Monsieur le Président,
Monsieur le Secrétaire Général,
Honorables représentants de la Communauté internationale,
Je viens en ces lieux vous apporter le salut fraternel d’un pays de 274.000 km², où sept millions d’enfants, de femmes et d’hommes, refusent désormais de mourir d’ignorance, de faim et de soif, tout en n’arrivant pas à vivre véritablement depuis un quart de siècle d’existence comme État souverain, siégeant à l’ONU.
Je viens à cette trente-neuvième session vous parler au nom d’un peuple qui sur la terre de ses ancêtres, a choisi dorénavant de s’affirmer et d’assumer son histoire, dans ses aspects positifs, comme dans ces aspect négatifs, sans complexe aucun.
Je viens ici enfin, mandaté par le Conseil National de la Révolution du Burkina Faso, pour exprimer les vues de mon peuple concernant les problèmes inscrits à l’ordre du jour et qui constituent la trame tragique des événements qui fissurent douloureusement les fondements du monde en cette fin de vingtième siècle. Un monde où l’humanité est transformée en cirque, déchirée par les luttes entre les grands et les semi-grands, battue par des bandes armées, soumise aux violences et aux pillages. Un monde où des nations, se soustrayant à la juridiction internationale, commandent des groupes de hors-la-loi, vivant de rapines, et organisant d’ignobles trafics, le fusil à la main.
Je n’ai pas ici la prétention d’énoncer des dogmes. Je ne suis ni un messie ni un prophète. Je ne détiens aucune vérité. (…) Ma seule ambition est une double aspiration :
1. premièrement, pouvoir, en langage simple, celui de l’évidence et de la clarté, parler au nom de mon peuple, le peuple du Burkina Faso ;
2. deuxièmement, parvenir à exprimer aussi, à ma manière, la parole du « Grand peuple des déshérités », ceux qui appartiennent à ce monde qu’on a malicieusement baptisé Tiers-Monde. Et dire, même si je n’arrive pas à les faire comprendre, les raisons que nous avons de nous révolter.
Tout cela dénote l’intérêt que nous portons à l’ONU, les exigences de nos droits y prenant la vigueur et la rigueur de la claire conscience de nos devoirs.
Nul ne s’étonnera de nous voir associer l’ex-Haute-Volta - aujourd’hui le Burkina Faso - à ce fourre-tout méprisé, le Tiers-Monde, que les autres mondes ont inventé au moment des indépendances formelles pour mieux assurer notre aliénation intellectuelle, culturelle, économique et politique. Nous voulons nous y insérer sans pour autant justifier cette gigantesque escroquerie de l’Histoire. Encore moins pour accepter d’être « l’arrière-monde d’un Occident repu ». Mais pour affirmer la conscience d’appartenir à un ensemble tricontinental et admettre, en tant que non-alignés et avec la densité de nos convictions, qu’une solidarité spéciale unit ces trois continents d’Asie, d’Amérique latine et d’Afrique dans un même combat contre les même trafiquants politiques, les mêmes exploiteurs économiques.
Reconnaître donc notre présence au sein du Tiers-Monde c’est, pour paraphraser José Marti, « affirmer que nous sentons sur notre joue tout coup donné à n’importe quel Homme de ce monde ». Nous avons jusqu’ ici tendu l’autre joue. Les gifles ont été redoublées. Mais le cœur du méchant ne s’est pas attendri. Ils ont piétiné la vérité du juste. Du Christ ils ont trahi la parole. Ils ont transformé sa croix en massue. Et après qu’ils se soient revêtus de sa tunique, ils ont lacéré nos corps et nos âmes. Ils ont obscurci son message. Ils l’ont occidentalisé cependant que nous le recevions comme libération universelle. Alors, nos yeux se sont ouverts à la lutte des classes. Il n’y aura plus de gifles.
Il faut proclamer qu’il ne peut y avoir de salut pour nos peuples que si nous tournons radicalement le dos à tous les modèles que tous les charlatans de même acabit ont essayé de nous vendre vingt années durant. Il ne saurait y avoir pour nous de salut en dehors de ce refus-là. Pas de développement en dehors de cette rupture.
Du reste, tous les nouveaux « maître à penser » sortant de leur sommeil, réveillés par la montée vertigineuse de milliards d’hommes en haillons, effrayés par la menace que fait peser sur leur digestion cette multitude traquée par la faim, commencent à remodeler leur discours et, dans une quête anxieuse, recherchent une fois de plus en nos lieux et places, des concepts-miracle, de nouvelles formes de développement pour nos pays. Il suffit pour s’en convaincre de lire les nombreux actes des innombrables colloques et séminaires.
Loin de moi l’idée de tourner en ridicule les efforts patients de ces intellectuels honnêtes qui, parce qu’ils ont des yeux pour voir, découvrent les terribles conséquences des ravages imposés par les dits « spécialistes » en développement dans le Tiers-Monde. La crainte qui m’habite c’est de voir les résultats de tant d’énergies confisqués par les Prospéro de tout genre pour en faire la baguette destinée à nous renvoyer à un monde d’esclavage maquillé au goût de notre temps.
Cette crainte se justifie d’autant plus que la petite-bourgeoisie africaine diplômée, sinon celle du Tiers-Monde, soit par paresse intellectuelle, soit plus simplement parce qu’ayant goûté au mode de vie occidental, n’est pas prête à renoncer à ses privilèges. De ce fait, elle oublie que toute vraie lutte politique postule un débat théorique rigoureux et elle refuse l’effort de réflexion pour inventer des concepts nouveaux à la hauteur du combat meurtrier qui nous attend. Consommatrice passive et lamentable, elle se regorge de vocables fétichisés par l’Occident comme elle le fait de son whisky et de son champagne, dans ses salons à l’harmonie douteuse.
On cherchera en vain depuis les concepts de négritude ou d’African Personnality marqués maintenant par les temps, des idées vraiment neuves issues des cerveaux de nos « grands » intellectuels. Le vocabulaire et les idées nous viennent d’ailleurs. Nos professeurs, nos ingénieurs et nos universités se contentent d’y adjoindre des colorants parce que, des universités européennes dont ils sont produits, ils n’ont ramené souvent que leurs diplômes et le velours des adjectifs et des superlatifs !
Il est nécessaire, il est urgent que nos cadres et nos travailleurs de la plume apprennent qu’il n’y a pas d’écriture innocente. En ces temps de tempêtes, nous ne pouvons laisser à nos seuls ennemis d’hier et d’aujourd’hui le monopole de la pensée, de l’imagination et de la créativité. Il faut, avant qu’il ne soit trop tard –car il est déjà tard- que ces élites, ces hommes de l’Afrique, du Tiers-Monde, reviennent à eux-mêmes, c’est-à-dire à leur société, à la misère dont nous avons hérité pour comprendre non seulement que la bataille pour une pensée au service des masse déshéritées n’est pas vaine, mais qu’ils ne peuvent devenir crédibles au plan international, qu’en inventant réellement, c’est-à-dire en donnant de leurs peuples une image fidèle. Une image qui leur permette de réaliser des changements profonds de la situation sociale et politique, susceptibles de nous arracher à la domination et à l’exploitation étrangère qui livrent nos États à la seule perspective de la faillite.
C’est ce que nous avons perçu, nous, peuple burkinabé, au cours de cette nuit du 4 août 1983, aux premiers scintillements des étoiles dans le ciel de notre Patrie.
Il nous fallait prendre la tête des jacqueries qui s’annonçaient dans les campagnes affolées par l’avancée du désert, épuisées par la faim et la soif et délaissées.
Il nous fallait donner un sens aux révoltes grondantes des masses urbaines désœuvrées, frustrées et fatiguées de voir circuler les limousines des élites aliénées qui se succédaient à la tête de l’État et qui n’offraient rien d’autre que les fausses solutions pensées et conçues par les cerveaux des autres.
Il nous fallait donner une âme idéologique aux justes luttes de nos masses populaires mobilisées contre l’impérialisme monstrueux.
À la révolte passagère, simple feu de paille, devait se substituer pour toujours la révolution, lutte éternelle contre toute domination.
D’autres avant moi ont dit, d’autres après moi diront à quel point s’est élargi le fossé entre les peuples nantis et ceux qui n’aspirent qu’à manger à leur faim, boire à leur soif, survivre et conserver leur dignité. Mais nul n’imaginera à quel point « le grain du pauvre a nourri chez nous la vache du riche » !
Dans le cas de l’ex-Haute-Volta, le processus était encore plus exemplaire. Nous étions la condensation magique, le raccourci de toutes les calamités qui ont fondu sur les pays dits « en voie développement ». Le témoignage de l’aide présentée comme panacée et souvent trompetée, sans rime ni raison, est ici éloquent. Très peu sont les pays qui ont été, comme le mien, inondés d’aides de toutes sortes. Cette aide est en principe censée œuvrer au développement. On cherchera en vain dans ce qui fut autrefois la Haute-Volta, les signes de ce qui peut relever d’un développement. Les hommes en place, soit par naïveté, soit par égoïsme de classe n’ont pas pu ou n’ont pas voulu maîtriser cet afflux extérieur, en saisir la portée et exprimer des exigences dans l’intérêt de notre peuple.
Analysant un tableau publié en 1983 par le Club du Sahel, Jacques Guri dans son ouvrage « Le Sahel demain » conclut avec beaucoup de sens que l’aide au Sahel, à cause de son contenu et des mécanismes en place, n’est qu’une aide pour la survie. Seul, souligne-t-il, 30 pour cent de cette aide permet simplement au Sahel de vivre. Selon Jacques Giri, cette aide extérieure n’aurait d’autres buts que de continuer à développer les secteurs improductifs, imposant des charges intolérables à nos petits budgets, désorganisant nos campagnes, creusant les déficits de notre balance commerciale, accélérant notre endettement.
Juste quelques clichés pour présenter l’ex-Haute-Volta :
• 7 millions d’habitants, avec plus de 6 millions de paysannes et de paysans ;
• un taux de mortalité infantile estimé à 180 pour mille ;
• une espérance de vie se limitant à 40 ans ;
• un taux d’analphabétisme allant jusqu’à 98 pour cent, si nous concevons l’alphabétisé comme celui qui sait lire, écrire et parler une langue ;
• un médecin pour 50 000 habitants ;
• un taux de scolarisation de 16 pour cent ;
• et enfin un produit intérieur brut par habitant de 53 356 francs CFA, soit à peine plus de 100 dollars.
Le diagnostic, à l’évidence, était sombre. La source du mal était politique. Le traitement ne pouvait qu’être politique.
Certes, nous encourageons l’aide qui nous aide à nous passer de l’aide. Mais en général, la politique d’assistance et d’aide n’a abouti qu’à nous désorganiser, à nous asservir, et à nous déresponsabiliser dans notre espace économique, politique et culturel. Nous avons choisi de risquer de nouvelles voies pour être plus heureux. Nous avons choisi de mettre en place de nouvelles techniques.
Nous avons choisi de rechercher des formes d’organisation mieux adaptées à notre civilisation rejetant de manière abrupte et définitive toutes sortes de diktats extérieurs, pour créer ainsi les conditions d’une dignité à la hauteur de nos ambitions. Refuser l’état de survie, desserrer les pressions, libérer nos campagnes d’un immobilisme moyenâgeux ou d’une régression, démocratiser notre société, ouvrir les esprits sur un univers de responsabilité collective pour oser inventer l’avenir. Briser et reconstruire l’administration à travers une autre image du fonctionnaire, plonger notre armée dans le peuple par le travail productif et lui rappeler incessamment que sans formation politique patriotique, un militaire n’est qu’un criminel en puissance. Tel est notre programme politique.
Au plan de la gestion économique, nous apprenons à vivre simplement, à accepter et à nous imposer l’austérité afin d’être à même de réaliser de grands desseins.
Déjà, grâce à l’exemple de la Caisse de solidarité nationale, alimentée par des contributions volontaires, nous commençons à répondre aux cruelles questions posées par la sécheresse. Nous avons soutenu et appliqué les principes d’Alma-Alta en élargissant le champ des soins de santé primaires. Nous avons fait nôtre, comme politique d’État, la stratégie du GOBI-FFF préconisée par l’Unicef.
Par l’intermédiaire de l’Office du Sahel des Nations Unies, nous pensons que les Nations Unies devraient permettre aux pays touchés par la sécheresse la mise sur pied d’un plan à moyen et long termes afin de parvenir à l’autosuffisance alimentaire.
Pour préparer le vingt-et-unième siècle, nous avons, par la création d’une tranche spéciale de la tombola « Instruisons nos enfants », lancé une campagne immense pour l’éducation et la formation de nos enfants dans une école nouvelle. Nous avons lancé à travers l’action salvatrice des Comités de défense de la révolution un vaste programme de construction de logements sociaux -500 en trois mois- de routes, de petites retenues d’eau... Notre ambition économique est d’œuvrer pour que le cerveau et les bras de chaque Burkinabé puissent au moins servir à inventer et créer de quoi s’assurer deux repas par jour et de l’eau potable.
Nous jurons, nous proclamons, que désormais au Burkina Faso, plus rien ne se fera sans la participation des Burkinabés. Rien qui n’ait été au préalable décidé par nous, élaboré par nous. Il n’y aura plus d’attentat à notre pudeur et notre dignité.
Forts de cette certitude, nous voudrions que notre parole s’élargisse à tous ceux qui souffrent dans leur chair, tous ceux qui sont bafoués dans leur dignité par une minorité d’hommes ou par un système qui les écrase.
Permettez, vous qui m’écoutez, que je le dise : je ne parle pas au nom seulement de mon Burkina Faso tant aimé mais également au nom de tous ceux qui ont mal quelque part.
Je parle au nom de ces millions d’êtres qui sont dans les ghettos parce qu’ils ont la peau noire, ou qu’ils sont de cultures différentes et qui bénéficient d’un statut à peine supérieur à celui d’un animal.
Je souffre au nom des Indiens massacrés, écrasés, humiliés et confinés depuis des siècles dans des réserves, afin qu’ils n’aspirent à aucun droit et que leur culture ne puisse s’enrichir en convolant en noces heureuses au contact d’autres cultures, y compris celle de l’envahisseur.
Je m’exclame au nom des chômeurs d’un système structurellement injuste et conjoncturellement désaxé, réduits à ne percevoir de la vie que le reflet des plus nantis.
Je parle au nom des femmes du monde entier, qui souffrent d’un système d’exploitation imposé par les mâles. En ce qui nous concerne, nous sommes prêts à accueillir toutes les suggestions du monde entier nous permettant de parvenir à l’épanouissement total de la femme burkinabé. En retour, nous donnons en partage, à tous les pays, l’expérience positive que nous entreprenons avec des femmes désormais présentes à tous les échelons de l’appareil d’État et de la vie sociale au Burkina Faso. Des femmes qui luttent et proclament avec nous que l’esclave qui n’est pas capable d’assumer sa révolte ne mérite pas que l’on s’apitoie sur son sort. Cet esclave répondra seul de son malheur s’il se fait des illusions sur la condescendance suspecte d’un maître qui prétend l’affranchir. Seule la lutte libère et nous en appelons à toutes nos sœurs de toutes les races pour qu’elles montent à l’assaut pour la conquête de leurs droits.
Je parle au nom de toutes les mères de nos pays démunis qui voient mourir leurs enfants de paludisme et de diarrhée, ignorant qu’il existe, pour les sauver, des moyens simples que la science des multinationales ne leur offre pas, préférant investir dans les laboratoires de cosmétiques et dans la chirurgie esthétique pour les caprices de quelques femmes ou d’hommes dont la coquetterie est menacée par les excès de calories de leurs repas trop riches et d’une régularité à vous donner, non plutôt à nous donner, à nous autres au Sahel, le vertige. Ces moyens simples recommandés par l’OMS et l’UNICEF, nous avons décidé de les adopter et de les populariser.
Je parle aussi au nom de l’enfant. Cet enfant pauvre qui a faim et qui louche furtivement vers l’abondance amoncelée dans une boutique pour riche. La boutique protégée par une épaisse vitre. La vitre défendue par une grille infranchissable. Et la grille gardée par un policier casqué, ganté et armé de matraque. Ce policier placé là par le père d’une autre enfant qui viendra se servir parce que présentant toutes les garanties de représentativité et de normes capitalistes du système.
Je parle au nom de tous les artistes - poètes, peintres, musiciens, sculpteurs, musiciens, acteurs - hommes de bien qui voient leur art se prostituer pour l’alchimie des prestidigitations du show-business.
Je crie au nom des journalistes qui sont réduits soit au silence, soit au mensonge, pour ne pas subir les dures lois du chômage.
Je proteste au nom des sportifs du monde entier dont les muscles sont exploités par les systèmes politiques ou les négociants de l’esclavage moderne.
Mon pays est un concentré de tous les malheurs des peuples, une synthèse douloureuse de toutes les souffrances de l’Humanité, mais aussi et surtout des espérances de nos luttes. C’est pourquoi je vibre naturellement au nom des malades qui scrutent avec anxiété les horizons d’une science accaparée par les marchands de canons. Mes pensées vont à tous ceux qui sont touchés par la destruction de la nature et à ces trente millions d’hommes qui vont mourir chaque année, abattus par la redoutable arme de la faim.
Militaire, je ne peux pas oublier ce soldat obéissant aux ordres, le doigt sur la détente et qui sait que la balle qui va partir ne porte que le message de la mort. (…)
Sur cette tribune, beaucoup m’ont précédé, d’autres viendront après moi. Mais seuls quelques-uns feront la décision. Pourtant nous sommes officiellement présentés comme égaux. Eh bien, je me fais le porte-voix de tous ceux qui cherchent vainement dans quel forum de ce monde ils peuvent se faire entendre. Oui, je veux parler au nom de tous les « laissés pour compte » parce que « je suis un homme et rien de ce qui est humain ne m’est étranger ».
Notre révolution au Burkina Faso est ouverte aux malheurs de tous les peuples. Elle s’inspire aussi de toutes les expériences des hommes depuis le premier souffle de l’Humanité.
Nous voulons être les héritiers de toutes les révolutions du monde, de toutes les luttes de libération des peuples du Tiers-Monde.
Nous sommes à l’écoute des grands bouleversements qui ont transformé le monde. Nous tirons des leçons de la Révolution américaine, les leçons de sa victoire contre la domination coloniale et les conséquences de cette victoire.
Nous faisons nôtre l’affirmation de la doctrine de non-ingérence des Européens dans les affaires américaines et des Américains dans les affaires européennes. Ce que Monroe clamait en 1823, « l’Amérique aux Américains », nous le reprenons en disant « l’Afrique aux Africains », « le Burkina aux Burkinabés ». La Révolution française de 1789, bouleversant les fondements de l’absolutisme, nous a enseignés les Droits de l’Homme alliés aux droits des peuples à la liberté. La grande Révolution d’octobre 1917 a transformé le monde, permis la victoire du prolétariat, ébranlé les assises du capitalisme et rendu possible les rêves de justice de la Commune française.
Ouverts à tous les vents de la volonté des peuples et de leurs révolutions, nous instruisant aussi de certains terribles échecs qui ont conduit à de tragiques manquements aux Droits de l’Homme, nous ne voulons conserver de chaque révolution que le noyau de pureté qui nous interdit de nous inféoder aux réalités des autres, même si par la pensée, nous nous retrouvons dans une communauté d’intérêts.
Nous tenons à réaffirmer notre confiance en l’Organisation des Nations Unies. Nous lui sommes redevables du travail fourni par ses agences au Burkina Faso, et de leur présence à nos côtés dans les durs moments que nous traversons.
Nous sommes reconnaissant aux membres du Conseil de sécurité de nous avoir permis de présider par deux fois cette année les travaux du Conseil. Souhaitons seulement voir le Conseil admettre et appliquer le principe de la lutte contre l’extermination de 30 millions d’êtres humains chaque année, par l’arme de la faim qui, de nos jours, fait plus de ravages que l’arme nucléaire.
Cette confiance et cette foi en l’organisation me fait obligation de remercier le Secrétaire général, M. Pérez de Cuellar, de la visite tant appréciée qu’il nous a faite pour constater, sur le terrain, les dures réalités de notre existence et se donner une image fidèle de l’aridité du Sahel et de la tragédie du désert conquérant.
Monsieur le président,
J’ai parcouru des milliers de kilomètres. Je suis venu ici pour demander à chacun que nous puissions mettre ensemble nos efforts pour que cesse la morgue des gens qui n’ont pas raison et le triste spectacle des enfants mourant de faim, pour que disparaisse l’ignorance, pour que triomphe la rébellion légitime des peuples, pour que se taise le bruit des armes et qu’enfin, avec une seule et même volonté, luttant pour notre survie, nous parvenions à chanter en chœur avec le grand poète Novalis :
« Bientôt les astres reviendront visiter la terre d’où ils se sont éloignés pendant nos temps obscurs ; le soleil déposera son spectre sévère, redeviendra étoile parmi les étoiles, toutes les races du monde se rassembleront à nouveau, après une très longue séparation, les vieilles familles orphelines se retrouveront et chaque jour verra de nouvelles retrouvailles, de nouveaux embrassements ; alors les habitants du temps jadis reviendront vers la terre, en chaque tombe se réveillera la cendre éteinte, partout brûleront à nouveau les flammes de la vie, les vieilles demeures seront rebâties, les temps anciens se renouvelleront et l’histoire sera le rêve d’un présent à l’étendue infinie ».
(…) La patrie ou la mort, nous vaincrons !
Je vous remercie.