Profil
Pierre S. Adjété
Pierre S. Adjété
Né à Lomé, PSA a fait ses études au Togo, au Gabon et au Canada. Économiste, administrateur et essayiste, PSA est un partisan assumé du «Grand Pardon» et un adepte de l’Éthique dans l’espace public; il est un acteur engagé dans des initiatives citoyennes et républicaines.




Que cache le retour précipité, en pleine nuit, du président Umaru Yar'Adua du Nigéria à Abuja ? Nul ne le sait encore. Le débat sur sa santé est à peine éteint que s’ouvre celui de la mort, de la peine de mort, la vindicte populaire des temps modernes. Il est des arguments qui semblent tourner à vide. Affirmer que la peine de mort est une barbarie paraît manifeste pour une partie de l’humanité. Dire qu’elle est une nécessité semble tout aussi évident pour le restant des terriens. Le deuxième groupe rétrécit inexorablement depuis le milieu du XXe siècle, mais 58 pays ont encore la possibilité d’exécuter leurs citoyens et il se trouve toujours des nostalgiques pour appeler à un retour de la potence en zone abolitionniste.


Thierry Decker, Pensée
Thierry Decker, Pensée
C’est évidemment trop. Parce qu’en plus d’être sauvage, la peine capitale ne sert à rien. La criminalité n’est pas moins élevée dans les États rétentionnistes. Des études évoquent au contraire un «effet brutalisant», voulant qu’une administration qui use de la violence désinhibe ses ressortissants en la matière. La loi du talion, pensée à l’origine comme un progrès censé canaliser la vengeance des victimes ou de leurs proches, devient ici le ressort d’une criminalité sans cesse multipliée. Circule aussi l’idée que les mises à mort sont l’instrument ultime de lutte contre la récidive. Voir un pédophile sortir de geôle et recommencer à violer est insupportable. Prendre le risque de tuer un innocent l’est autant. Notre justice est humaine et faillible. Elle ne doit pas être abandonnée aux instincts de la société. Le peuple qui accourait place de Grève pour assister au spectacle de la guillotine n’a pas disparu avec le dernier bourreau français. Pulsions de mort et soif de vengeance ne demandent qu’un rien pour être réveillées. Notre justice est humaine et faillible. Elle est bien souvent instrumentalisée par des régimes autocrates et amoraux. À quelques exceptions près – qui semblent d’autant plus hérétiques aux démocrates convaincus, la carte de la peine capitale coïncide avec celle des États répressifs. Au peloton d’exécution figurent opposants politiques, vrais criminels, petits voleurs, épouses adultères ou femmes violées. Derrière l’échafaud, le fusil, le sabre ou l’interrupteur de la chaise électrique se pressent dictateurs, fondamentalistes religieux et justiciers butés. Ne devraient leur être opposées que la raison et la morale. Aux États-Unis pourtant, l’argument qui pourrait faire mouche est économique; la peine de mort coûte beaucoup plus cher que la prison à perpétuité.//////Caroline Stevan


Silence


Rédigé par psa le 23/02/2010 à 23:46
Tags : Justice Mort Umaru Yar'Adua Notez



Où est-il ? Que fait-il? Je me demande parfois, à l’écoute de cette cacophonie politique qui s’élève de son pays, le Togo. Il est le genre à se prendre de fous rires à l’occasion. Certainement pas au vue de ce spectacle-ci. Il doit avoir ses moments de colères, certainement pas pour l’évidence de l’amateurisme politique répétitif qui caractérise les siens. Et puis, je me découvre à fouiller pour savoir s’il fait l’actualité quelque part, au Madagascar ou au Sénégal, à Brazzaville ou à Maputo. Rien, par ces temps! Mais je tombe sur un texte de moi, écrit il y a quelques années déjà, en 2004, à la sortie de son premier roman « Au commencement était le glaive ». Un texte que sans doute je ne retrouverai pas facilement dans mes propres archives. Voici que ce texte parle justement des guerres fratricides, comme il s’en fait actuellement dans son coin de pays, le Togo, sur fond d’élections présidentielles prévues exactement pour dans dix jours. Une bonne raison pour me réapproprier ce texte de six ans qui n’a pas trop vieilli. En reprenant le livre de ma modeste bibliothèque, je constate que l’éditeur avait inséré une page d’avertissement : « Cet ouvrage est un roman, c'est-à-dire une pure fiction, imaginée par l’auteur. Toute ressemblance des personnages avec des hommes et des femmes vivant ou ayant existé ne peut être que fortuite. » M’enfin, si ce n’est pas un pays, il se peut bien que ce soit l’autre… En tout cas, on aime bien ne pas s’aimer dans ce pays là aussi... Et voici ce qui était publié alors comme critique de «Au Commencement était le glaive» d’Édem Kodjo, aujourd’hui à la retraite politique, dit-il lui-même; je dirai moi, en retraite politique plutôt.


Irina Brookler
Irina Brookler
Sur tout un continent et au-delà, dans le cercle des initiés et de ceux et celles qui pratiquent l’Afrique moderne d’aujourd’hui et de demain1, monsieur Édem Kodjo est sans doute l’homme politique africain qu’on ne présente plus. Vu de loin, la densité de sa personnalité fait bien soupçonner ses capacités multiples qui peuvent suggérer autant l’admiration que la jalousie chez ceux que la nature a peu comblés. Un peu plus près, l’homme se présente souvent attentionné, raisonnablement passionné et bon communicateur. Et alors, on attend qu’il se révèle davantage, qu’il se laisse aller... Voilà qui est fait maintenant, à travers son premier roman, Au commencement était le glaive paru le 25 mars dernier en France, aux Éditions de La Table Ronde, disponible dans les grandes villes africaines et européennes, et celles d’Amérique du nord.



À travers ces quelques 300 pages, Édem Kodjo se jette véritablement à l’eau en jouant avec de multiples bouées, ses personnages, dont aucun ne vole la vedette à l’autre. Au fait, a-t-il peur de se noyer en coulant à pic à son premier saut dans l’océan littéraire ? Au commencement était le glaive est un roman nomade qui déménage sans cesse lecteurs et lectrices entre la célébration de la beauté et la condamnation de la haine, jusqu’au jour du dernier jugement ordonné par un «Volcan en furie», le Moromoro, déçu des excès de l’espèce humaine.

Des excès dites-vous ? L’auteur ne s’en est pas privé. Au chapitre de la beauté physique fulmine la divine Fantamadia Funlayo érigée en «Monument national». Ce patrimoine d’élégance africaine, sculpté d’une main de connaisseur de la gente féminine par un Édem Kodjo littéralement en transe, est au centre d’un panthéon où rayonnent la beauté intérieure de la reine mère Immaculée Kagerassa, la beauté spirituelle du père franciscain Idelphonse Mfuni, la beauté intellectuelle de Ranassom -le prince pétri de connaissances et de délicatesses et, enfin, la beauté philosophique du vieux fou, le sorcier Mankan, s’appuyant par endroit sur une beauté naïve et naissante du petit orphelin Aznari.

Aux côtés des sublimes, la cupidité humaine sert de passerelle à une haine dévastatrice entre personnages hauts en couleurs et en épopées. Rignin (Rien) ne sera épargné dans un camp (Hamouris) comme dans l’autre (Bamounas) pour sortir cannons, conseillers, généraux, princes, courtisans, charlatans, journalistes, chevaux et glaives pour en finir et faire gicler du sang, partout. Rignin! assène souvent Chafou le Terrible, le seul et unique chef, le Conducator colérique du peuple des Bamounas. Chafou le Terrible a hérité de ses ancêtres Bamounas une dent très longue contre le peuple voisin des Hamouris et la dynastie des Cheikh Saleh qui y gouverne. Le duel, corps à corps, entre ces deux dirigeants voisins, Saloum Cheikh Saleh et Chafou le Terrible, transformera toute la riche contrée en un univers de violence aveugle et inutile qui constitue encore la triste réalité de certains peuples.

La première œuvre romanesque d’Édem Kodjo a une prise solide et ferme sur la réalité politique de l’Afrique, d’une Afrique encore ventripotente d’inutiles cycles de ressentiments vengeurs. Édem Kodjo a d’abord écrit un roman qui lui ressemble; il a épousé la femme qu’il a toujours fréquentée et qu’il connaît le mieux : l’Afrique. Noces alléchantes, pari gagné!

D’une écriture tricotée serrée au début du roman, l’auteur a joué gros, au risque de ne pas accrocher ses lecteurs dans les premières pages. Ne vous y méprenez pas du tout! Tout au plus, soulignez quelques mots pour y revenir, si le cœur vous en dit. Mais ici encore, les vertus de la patience et de l’effeuillage littéraires ainsi que votre propre côté activiste, voyeur et le « Sakabo » en vous - ce que ravive souvent l’auteur, sauront vous gratifier d’une histoire soutenue et des personnages désespérément contemporains et tragi-comiques. Heureusement que ces Chafou et Cie n’existent que dans l’imagination féconde de l’auteur de Au commencement était le glaive : une lecture captivante.



Mot à Maux


Rédigé par psa le 23/02/2010 à 23:23
Tags : Afrique Kodjo Togo Notez



1 ... « 330 331 332 333 334 335 336 » ... 727