Puis Sarkozy s'accroche à son texte. C'est très technique. Il parle des laser petal et mégajoule. Il nous assure que la France est désormais leader mondial dans la technologie du nucléaire par fusion. Ouf ! On est rassuré. « C'est donc un programme majeur que vous engagez ici... Ça prouve quoi ? Ça prouve que la France est toujours capable d'avoir des projets scientifiques et industriels de grande envergure. » Il lève les yeux... « je voudrai bien qu'on m'comprenne bien. Nous venons de sortir d'une crise qu'est sans doute la plus importante depuis un siècle ». Les doigts serrés, la mine grave, Sarkozy regarde l'assistance. Il nous ressort la crise de 2008. C'est sa Grande Guerre à lui, son Chemin des Dames, sa bataille de la Marne. Qu'importe l'objet du déplacement ou l'assistance... Il faut rappeler et marteler qu'on a failli tous y passer s'il n'avait pas été là.
Surtout, il enchaîne sur cet aparté, cette petite diatribe contre l'immobilisme. Sarkozy ne pensait plus au nucléaire petal ou au laser megajoule. Il parlait à ces récalcitrants de 15 ans, ceux-là même à qui il a imposé l'abaissement de la responsabilité pénale et qu'il juge aujourd'hui irresponsables de manifester.
« La réponse d'un pays à la crise n'est pas le recroquevillement, n'est pas la rétractation, n'est pas l'absence d'ambition. La réponse d'un pays à la crise, c'est l'innovation, c'est la recherche, c'est l'ouverture, ce sont les réformes, ce sont les projets... c'est ça qui s'passe ici... voilà. »
Rapidement, il reprend son texte : « alors autour du laser mégajoule et de la route des lasers, vous êtes en train de créer un écosystème de la connaissance... » Les mains se rapprochent, le regard est toujours vissé sur le texte, il trébuche à nouveau : « Nous voyons ici jouer l'effet cluster, l'effet d'entraînement... mais qui eut il y a quelques années seulement qu'autour de ce soute... de ce site militaire, un pôle de compétitivité ? » ... Il continue à lire son texte, puis le regard se relève, il connaît le sujet, il comprend enfin quelques lignes : « au 1er janvier, mesdames et messieurs, mes chers compatriotes, 90% des universités françaises seront autonomes... Qui l'eut dit ? Qui l'eut cru ? » Le poing presque levé et toujours serré, Sarkozy marque une pause. Il tient son trophée. Juppé s'endort quasiment. Sarkozy triomphe et se moque : « Qui aurait pu imaginer qu'en trois ans... en trois ans... le système universitaire français aurait évolué vers l'autonomie sans drame, sans querelle théologique ? Bien sûr... il y a eu quelques grèves - on est en France -, quelques incompréhensions - on est en France-, quelques occupations, on est en France. Mais, en France, on peut le dire au monde entier, notre système universitaire a brillamment passé l'épreuve de sa mutation.»
On le sait trop bien. C'est désormais la concurrence pour se chiper des universitaires. On applaudit. En septembre dernier, l'UNEF a dénoncé la hausse des frais de scolarité.
Puis Sarkozy embraye sur un mot de félicitation pour le président de l'université de Bordeaux I, et... son plan Campus. Cinq milliards d'euros, il répète deux fois le montant, pour créer 10 implantations « aérées, écologiques, gaies » dont les travaux commenceront avant la fin du quinquennat. « Il n'y a pas de fatalité. On ne peut pas bien étudier l'avenir dans des bâtiments qui ont à peine de quoi refléter le présent. » La formule claque.
« Alors, peut-être ces chiffres vous font tourner la tête... parce qu'on me dit, 'mais il y a des déficits', parce que la France est endettée, mais mesdames et messieurs, trop souvent dans le passé nous avons fait le mauvais choix, le choix de ne pas avoir le courage de remettre en cause des dépenses de fonctionnement et de sacrifier par facilité des dépenses d'investissement. La question n'est pas que l'emprunt est mauvais, la question est pourquoi décidons-nous d'emprunter. Emprunter pour investir, c'est un emprunt qui prépare l'avenir, qui permet de créer de la richesse, qui permet de créer de la croissance, et qui permet de remettre la France dans la compétition internationale. Et vous comprenez mieux ainsi les moyens, les réformes, l'un avec l'autre et le refus des vieux clivages. »
Il ajoute : « Nous sommes dans un nouveau monde. Il nous faut de nouvelles idées. » A Bordeaux, Sarkozy voulait jouer à Kennedy, même si les manifestations de la semaine le ramenait à Devaquet ou Nixon. Au choix.
Il se compare ensuite aux chercheurs : « vous les chercheurs le savez... les grandes découvertes scientifiques ont été souvent à l'origine marquées par le refus du consensus. (...) On ne peut pas rester immobile. »
Sarkozy annonce ensuite une « étape II » de modernisation des universités, remercie à droite et à gauche. Il lui reste quelques secondes pour quelques phrases, reprises plus tard par tous les médias à l'affut d'une allusion, fusse-t-elle modeste, aux emballements sociaux des dernières heures.
« Je ne suis pas un obsédé de la réforme, mais j'ai la responsabilité de conduire la cinquième économie du monde, dans un monde qui bouge. Notre pays ne peut pas rester immobile. Nous n'avons plus les moyens d'attendre pour décider. Nous ne pouvons pas mettre la poussière sous le tapis. Nous ne pouvons pas fermer les yeux... devant les déficits, et les retards qui sont les nôtres. Notre devoir, c'est d'agir, d'agir dans l'intérêt général. D'agir avec justice, mais d'agir. Au fond, je crois que la pire des injustices, c'est l'immobilisme... Celle qui consiste... cet immobilisme... à conserver les injustices parce qu'elles sont anciennes... Je vous remercie. »
L'homme qui s'exprime ainsi, si maladroitement, est celui qui nous a expliqué que l'immigration depuis 50 ans était responsable de la montée de l'insécurité (à Grenoble, le 30 juillet), qui a plombé les comptes publics d'une grosse vingtaine de milliards d'euros de cadeaux fiscaux depuis 2007, qui a saccagé l'éducation nationale, les forces de l'ordre ; et qui cherche désormais à sauver la fiscalité avantageuse du patrimoine de quelques-uns maintenant qu'il est acculé à abandonner son bouclier fiscal./////////////SarkoFrance