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Pierre S. Adjété
Pierre S. Adjété
Né à Lomé, PSA a fait ses études au Togo, au Gabon et au Canada. Économiste, administrateur et essayiste, PSA est un partisan assumé du «Grand Pardon» et un adepte de l’Éthique dans l’espace public; il est un acteur engagé dans des initiatives citoyennes et républicaines.




La politique est une tribune. La politique est une chaire où l’on parle haut et fort. On y parle haut et fort pour mieux se faire entendre des Peuples et des Nations. Pour ce Sommet historique de le Francophonie qui est aussi le Sommet de l’éveil des Peuples et de leur mûrissement démocratique –et nous nous comprenons bien, le Peuple du Togo a eu besoin de se faire entendre haut, fort et de partout.


Appel à la dignité togolaise

Au Togo, on parle beaucoup trop fort; on y parle trop Faure Gnassingbé : police, gendarmes et militaires dans les rues d’un pays où les forces de sécurité sont claniques depuis des lustres et possèdent la répression facile et sans ménagement. Une répression contre une marche populaire qui seulement aurait choisi l’Assemblée nationale ou le lieu qui en fait office, comme terminaison. Un prétexte pour un violent châtiment sur des citoyens qui osent demander des réformes qui leur étaient promises depuis 2005-2006, lorsqu’en une journée, et trois fois plutôt qu’une, la Constitution fut changée pour permettre au fils de succéder coûte que coûte au père. En prime, cinq cents morts selon un rapport des Nations unies, des dégâts collatéraux inacceptables hier et encore plus aujourd’hui pour une succession pourtant programmée et diligentée par une gente militaire.

À quelques semaines de 2015, l’année des élections présidentielles, quel que soit le point de chute des marches de protestation de l’opposition togolaise pour un retour aux termes et à l’esprit de la Constitution votée par le Peuple lors du référendum consensuel de 1992, la répression et l’intimidation tentent de toujours revenir au rendez-vous. Il s’est ainsi ouvert au Togo une hostilité par laquelle la Liberté est confisquée de nouveau, toujours embrigadée et mise en cage : l’opposition constamment réprimée dans la rue, tandis que le pouvoir y organise à souhait des marches de complaisance et sous une bannière froidement mensongère de « Touche pas à ma Constitution »… la Constitution que mon père avait pris soin de « toiletter » en sa propre faveur d’abord, et pour mon propre bénéfice ensuite. Touche-pas-à-ma-Constitution? À d’autres!

La démagogie est effectivement à son comble, car le vrai sujet est occulté par un chef d’État arrivé au pouvoir par un coup de force constitutionnel à la mort de son père Gnassingbé Eyadema, et après que celui-ci eut changé unilatéralement la Constitution. Pour Faure Gnassingbé, deux mandats présidentiels sont largement suffisants dans des conditions aussi troublantes de son accession au pouvoir. Mais le problème de Faure Gnassingbé est qu'il ressemble à sa propre caricature et il y met doublement du sien autant que de la mauvaise foi pour y parvenir, déclarant même être prêt à respecter une « Constitution tripatouillée », pour une rare fois qu’il s’autorise de parler publiquement et directement, haut et Faure, sachant que tous les citoyens et ayants cause sont à l’écoute.

Il est ainsi difficile au Peuple togolais de comprendre de nos jours, et dans un cadre républicain, qu’après cinquante années de règne d’une même famille, l’alternance politique pacifique soit encore considérée comme impossible au Togo. C’est pratiquement une aberration politique que Faure Gnassingbé continue à plaider une cause perdue d’avance dans un monde moderne, résolument tournée vers la démocratie : s’accorder deux mandats présidentiels gratuitement en refusant de faire toutes les réformes qu’il s’était engagé à opérer durant cette période de dix ans, et penser être éligible et qualifié à accomplir deux autres mandats supplémentaires de gré ou de force. Quatre mandats présidentiels consécutifs; et pourquoi pas cinq, six et même plus, tant qu’à y être. Triste illusion!

Appel à la dignité togolaise
La démagogie et l’excès de victoire sont à leur comble au Togo

Dans le paysage des États francophones de l’Afrique de l’Ouest, le Togo apparaît désormais comme un pays outrageusement abonné à la non-démocratie puisqu’entouré des références démocratiques que sont le Ghana et le Bénin. Au nord du Togo, le passage du Burkina Faso à la transition démocratique rend particulièrement audible et visible une telle aberration de cloisonnement despotique aussi dégradant que fragilisant. Le voile est surtout levé sur une situation persistante où la bonne volonté a souvent manqué dans les décisions politiques devant mener aux réformes constitutionnelles et institutionnelles satisfaisantes pour le saut démocratique du Togo.

Il n’est même plus nécessaire de se livrer à une grande démonstration pour prouver l’illégalité ainsi que l’illégitimité persistante du pouvoir présidentiel qui régente les citoyens togolais; un régime quinquagénaire qui ne tient qu’au seul moyen de la répression facile et du fait que tout un Peuple est ainsi tenu au cachot sous le regard détourné de tout le monde.

Aucune élection n’est crédible au Togo. Aucun résultat électoral des vingt dernières années n’est le reflet du choix de la majorité des citoyens. Sur ce plan, les dix dernières années de Gnassingbé Eyadema n’ont rien à envier aux dix « premières années » de Faure Gnassingbé, si tant est qu’un tel bail dynastique doive se poursuivre. Une structure de façade bien nommée, la Commission électorale nationale indépendante (CENI) est toujours supplantée par des contrats de gré à gré accordés par le gouvernement, le ministre de l’Administration territoriale notamment, à des mercenaires électoraux dénommés « experts » pour patenter des résultats fantaisistes et tout aussi injurieux à la dignité humaine. En disgrâce aujourd’hui, l’ancien ministre de l’Administration territoriale du Togo, maître d’œuvre des élections frauduleuses passées, est actuellement en prison pour, entre autres, prévenir qu’il ne soit moindrement tenté de révéler les méthodes infaillibles de confection des résultats électoraux.

Parce que la politique est une tribune, les citoyens du Togo saisissent l’opportunité du XVe Sommet de la Francophonie, à Dakar, pour faire résonner davantage leur détresse et surtout leur détermination à passer à une ère démocratique, de développement et de dignité dans la perspective des élections présidentielles prochaines de mars 2015. Majoritairement réunis ou offrant leur appui au nouveau regroupement d’action unitaire qu’est le « Combat pour l’Alternance Pacifique en 2015 », le CAP-2015, les citoyens togolais de l’intérieur et de la diaspora appellent les uns et les autres au soutien de leur cause démocratique qui arrive encore à un tournant décisif.

Faudra-t-il le rappeler, la lutte pour l’avènement de la démocratie au Togo n’est dirigée contre personne quoique sans aucune complaisance, et surtout pas contre Faure Gnassingbé et ses obligés actuels dont une partie de l’élite militaire. Le combat démocratique au Togo est avant tout une lutte pour la restauration d’un État de droit compatible avec les impératifs modernes du développement : l’équité, la reddition de compte et surtout l’enthousiasme que génèrent les changements salutaires en convoquant chaque citoyen à la construction d’une œuvre véritablement collective. Certes, au Togo, les clivages sont lourds, profonds, persistants et très douloureux. Mais les Peuples savent oublier, et leur résilience réparatrice les portent aussi souvent que possible vers le pardon, vers un « Grand Pardon » auquel d’ailleurs les Togolaises et les Togolais se sont préparés au fil des années et des expériences des autres Peuples… Pourvu que tous ces excès et abus, toutes ces violences et brutalités perpétrées sur d’innocentes populations en quête légitime d’un autre pays, cessent entièrement et cessent définitivement.

Il est temps que le cas Togo soit mieux compris et adéquatement adressé par toutes les bonnes volontés, et avec une saine obligation de résultats, par la grande famille francophone. Nous-mêmes citoyens du Togo, filles et fils d’un seul pays, enfants de toutes les régions, héritiers d’un si fragile espace, « Terre de nos aïeux » et havre d’accueil de nos amis, nous sommes pleinement conscients de la responsabilité historique qui est la nôtre de mettre fin à l’inacceptable que tente de perpétuer certains d’entre nous, avides de leurs seuls gains momentanés. Nos mains, celles de la démocratie, du développement et de la dignité commune leur restent encore ouvertes, néanmoins, malgré eux, pour bâtir un autre Togo.

C’est notre appel à la dignité togolaise partagée!
C’est notre appel pour des reformes politiques véritables en vue d’une alternance pacifique au Togo!

Diplomatie Publique


Rédigé par PSA le 01/12/2014 à 00:05