Profil
Pierre S. Adjété
Pierre S. Adjété
Né à Lomé, PSA a fait ses études au Togo, au Gabon et au Canada. Économiste, administrateur et essayiste, PSA est un partisan assumé du «Grand Pardon» et un adepte de l’Éthique dans l’espace public; il est un acteur engagé dans des initiatives citoyennes et républicaines.




Nicholas Sale: Liberté enchainée
Nicholas Sale: Liberté enchainée



« Moi, je dis que les bonbons
Valent bien mieux que la raison ».

J’entends la comptine enfantine
Mais n’entends pas qu’un homme d’âge mur,
Soit d’un entendement aussi dur
Qu’il nous tourmente, nous assassine
Devienne sanguinaire, farouche
Pour garder son bonbon en bouche,
Un adulte, oui, je suppose
Qui ne veuille pas entendre la chose
La plus commune aux humains,
Qu’on nomme simplement limite,
Ce qu’un enfant nie et évite
Pour s’accrocher de toutes ses mains
Des pieds, s’il le faut, au bonbon.

Mais il y a un peuple qui marche
Et même un prêtre patriarche
Qui disent : le bonbon rend fou
Ils l’ont dit le Dix-neuf Août
L’Enfant répond : « Non et non ! »
Trépignant furieusement,
Grondant comme un torrent.
« Même s’ils sont un million
Je ne cède pas mon bonbon
Mon père a tué pour ça
Je suis la voie de papa ».

Croyant son bonbon tombé
Il crie à tous, le bébé :
On le lui rend ou il meurt !
Là, tout le monde prend peur.
L’évêque lui dit, paternel :
« Trop de bonbon rend malade »
Mais prenant un accent cruel
L’Enfant menace : « Je meurs ou tue
Tout ce monde-là, dans la rue,
Voyez-vous, ne m’impressionne guère
Nous sommes en guerre !»
« Ce prêtre pour tous est un guide »
Lui murmure quelqu’un tout bas.
« Je ne l’écouterai pas ! »
Répète l’Enfant avec emphase.
« S’il continue, je l’écrase.
Je refuse d’être lucide. »
C’est donc bien un bain de sang
Que nous promet cet Enfant.

Un bain de sang, tout un fleuve !
Et il en a fait la preuve,
Dès son accession au trône.
Quiconque le sait en frisonne :
Des morts, des morts par milliers.
Le meilleur des héritiers
Rassurait le clan Klitchaa
Par cette grande action d’éclat

-
Tyrannique, la hantise de bonbon,
Poursuit toujours le garçon,
Qui alors, frileux, tue, torture
Quinze ans déjà que cela dure !
Cinquante-trois, de feu et de sang,
Avec le père, cela s’entend.
Le fleuve coule toujours impétueux
Et l’Enfant crie toujours : je veux !
Le fleuve devient toujours plus rouge
Mais qui ôterait de la bouche
De l’Enfant ce bonbon si doux ?
Nos foules sont en vain en courroux !


Même au prix du sang des enfants,
De leurs pères et de leurs mamans
Qu’est-ce que cela peut bien lui faire ?
C’est une guerre cinquantenaire
Ceux qui la livrent dès le départ
Au peuple citadin ou campagnard
N’hésitent, ne reculent devant rien
Pour protéger leur suprême bien,
Le sacré bonbon du pouvoir
Qu’ils font tout pour toujours avoir,
Cela n’est plus à cacher.
Il peut prendre un goût de citron
Quand l’adversaire veut l’arracher.
L’Enfant au bonbon somme sa bande
Ordonne que celle-ci le défende.
Ils sortent de partout par milliers
Envahissent écoles, ateliers.
Tout un peuple devient otage
D’un tragique enfantillage.
Klitchaa ! Klitchaa ! Klatchaa ! Klatchaa !
Le bonbon par-ci ou par-là.
Clamer que quinze ans de succion
Suffit, mérite mort ou prison.

« Le bonbon ne se partage pas,
C’est la leçon de papa
Qu’un homme ou un animal,
Un frère se pose en rival
Pour le bonbon, gare á lui !
Je le traite, pire qu’un ennemi
Mes hommes ne redoutent personne
Ils considèrent qu’en vain raisonne
Dans son ensemble l’opposition. »
Pour la faire taire, il n’y a qu’un mot :
Allons, Messieurs, à l’élection !
Oui, il le faut ! Oui, il le faut !
Répètent partout les protecteurs
Du bambin qui aime le bonbon.

L’enfant, naturellement, s’entête
Et souffle partout dans sa trompette
« Je veux mon bonbon, je le veux ! »
Écumant, crachant tous les feux
Bébé Klatchaa va faire la guerre
Tout comme hier la fit son père
Pour garder le bonbon clanique
Que ceux qui veulent nomment République.
Et les protecteurs de toujours
L’assurent en tout de leurs amours
Et d’année en année plus fort
Ne cessant de semer la mort,
Bébé Klatchaa chante sa comptine.
Ses soutiens d’ici et d’ailleurs
Lui disent : « Ne manque pas de faire mine
De te soumettre aux électeurs
Hi ! hi ! hi ! Démocratie.
On joue bien la comédie. »



Sénouvo Agbota ZINSOU
●25 novembre 2019●

Silence


Rédigé par SAZ le 25/11/2019 à 19:10





Voici l'homme...


ECCE  HOMO


ECCE HOMO



Pas tremblant, l’homme marche vers son destin. (C’est tout comme !)
Mine grave, on peut dire, l’apercevant : voici l’homme !
Ferme, tête blanche, robe blanche, en silence, il cheminait
Abandonné tout au long d’un lugubre trottoir
Méditant sur le poids lourd qui seul peut l’émouvoir
Il avançait et on sent bien que le minait
Le sort d’une terre de plusieurs millions d’habitants
Dont il portait la charge, malgré le poids des ans
Il marchait, solitaire, comme pris entre des clôtures
Et une rue grouillante de piétons et de voitures
À gauche comme à droite, les branchages d’arbres étaient verts
Mais pour le prélat c’était le pire des déserts.

L’indifférence totale. Hommes, arbres, tout était vide
Car ce qui torture le prêtre est un acte livide
Conçu d’un bureau de cet endroit terrassant :
Meurtre du Président d’un État indépendant
Et à partir du meurtre, de ce bureau obscur
D’autres actes du même registre pour rendre le système sûr
Sûr pour qui ? Leurs intérêts cela va sans dire
Ils n’ont jamais, vraiment pour dessein de conduire
Quelque peuple que ce soit vers l’épanouissement
Le système tue, le système blesse, le système ment
Il n’hésite pas devant les incendies des villes
Tâches grassement payées, exécutées par des individus
Capables de mettre le pays à feu et à sang
Auteurs, à leur manière de l’écriture du triste et macabre roman
Recherchés par les inventeurs de guerres civiles.

À l’œuvre dans d’autres pays d’Afrique, on les a vus.
Rwanda, Côte d’Ivoire, Centrafrique ou Libye,
Cette clique qui est pourtant par les peuples partout vomie
Veut partout donner des leçons de droits humains
Cependant qu’ici ils protègent des miliciens
Baptisés par le système « Groupe d’Autodéfense »
Dont le principe, il est clair, est la violence.

Le prélat tourmenté par cette vision macabre
Pouvait-il rester sourd, aveugle, muet, de marbre ?
Cela s’appelle « stabilité et pouvoir fort »
Le cycle infernal finira-t-il avant ma mort
M’est-il donné de conduire mon peuple au bonheur ?
S’est demandé continuellement le vieux pasteur
Dos contre le mur blanchi, le drapeau tricolore
Déchirant d’un geste les discours de stabilité
Niant « Liberté-Égalité-Fraternité »
Il exorcise le diable cruel qui le dévore.

Ce n’est pas hier ni aujourd’hui qu’à ce prélat
On voudrait faire croire qu’un ancien tirailleur
Transformé par le geste brutal d’un coup d’État
Pour l’intérêt de ses maîtres en dictateur
Puisse devenir un apôtre de démocratie
On ne ferait pas croire non plus à ce vieux prêtre
Que massacrer, affamer les populations
Pourrait signifier leur apporter le bien-être.
L’évêque sans équivoque dénonce l’hypocrisie,
Autant celle des hommes que celle des nations
Qui ont la prétention d’être pour tous des modèles
Mais se constituent en associations criminelles,
À l’occasion, pour défendre leurs seuls intérêts
Enrobant cela dans un discours sur le progrès

Voilà l’homme, qui se reconnaît près du tombeau
Mais plus vivant que tous les jeunes, ecce homo
En croisade contre les aboiements des imbéciles
La foule qui croit que les choses publiques sont utiles
Seulement lorsqu’elles sont enfouies dans leurs poches
Que les arbres n’ont de fruits que pour eux et leurs proches
Voilà l’homme qu’écartèle la croix plantée en lui
Par le père hier et par le fils aujourd’hui.
D’une manière ou d’une autre, cette croix cinquantenaire
Pour le berger et ses brebis est le calvaire.



Sénouvo Agbota ZINSOU
Munich, Allemagne
[17 novembre 2019]



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Diplomatie Publique


Rédigé par Sénouvo Agbota ZINSOU le 17/11/2019 à 03:00



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