Profil
Pierre S. Adjété
Né à Lomé, PSA a fait ses études au Togo, au Gabon et au Canada. Économiste, administrateur et essayiste, PSA est un partisan assumé du «Grand Pardon» et un adepte de l’Éthique dans l’espace public; il est un acteur engagé dans des initiatives citoyennes et républicaines.
Dernières notes
5 Contre 108 : La Certitude du Déshonneur
29/05/2024
La Monnaie de Sang à la Togolaise
12/04/2024
Élection… Une Illusion Togolaise
22/02/2024
La RÉPUBLIQUE c'est l'ÉTHIQUE avant le DROIT
10/02/2024
À la recherche de la paix
03/11/2023
Tags
adjété
Afrique
afrique
Agbéyomé Kodjo
Bénin
canada
clinton
crise
Côte d’Ivoire
démocratie
Démocratie
Faure Gnassingbé
football
Football
France
france
Gabon
Grand Pardon
juppé
kodjo
Liberté
Mandela
Obama
obama
Politique
politique
psa
québec
Québec
Sarkozy
Suisse
Sylvanus Olympio
Symposium
Togo
togo
Édem Kodjo
Élections
Éthique
élection
élections
Archives
|
À Montréal, la Taubira vient de faire salle comble. La principale intéressée a plutôt charmé par son éloquence, son intelligence, son courage et son humilité. Son message à la jeunesse : rêvez, impliquez-vous et ne faites pas de compromis; « J’obéis à toutes les règles pour autant qu’elles ne soient pas en contradiction avec ma conscience ».De multiples ovations, des applaudissements sentis et chaleureux, des étudiants et admirateurs touchés — et même en pleurs — qui font la queue pour une photo ou un autographe. L’ex-ministre de la Justice de France Christiane Taubira faisait figure de rock star lors d’une allocution prononcée au colloque Maîtres chez vous organisé par Force jeunesse samedi, à Montréal. Des compromis, l’intellectuelle de gauche n’en a effectivement pas fait lorsqu’elle a démissionné de son poste le 27 janvier 2016 pour un désaccord avec le gouvernement, qui voulait déchoir de la nationalité française toute personne reconnue coupable d’un acte terroriste. La tête haute, elle a quitté à vélo le ministère de la Justice après la passation des pouvoirs à son successeur. « J’obéis à toutes les règles pour autant qu’elles ne soient pas en contradiction avec ma conscience », a expliqué l’ex-ministre, auteure de plusieurs ouvrages, dont le récent Murmures à la jeunesse, une envolée lyrique où elle décortique ses choix et revient sur les attentats terroristes de 2015 qui ont secoué la France. Elle dit comprendre cette réaction vive des Français à la suite des attentats du 13 novembre, où 130 personnes ont trouvé la mort. Peu après ces tragiques événements, 90 % des citoyens de l’Hexagone étaient d’accord avec la proposition de déchéance de la nationalité. « C’est non seulement compréhensible, mais je trouve ça sain [que la population ait réagi ainsi] », a souligné l’ancienne ministre originaire de la Guyane française. Toutefois, cette mesure qui a force de symbole n’aura aucun effet sur les terroristes au moment où ils attacheront leurs ceintures d’explosifs. « Attention au symbole. On ne va pas là dissuader les terroristes, mais on va abroger la Constitution républicaine de la nationalité, la notion de citoyenneté qui garantit l’égalité entre les individus », explique-t-elle, défendant toujours avec vigueur les droits de la personne. Mariage pour tous Sans compromis, Mme Taubira l’est aussi pour protéger la dignité de la parole publique. Critiquée pour refuser d’accorder des entrevues succinctes, notamment aux émissions de radio et télévision matinales, elle répond : « i[J’assume, je ne cours pas les médias et je ne cours pas les matinales. […] L’exercice qui consiste à venir dix minutes le matin commenter les propos d’un autre ministre ou de l’opposition, à alimenter par de petites phrases de faux problèmes et de faux débats, je refuse de m’y soumettre. ]i» Christiane Taubira, c’est aussi le combat pour légaliser les mariages entre conjoints de même sexe dans lequel elle est rentrée de plein front. « Je savais que c’était un bouleversement social et législatif, je savais que ça allait provoquer un ébranlement, mais je ne m’attendais pas à cette violence », a-t-elle confié. On lui avait conseillé une réforme anonyme, pour ne bousculer personne. Mais de son avis, une telle réforme se devait d’être extrêmement claire, intelligible. « L’ensemble des citoyens devait comprendre ce qu’on était en train de faire. Pour une réforme de cette nature, il fallait aller franchement au combat », note-t-elle. Ce qui a provoqué du « bruit ». « Mais il faut accepter le bruit de la société. Il faut toujours respecter la diversité d’opinion. J’assume entièrement mes engagements et mes choix. » Ses choix qui lui valent les foudres de ses adversaires. À maintes reprises, elle a reçu insultes, injures graves, allant jusqu’au sexisme et au racisme. En 2013, un hebdomadaire d’extrême droite va même publier en une une photo de la ministre de la Justice portant le titre « Maligne comme un singe, Taubira retrouve la banane ». « J’ai un devoir moral et ontologique de résister et de ne pas me laisser affaiblir. Sinon, j’affaiblis tous ceux qui subissent ces discriminations », souligne avec sagesse celle qui a donné son nom à la loi française qui reconnaît comme crimes contre l’humanité la traite négrière et l’esclavage. Le choc des attentats Dans Murmures à la jeunesse, Christiane Taubira revient sur les attentats du 13 novembre, qu’elle décrit comme une « conflagration » reçue « en plein plexus ». Comme toute la France, elle a eu le souffle coupé. Mais elle devait remplir avec rigueur son rôle de ministre sans oublier l’être humain en elle, très affligé. « On a le choc psychoaffectif. On est en souffrance d’apprendre que des jeunes qui sont allés s’amuser à un concert sont morts. Je me dis comment les mamans vont apprendre ça ?, raconte-t-elle. Mais en même temps, il faut faire face. Il faut être debout aux côtés des familles des victimes et des décédés, il faut tout organiser. » Les attentats de Charlie Hebdo avaient révélé quelques failles dans la prise en charge des victimes et de leurs familles, et Mme Taubira a aussitôt pris sur elle de revoir ce processus pour le corriger. Coup du destin, elle fait entrer en vigueur ce nouveau dispositif de prise en charge la nuit du 12 au 13 novembre 2015, soit celle précédant les attentats. Encore plus surprenant, le hasard veut que, le matin du 13 novembre, les équipes de secours du système de santé s’étaient exercées à une opération de sauvetage en cas d’attentat faisant 200 victimes, en pensant que c’était une hypothèse extravagante. « C’est effrayant d’une certaine façon. Car en tant que responsable politique, on fait des hypothèses, mais on est persuadé que ça ne va jamais arriver », soutient Mme Taubira. Sa liberté de parole retrouvée — l’a-t-elle vraiment un jour perdue —, Christiane Taubira s’occupe maintenant de rencontrer la jeunesse, son livre à la main. « i[Souvent, la jeunesse […] ne constitue pas une catégorie de la population envers laquelle on fait des efforts particuliers]i », lance-t-elle, devant le jeune auditoire, déjà conquis, présent à HEC Montréal. « Murmures à la jeunesse, c’est pour vous rendre des comptes. Ma génération doit vous rendre des comptes », dit-elle avant de conclure paraphrasant la poète Andrée Chedid : « Vous serez alors capables de nous introduire un large souffle dans le corps de la vie. »///// Lisa-Marie Gervais Christiane Taubira, « Murmures à la jeunesse », Éditions Philippe Rey, Paris, 2016, 96 pages Diplomatie Publique
Rédigé par psa le 14/03/2016 à 07:55
Commentaires (0)
|