« Cinquante ans déjà que tout un pays, le Togo, vit à l’ombre de son drame politique fondateur : l’assassinat le 13 janvier 1963 de son premier président de la République Sylvanus Olympio » Ce que le compatriote et patriote Pierre S. ADJETE (affectueusement PSA) appelle, "drame politique", moi je le considère simplement comme un "trauma-historique" car représentant un ensemble de lésions locales provoquées par un événement historique et les troubles qui en résultent.
L’assassinat du président Sylvanus Olympio constitue vraisemblablement un trouble psychologique et moral, une sorte d’empreinte laissée par un événement choquant dans la conscience populaire Togolaise. Explication ! Cynthia C. WESLEY-ESQUIMAUX et Magdalena SMOLEWSKI, s’appuyant sur l’expérience du traumatisme historique et du deuil intergénérationnel dans le cas des peuples indigènes d’Amérique décrivent le trauma-historique comme un bagage psychologique transmis par les parents aux enfants, de sorte que les résidus des expériences traumatiques, historiques et des deuils générationnels non résolus soient non seulement transmis de génération en génération, mais qu’ils fassent continuellement l’objet d’un passage à l’acte et recréés sous diverses manifestations . De ce point de vue, l’assassinant de Sylvanus Olympio qui représentait à certains d’égards le symbole et la conscience des peuples du Sud par des soldats pour la plupart originaires du Nord, semble constituer l’un des blocages et les principaux clivages antagonistes persistants et qui resurgissent fréquemment dans le débat et le combat politique depuis 1963 et jusqu'à nos jours.
Je conviens donc avec PSA que cinquante ans après ce traumatisme, « le passé du Togo fait toujours problème; ce passé est division et particulièrement animosité » Pire, « rien, et absolument rien, n’arrive à ouvrir le Togo et ses citoyens à un autre destin ».
PSA semble trouver la cause dans l’absence « d’un Grand Pardon, c’est-à-dire un pardon franc, sincère et de bonne foi » Ici je ne suis que partiellement d’accord car l’essentiel réside dans la franchise, la sincérité et la bonne foi. Mais c’est ce qui fait le plus défaut au Togo. L’on assiste donc à une véritable inversion de valeurs.
A la place de ces mots cardinaux de vertu, se sont installés durablement la duplicité, le double langage, la roublardise, la mauvaise foi, la duperie…, la gouvernance grégaire et débilitante de jouisseurs et de corrompus étant instituée en mode de captation et de gestion du pouvoir et de la chose publique. En témoigne le faux débat qui agite le landernau politique Togolais actuellement à savoir : réformes intentionnelles et constitutionnelles après élections ou réforme institutionnelles et constitutionnelles avant élections ! Mauvaise foi quand tu nous tiens !
Tenez, le samedi 05 Janvier 2013, je suis tombé fortuitement sur un Tweet de Faure GNASSINGBE (que je ne connais pas particulièrement à part qu’il est président du Togo) et une réaction de ma part a suscité une sérié d’échanges entre lui et moi. Voici le fil des échanges.
1. Faure GNASSINGBE @FGNASSINGBE : 1er Week end 2013 Profitons de ce moment en famille & entre amis Puisse DIEU conduire le Togo sur le chemin de la Paix & de la Prospérité
2. Michel DOUTI @DoutiNdouti :@FGNASSINGBE DIEU oui, mais vous d'abord! Acceptez l'alternance et il aura PAIX et PROSPERITE au Togo!
3. Faure GNASSINGBE @FGNASSINGBE @DoutiNdouti Si ns sommes d'accord ke l'alternance se décide dans les urnes alors oui elle viendra mais par la seule volonté du peuple PAIX.
4. Michel DOUTI @DoutiNdouti @FGNASSINGBE Bien dit! Nous vous demandons seulement de créer les conditions idoines pour une alternance par les urnes!
5. Michel DOUTI @DoutiNdouti @FGNASSINGBE J’espère que vous avez lu mon article sur les CENI professionnelles et non politiques
6. Faure GNASSINGBE @FGNASSINGBE @DoutiNdouti Non. Merci de me le transmettre ou de me donner le lien.
7. Michel DOUTI @DoutiNdouti @FGNASSINGBE L’article a été publié par le journal Liberté au Togo et plusieurs sites web dont mo5-togo, togocity, lynx…
8. Michel DOUTI @DoutiNdouti @FGNASSINGBE voici un lien http://www.mo5-togo.com/le-mo5-vous-donne-la-parole/4883-conduite-des-processus-electoraux-au-togo-ceci-est-la-solution-.html …. Bonne lecture ! Puisse l'article vous convaincre de procéder autrement.
9. Faure GNASSINGBE @FGNASSINGBE @DoutiNdouti Piste que ns allons explorer avec 1 grand intérêt et votre contribution Mais le + dur sera 2 convaincre l'opposition qui est...
10. Michel DOUTI @DoutiNdouti @FGNASSINGBE Pour la patrie, je suis dispo à apporter ma contribution sans a priori. Une autre façon d’organiser les élections est possible.
Comme on peut le constater les échanges se sont arrêtés après que j’ai donné mon accord pour ma contribution pour la patrie.
Un autre hic vient du fait que le président, garant de l’unité nationale et de la cohésion sociale ait des appréhensions et des a priori par rapport à son opposition « le + dur sera 2 convaincre l'opposition qui est...», estime-t-il par avance.
Lorsque j’ai partagé ces échanges avec un certain nombre de compatriotes politiques, de la société civile et des médias et sollicitant leurs commentaires, unanimement, ils ont trouvé que "ceci révélerait d’une pure opération de communication et de la duplicité du langage de la part du président". Ont-ils raison ou tors ? Ils ont aussi dit attendre avec impatience la suite qui sera donné. Depuis nous attendons toujours un contenu concret à la manière dont Faure Gnassingbé entend explorer avec un grand intérêt cette nouvelle piste !
La question lancinante est alors de savoir pourquoi, malgré les discours mielleux de "Grand Pardon", "Main Tendue", Réconciliation", "Unité Nationale", "Solidarité" et que sais-je encore…professés depuis des lustres "cinquante ans plus tard, le passé du Togo fait toujours problème; ce passé est division et particulièrement animosité" ?
La vérité est que les oppresseurs et les opprimées -que nous sommes-, ne parlent pas du tout le même langage, comme le confirme si bien la définition de l'opprimé chez Christiane Rochefort.
« L'oppresseur n'entend pas ce que dit son opprimé comme un langage mais comme un bruit. L'oppresseur qui fait le louable effort d'écouter n'entend pas mieux. Car même lorsque les mots sont communs, les connotations sont radicalement différentes. C'est ainsi que de nombreux mots ont pour l'oppresseur une connotation jouissance, et pour l'opprimé une connotation souffrance. Ou : divertissement-corvée. Ou : loisir-travail ». Mon cher PSA, allons donc causer sur ces bases !
J’en arrive donc à la résolution suprême et avec l’énergie du désespoir qu’il faudrait peut un nouveau traumatisme historique qui ouvrirait la porte et balisera la voie à des "armistices fondateur" d’un autre Togo qui j’en conviens reste à inventer.
Derniers Tours de Jéricho ou Premiers Tours d’Agbétiko ou Prémices d’Ekougnohou
Je convoque ici l’artiste de la chanson Togolaise, TEKO Folly connu sous le nom de Ras-Ly dans sa chanson sa "Agbétiko" pour illustrer ma réflexion. L’artiste joue au bourlingueur désabusé qui part d’Elavagnon à Agbétiko et finalement est tenté de se rendre à Kougnonhou. Tout semble indiquer que l’histoire politique du Togo de 1958 à nos jours a suivi une trajectoire allant du mal en pis.
Ainsi, si les premières heures de l’indépendance semblaient ouvrir la voie à des lendemains meilleurs "Elavagnon", le Togo s’est rapidement et durablement installé dans "Agbétiko" (y’en a marre de la vie) et pire semble s’acheminer vers "Ekougnohou" (mieux vaut la mort). Schématiquement la trajectoire donne ceci :
1958----------------------- 1963---------------------------- 2013
Pédagogue et philosophe, l’artiste nous apprend, que nous sommes partis de "Elavagnon", pour nous retrouver durablement à "Agbétiko" et s’interroge si nous devions maintenant nous orienter vers "Ekougnohou". Avec résignation et la mort dans l’amen, je m’inscris de plus en plus dans sa dynamique.
Alors, Derniers Tours de Jéricho ? Premiers Tours d’Agbétiko ? Prémices d’Ékougnohou ? C’est ici que sans le vouloir, un autre traumatisme historique serait peut-être souhaité pour déboucher sur de nouveaux armistices fondateurs à convenir en commun accord. Les évènements des 10, 11 et 12 janvier 2013 peuvent-ils en constituer le déclic ? Wait and see !
Michel DOUTI
Sociologue et Politiste
Dakar, Sénégal