sur la croix, Rops lui fait prendre la place du Sauveur lui-même, sur la croix: «Il semble avoir su que le refoulé, lors de son retour, surgit de l’instance refoulante elle-même.» C’est moins le célibat que l’abstinence qui occupe l’Eglise. L’apôtre Pierre est marié, ainsi que la plupart de ses condisciples. Dans les premiers siècles, un grand nombre d’évêques, prêtres ou membres du clergé supérieur, dont plusieurs papes, sont des époux. Comme l’affirme Jean Paul II en juillet 1993: «Le célibat n’est pas essentiel au sacerdoce, il ne fut pas promulgué comme une loi par Jésus-Christ.» Ce qui est essentiel en revanche, c’est le comportement sexuel au sein du mariage, si mariage il y a, et l’obéissance à un certain nombre de règles de continence, temporaires ou permanentes. Il est admis depuis l’origine que le prêtre ne peut mener deux vies, l’une ordinaire, de chair et de passion, l’autre apostolique et spirituelle au service de Dieu. Il est dit dans un canon du Concile de Carthage de 390: «Il convient que les saints évêques et les prêtres de Dieu, ainsi que les lévites, tous ceux qui sont au service des sacrements divins, observent une continence parfaite afin de pouvoir obtenir en toute simplicité ce qu’ils demandent à Dieu. Ce qu’enseignèrent les apôtres, et ce que l’Antiquité elle-même a observé, faisons en sorte, nous aussi, de le garder.» De là, cette pratique selon laquelle le prêtre peut être ordonné après avoir été marié mais ne peut plus se marier une fois ordonné. Le célibat des prêtres s’est généralisé dans le catholicisme de rite latin à partir du XIIe siècle lorsque se sont posées des questions très politiques de succession des biens. L’exclusion des fils de l’héritage des évêques et autres abbés est allée de pair avec la dissolution de leur mariage, jugé illicite. Une injonction du Concile de Trente (1545-1563) est ensuite passée dans le droit canon: «Celui qui dit que l’état conjugal est préférable à l’état de virginité et de célibat, qu’il soit anathème.» Dès ce moment-là, la mise à l’écart presque totale des femmes et des enfants de l’environnement personnel des prêtres a justifié la prolongation jusqu’à nos temps de la vision augustinienne de la sexualité: «Rien n’est plus puissant pour tirer l’esprit d’un homme vers le bas que les caresses d’une femme.» Dans son encyclique très documentée de 1967 sur le célibat, Paul VI tient encore pour valide le raisonnement originaire: «Jésus, qui choisit les premiers ministres du salut, qui les voulut initiés à l’intelligence des mystères du royaume des cieux, coopérateurs de Dieu à un titre très spécial et ses ambassadeurs […] a promis une récompense surabondante à quiconque aura abandonné maison, famille, épouse et enfants pour le royaume de Dieu.»///////// Joëlle Kuntz Horizon
Rédigé par psa le 21/03/2010 à 00:00
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