Profil
Pierre S. Adjété
Pierre S. Adjété
Né à Lomé, PSA a fait ses études au Togo, au Gabon et au Canada. Économiste, administrateur et essayiste, PSA est un partisan assumé du «Grand Pardon» et un adepte de l’Éthique dans l’espace public; il est un acteur engagé dans des initiatives citoyennes et républicaines.




Tout est jouable en politique, sauf la légitimité que l’on ne peut se permettre de hasarder. De l’Afghanistan au Togo, cette légitimité est en jeu après les dernières élections catastrophiques désormais confirmées par le Rapport émis par la mission des observateurs de l’Union européenne, dans le cas du Togo particulièrement. Au Togo, derrière des portes closes et à l’appât de quelques postes ministériels essentiellement, le pouvoir présidentiel semble avoir réconcilié les citoyens. Convaincu de la chose, le camp présidentiel organise ses marches de réconciliation. C’est une mauvaise approche. L’accord est réalisé à minima avec une personne qui n’arbore plus aucune légitimité. C’est à cela que Faure Gnassingbé s’est prêté, en plus de s’acharner sur son ami d’hier, Agbéyomé Kodjo, au point de dissoudre le parti OBUTS au mépris de la loi et du bon sens. C’est réellement une mauvaise approche. Elle ressemble bien au désir de contrôle que son père voulait exercer en ne faisant prévaloir que son propre plan devant la volonté démocratique du peuple togolais en 1990. Il ne s’en était jamais remis, quinze années durant… et le Togo aussi. Cette approche-là n’avait pas réussi; elle avait plutôt exacerbé les tensions. Élection catastrophiques aussi en Afghanistan, mais l’approche est différente et témoigne de la bonne volonté d’Hamid Karzaï malgré les difficultés pratiques. Après des jours de discussions entre clans en effet, tout le monde s’accorde sur la nécessité de discuter avec les combattants. Après trois jours de discussions, un plan a été élaboré pour leur offrir l’amnistie et du travail.


Jack Vettriano, The-Singing-Butler
Jack Vettriano, The-Singing-Butler


«La plupart des membres de la jirga se sont mis d’accord sur un texte appelant à un dialogue avec les talibans. C’était le souhait d’Hamid Karzaï. Le président a eu ce qu’il voulait, il a gagné en légitimité, ce qui lui faisait défaut depuis sa dernière élection catastrophique». Les débats auront duré trois jours. Mille six cents représentants du peuple issus de toutes les provinces étaient réunis sous une immense tente dressée au pied de l’hôtel Intercontinental. Douze mille policiers et une surveillance discrète des soldats de l’OTAN pour sécuriser cette troisième grande jirga depuis fin 2001 n’auront pas permis d’arrêter les talibans. Mercredi, juste après l’ouverture de la réunion, plusieurs roquettes ont été tirées en direction de la tente. Sans gravité.

Concrètement, les représentants du peuple se sont mis d’accord pour financer le ralliement des jeunes combattants au gouvernement, leur offrir une amnistie et du travail. Les chefs pourraient bénéficier d’une clause spéciale pour trouver refuge à l’étranger. «Reste à trouver des pays d’accueil», affirme le chercheur Wahid Mujda, qui ajoute: «Mais attention, le plus dur reste à faire: convaincre les talibans.» Ces derniers ont rejeté la jirga. Ils exigent que les troupes internationales quittent l’Afghanistan avant toute négociation avec Kaboul. «Si tout le monde est à peu près d’accord pour parler aux talibans, tout le monde ne l’est pas forcément sur les modalités. «Il reste encore du chemin à parcourir», confie l’ancien gouverneur de Kaboul, Din Mohammad. L’homme à la longue barbe blanche, désormais sénateur, insiste: «L’amnistie, on est tous d’accord là-dessus. Leur fournir de l’argent, pourquoi pas. Mais ça risque d’entraîner des jalousies, notamment auprès d’anciens miliciens qui n’ont jamais reçu aucune aide et qui ne sont jamais parvenus a se réintégrer. Du travail, je ne vois pas comment. Il n’y en a déjà pas assez pour les autres», dit-il, un brin moqueur.
Pour certains délégués, il faut négocier directement avec le mollah Omar, le chef des talibans. «Nous devons les approcher sans préjugé. Sans condition. Après tout, ce sont des Afghans, comme nous», soutient Amanullah Usmanzai en sortant de la tente. Il appelle les Nations unies à retirer les extrémistes afghans de la liste noire des terroristes. «On doit faire un pas vers eux pour qu’ils nous fassent confiance et ça passe notamment par cette liste», affirme-t-il. D’autres demandent la libération de tous les prisonniers afghans de Guantanamo et de Bagram, la sinistre prison édifiée sur la base américaine au nord de Kaboul.

Pour cette déléguée d’Herat, il n’est cependant pas question de pardonner à tous les talibans. «Ils ont tué mes parents. J’ai dû me cacher, à cause de leur régime sauvage, pendant des années», s’insurge-t-elle. «Pardonner aux petits combattants, pourquoi pas, mais pas aux chefs», dit-elle encore. Pour Nader Naderi, de la Commission afghane des droits de l’homme, il faut avant tout des cadres juridiques pour permettre aux combattants d’intégrer le processus de paix: «Le parlement doit adopter un texte pour la réintégration des talibans». Reste à savoir ce que ces derniers décideront, d’autant qu’ils ont repoussé la jirga. Mais selon Staffan de Mistura, «beaucoup de talibans sont fatigués. Et on est au début du dialogue avec eux. Je crois que les gens sont prêts à discuter, même ceux qui disent non. Cette jirga va apporter ça au moins d’un côté. De l’autre côté, il y aura des contre-propositions, c’est sûr».

Le haut représentant des Nations unies en Afghanistan ajoute: «Il n’y a pas de solution militaire. Ni pour les talibans ni pour les autres. La seule réponse à la crise afghane désormais, c’est le dialogue. Un dialogue difficile, surtout dans les prochains mois, mais pour une solution politique.» Si le président Hamid Karzaï penche, de son côté, pour une ouverture à tout l’état-major taliban, pourvu qu’il renonce aux liens avec Al-Qaida, Washington préférerait d’abord les affaiblir avant que Kaboul n’entame des négociations. Et l’offensive sur le bastion taliban de Kandahar, la grande ville du sud, devrait être lancée cet été.////////// Eric de Lavarène



Mot à Maux


Rédigé par psa le 06/06/2010 à 02:43



Texte introductif à la deuxième publication de :
« Appel pour un renouveau démocratique au Togo : le Grand Pardon »


Le Grand Pardon... Une Symphonie Inachevée
Déjà en son temps, l’Appel au Grand Pardon d’Édem Kodjo chantait la Liberté. Il l’avait compris: aucune Liberté n’est gratuite -Freedom is not Free! Pour cette reconquête de Liberté dans les pures traditions togolaises et africaines –et en toute conformité avec l’histoire de la démocratie athénienne devenue universelle, il fallait bien concéder le Grand Pardon, il fallait bien tracer une ligne pour réellement redémarrer un Togo différent de son passé, tracer une ligne claire et droite et non une ligne floue et oblique. Le réalisme du Grand Pardon le mettait du côté du peuple conquérant de sa Liberté et il y est resté.

Ce penseur lucide et acteur invétéré de l’art politique que demeure Édem Kodjo l’avait compris, bien compris avant nous tous qui n’y voyons pas toujours clair à cette époque là… Certains auront mis exactement vingt ans pour enfin l’avouer publiquement; d’autres n’y adhèrent toujours pas encore. En réalité, très peu de gens était préparé à garder la tête froide devant le déferlement de démocratie et sa canalisation nécessaire au plan administratif, politique, social, économique et symbolique. Une canalisation qui se devait de réussir afin de garantir le changement dont tout le Togo avait soif. Nous étions en 1990!

Vingt ans plus tard, vingt longues années après, comme une Symphonie inachevée (dixit Zeus Ajavon) le même refrain du Grand Pardon demeure d’actualité à travers son parti pris pour la Liberté, le Patriotisme et le Développement, et contre « la violence politique », « la manipulation de l’histoire » et « le tribalisme » clairement énumérés par Édem Kodjo. C’est un constat d’une rigueur implacable qui, au lieu d’y aller par quatre chemins, s’est judicieusement limité à ces trois maux qui piègent l’avenir du Togo et empêchent de sortir le pays de « L’ère des solutions opaques, des démarches obliques, du contournement de la réalité » pour enfin « répondre à la légitime impatience du peuple ».

En relisant ce texte puissant que nous recommandons fortement à l’exploration nouvelle, et en le méditant avant son opportune diffusion, on est surpris et interpellé à chaque paragraphe par une observation récurrente: «…et si Édem Kodjo était véritablement le digne héritier des grands hommes politiques qui avaient toujours eu le souci d’un continent africain uni et la fierté de l’indépendance de chacun des pays …pourquoi ne le serait-il pas? …pourquoi dans toute sa compétence et habileté politiques ne serait-il pas le véritable héritier du père de l’indépendance et fervent défenseur de la Liberté du Togo et du continent africain? ».

L’on arrive aisément à ce constat en redécouvrant la profondeur du texte, la sérénité des propos, la densité de la conviction, l’agilité du raisonnement et surtout, surtout la générosité de la prophétie que personne d’autre n’a su énoncer jusqu’à maintenant; une prophétie dont personne d’autre n’a su être porteur pour en donner un retentissant écho. Écoutons Édem Kodjo formuler autrement la problématique togolaise… il y a déjà vingt ans, en homme d’État, Édem Kodjo disait ce qui devait être dit, sans réclamer aucun héritage politique:
« Farouchement attaché au Togo qu’il avait conduit à l’indépendance dans l’honneur et la dignité, le Président Sylvanus Olympio dans sa dernière demeure ne nous dénierait ni le droit ni le devoir de refuser que le sang qu’il a versé soit un objet permanent de discorde entre ses compatriotes. L’heure est enfin venue de réaliser le Grand Pardon. »

Ça c’est fort ça! Malgré toutes les évolutions passées et récentes, il y a manifestement devoir national en ce Grand Pardon! C’est tellement for habile que cette retranscription d’un drame fondateur prenait subitement la forme d’un programme politique national de réconciliation, courageusement déposé devant tout Président de la République togolaise, quel qu’il soit, et au pied de chacun des citoyens de ce pays. Mais alors, tout doit se faire dans la transparence, le respect et la bonne foi :
« Nous en appelons au patriotisme de tous les Togolais. Qu’ils comprennent qu’il n’existe pas de douleur ni de souffrance qui résiste indéfiniment au temps, que près de trente ans après les dramatiques événements de 1963, l’heure a sonné de tendre les uns vers les autres, les paumes ouvertes de la réconciliation. Nous demandons au Gouvernement, et particulièrement au Président de la République d’admettre qu’en dépit des déclarations officielles, la réconciliation n’a jamais été effective dans notre pays. En conséquence, nous adjurons le chef de l’État de tout mettre en œuvre pour qu’intervienne au plus vite une véritable union et réconciliation entre les enfants du Togo. Pour ce faire, il doit se surpasser et faire les premiers pas en proclamant une amnistie générale pour tous les délits politiques y compris ceux qui se sont traduits par un recours à la violence.
(…)
Nul doute qu’en l’absence du Grand Pardon, les autorités actuelles, hantées par une vengeance aux mille visages, continueront de vivre comme dans un camp retranché et que l’opposition toujours vivace campera elle aussi sur ses positions. Nous souhaitons que cela change. Le Chef de l’État actuel doit être assuré de façon solennelle qu’aucun compte ne sera demandé à quiconque pour la violence politique passée. En retour, nous exigeons la réhabilitation de la Première République Togolaise, incarnée par le Président Sylvanus Olympio et les compagnons de l’Indépendance. La Nation entière sera garante de ce consensus qui sera solennellement proclamé à la face de l’Afrique et du monde. »

Personne n’a su s’emparer de cette perspective, nul n’avait voulu l’écouter! Peut-être l’avait-on fait, mais de manière malicieuse, de cette manière qui ne convainc personne et ne produit aucun résultat? Toujours est-il que depuis lors, depuis vingt ans, tout le Togo tourne en rond sous une mécanique politique obsolète, les uns se jouant des autres, jusqu’à un autre point de blocage et de panne en cette année jubilaire 2010, cinquante ans après l’indépendance du pays.

L’année 2010 est têtue comme l’est l’histoire du Togo. Ensemble, elles retournent chaque Togolaise et chaque Togolais à la lecture ou à la relecture de ce texte authentique au titre évocateur: « Appel pour un renouveau démocratique au Togo : le Grand Pardon ».

En tout point, au son de chaque phrase et au rythme de chaque paragraphe, on aperçoit qu’en réalité Édem Kodjo, à travers l’audace et la prophétie du Grand Pardon, demeure une Symphonie inachevée. Elle résonne et revient à chaque fois que la raison et le cœur du Togo soupirent… Liberté! Réconciliation! Développement!

Plusieurs motifs militent en faveur de la publication de cet « Appel pour un renouveau démocratique au Togo : le Grand Pardon ». D’abord l’opportunité de sa découverte dans les archives de Forum-Hebdo. Perdu de vue, nous avions souvent fait référence à ce texte fondamental en harcelant son auteur de nous en trouver copie en cette ère de nouvelles technologies de l’information et de la communication. Notre acharnement à vouloir retrouver ce texte a poussé à l’approfondissement de la recherche ainsi qu’au résultat de son exhumation.

Mieux encore, la qualité et la pertinence de l’analyse dont le document est porteur –lesquelles ne souffrent d’aucune ride ou stigmate malgré les vingt années de tergiversation démocratique, tout comme l’impasse et la fracture politiques dans lesquelles se retrouve le Togo après les élections présidentielles du 4 mars 2010, rendent incontournable cette diffusion nouvelle du « Grand Pardon » : une réflexion désormais inscrite au patrimoine de l’histoire du Togo. Une œuvre qui n’appartient plus à son auteur, mais à la conscience intime de chaque Togolaise et de chaque Togolais.

Sommes-nous prêts cette fois-ci à explorer toutes les richesses, nombreuses, de ce document unique et sans pareil dans la vie politique du Togo? Une si majestueuse symphonie restera-t-elle toujours inachevée? Elle qui se termine par le plus noble des appels aux filles et fils du Togo : « Togolais, viens bâtissons la cité… »


Pierre S. Adjété, Québec, Canada;
Cornélius Aïdam, Lomé, Togo;
Yao Assogba, Québec, Canada.


Ad Valorem


Rédigé par psa le 03/06/2010 à 03:03



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