Quand la trompe traditionnelle légèrement éraillée a retenti samedi pour accueillir Barack Obama, premier président américain noir, l'émotion le partageait au sourire sur le visage de ce fils d'immigré kényan avant de prendre la parole devant le parlement ghanéen au grand complet.
Pour un tel évènement historique - la première visite du président américain en Afrique noire - le parlement national était trop petit et le "tout Ghana" s'est donc retrouvé samedi dans l'immense palais des congrès d'Accra, tendu du plus célèbre tissu multicolore ghanéen, le kente. Le bâtiment a évidemment été repeint et les pelouses tondues.
Dans la salle, l'émotion et la fierté était palpable sur tous les visages. De nombreux honorables députés avaient pour la circonstance revêtu leur tenue traditionnelle, un grand pagne laissant l'épaule droite dénudée. On s'évente, on chuchote et on se tait quand, du balcon surplombant la scène, une chorale entonne magnifiquement a capella l'hymne américain et enchaîne avec le ghanéen.
Clin d'oeil au "candidat Obama" et à son plus célèbre slogan de campagne, le balcon est barré d'une grande banderole où l'on peut lire "Yes, together, we can, "Oui, ensemble nous pouvons".
Première à prendre la parole, "Madame Speaker", la présidente du parlement Joyce Bamford Addo, est aux anges. A chaque nom qu'elle égrène, celui d'Obama, assis juste à sa gauche, du président John Atta-Mills, la salle ponctue par un très britannique "yeaah", comme à la Chambre des Communes.
Les anciens présidents ghanéens John Kufuor, et surtout Jerry Rawlings, l'ex-capitaine d'aviation putschiste et dont le parti et le candidat sont aujourd'hui au pouvoir depuis six mois, ont eux aussi droit à un solide "yeaah".
"Akwaba, akwaba, akwaba". En boubou blanc et bleu, John Atta-Mills souhaite trois fois la bienvenue à son hôte et mesure, presque avec recueillement, lui l'éternel opposant, l'instant historique pour son pays et l'Afrique. "Nous sommes profondément inspirés par vous et encouragés par le fait que vous ayez choisi notre pays, c'est un encouragement non seulement pour le Ghana mais pour tous nos frères et soeurs d'Afrique", dit-il à l'adresse de Barack Obama, lui-même visiblement grave et ému.
Mais très vite le légendaire sourire de campagne du candidat Obama revient quand il monte à la tribune d'un pas alerte pour un grand discours sur l'Afrique, la démocratie, la bonne gouvernance.
La trompe retentit quand il quitte son fauteuil pour aller au pupitre. "J'aime ça, j'aime ça, merci! on dirait Louis Armstrong".
"Je pense qu'on devrait avoir ça au Congrès (américain) lance un Obama hilare et ravi, sous les rires des 1.500 personnes dans la salle.
L'Afrique encore et toujours: Barack Obama ponctuera ensuite son discours de fonds d'une multitude de références à ses origines africaines et kényanes: son grand-père cuisinier pour des colons britanniques qui l'appelèrent "boy" toute sa vie, son père éleveur de chèvres dans un village minuscule et lui-même dans les veines de qui coule du "sang africain".
La famille Obama -le président, son épouse Michelle et leurs deux filles Malia et Sasha- devait ensuite continuer ce retour aux sources africaines en se rendant au fort esclavagiste de Cape Coast, témoignage de la tragédie que constitua la traite négrière pour l'Afrique.
Barack Obama devait s'exprimer dans cette imposante bâtisse tournée vers la mer et d'où des milliers d'Africains partirent vers l'Europe, l'Amérique et les Caraïbes pour un voyage sans retour.