Profil
Pierre S. Adjété
Né à Lomé, PSA a fait ses études au Togo, au Gabon et au Canada. Économiste, administrateur et essayiste, PSA est un partisan assumé du «Grand Pardon» et un adepte de l’Éthique dans l’espace public; il est un acteur engagé dans des initiatives citoyennes et républicaines.
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Au 20e anniversaire de la chute du mûr de Berlin l’ancien chef d’État de l’ex URSS, Mikhaïl Sergueïevitch Gorbatchev, disait : « J’ai perdu, mais la perestroïka a gagné ». Il y a vingt ans commençait la lutte publique du Peuple togolais pour la démocratie. Et, ce 15 juin 2010, la dissolution du parti OBUTS de Gabriel Messan Agbéyomé Kodjo prononcée par la justice instrumentalisée du Togo -qui hésite maintenant devant l'énormité du forfait- contre toute bonne foi juridique à laquelle l’État togolais autant que les individus sont astreints, cette décision est inacceptable et témoigne bien de l’urgence du changement politique au Togo. Agbéyomé a peut-être perdu son parti politique, OBUTS, mais le Peuple gagne en motivation supplémentaire pour exiger le changement au Togo. Profitons pour mettre à l’ordre du jour, la fameuse interview que Gorbi avait accordée à Frédéric Koller, sur le vécu de ces événements du grand changement… Un Gorbi instructif sur le caractère inéluctable de la volonté populaire.
La chute du mur de Berlin est associée à l’effondrement du communisme en Europe. Avec le recul pensez-vous qu’un autre scénario aurait été possible?
Mikhaïl Gorbatchev: Il est difficile de me souvenir des détails, mais ce n’était pas si inattendu. De grands changements étaient en cours en Union soviétique et en Europe de l’Est. Il y avait un grand problème non résolu depuis la guerre: celui d’une Europe divisée qui concernait en particulier les Allemands. L’idée d’un changement s’est imposée, par une union monétaire, puis une confédération de deux Etats allemands. Mais ce devait être graduel. Or les passions se sont exacerbées et les Allemands ont pensé que c’était tout de suite ou que l’occasion serait perdue pour l’unification. En décembre, Hans Modrow [premier ministre est-allemand de novembre 1989 à mars 1990] m’a téléphoné pour me dire: «Ici, hormis les bureaucrates, tout le monde souhaite une unification immédiate.» En janvier 1990, nous faisions la chronique quotidienne des manifestations à l’Est et à l’Ouest pour une réunification immédiate. J’ai réalisé que, dans ce cas, il fallait que nous changions notre politique, celle des nations victorieuses de la Deuxième Guerre mondiale. Aucun leader de ces nations n’était enthousiaste à l’idée d’une rapide réunification. C’étaient les Allemands qui la réclamaient. Margaret Thatcher était contre. François Mitterrand, mon ami, m’a dit: «Nous aimons tellement les Allemands que nous voulons pour eux deux Allemagnes!» C’était son style… Il n’empêche, la chose à retenir c’est que, bien qu’il y ait eu des disputes, tous ces leaders sont parvenus à un accord sans trop de frictions pour une unification allemande. La pomme était mûre, il fallait la cueillir. » Une alternative à cette voie? Oui, cela aurait été possible. Si Erich Honecker, le président de la République démocratique allemande (RDA), avait entamé deux ou trois ans plus tôt le processus des réformes pour démocratiser le pays. Les gens le voulaient. Dans tous les autres pays, le changement était en marche. L’URSS, qui était la forteresse du socialisme, changeait. Honecker, en cette occasion, n’a pas agi. Auparavant, nous voulions que les leaders des pays de l’Europe de l’Est nous suivent. Cette fois-ci nous avons dit: nous voulons la perestroïka. Nous allons la réaliser mais c’est vous qui décidez ce que vous voulez pour votre pays. Nous n’interférerons pas. A deux reprises, des leaders de ces pays ont fait appel à nous pour intervenir… Lesquels? Je ne les mentionnerai pas. Nous leur avons dit d’agir au mieux, selon leurs besoins. À vous de décider. Nous ne sommes pas intervenus. Le 7 octobre 1989, à l’occasion du 40e anniversaire de la RDA, vous rencontrez Honecker. L’épisode s’est imposé dans les mémoires comme le «baiser de la mort». Que lui avez-vous dit exactement? Cette fameuse bise n’avait aucune signification particulière. Nous avons eu une longue conversation et j’ai compris qu’il ne saisissait pas ce qui était en train de se passer. Le soir même, il y a eu un défilé à la torche de jeunes gens qui demandaient le changement en chantant «Gorbi, aide-nous!» J’étais à côté de Honecker. Il chantait seul de son côté, il ne comprenait pas, et j’en étais désolé. Aux Etats-Unis, on pense que c’est l’intransigeance du président Ronald Reagan qui a précipité la chute du communisme. Qu’en pensez-vous? Ils ne le disent plus. J’ai visité il y a quelques mois le Musée Ronald-Reagan en Illinois. Là, tout comme dans l’establishment américain, on comprend peu à peu que c’est parce que l’URSS changeait avec une nouvelle génération de dirigeants que les choses ont évolué. Sans ces changements, Reagan aurait pu exécuter toutes les danses qu’il voulait à Berlin, le Mur serait toujours là. Un des premiers problèmes que nous voulions régler en tant que nouveaux leaders était de normaliser nos relations avec les Etats-Unis. Et nous avons eu un certain succès. Par ailleurs, parmi les proches de Reagan, certains avaient compris que Gorbatchev et ses réformes leur offraient une belle occasion. Reagan avait la réputation d’être un guerrier de la Guerre froide. Au début de son second mandat, dans son entourage, on s’interroge sur son héritage. Allait-il rester dans l’histoire comme un guerrier ou un faiseur de paix? Quel était votre objectif en 1989? Jusqu’au dernier moment j’ai pensé que l’union de nos républiques pourrait être préservée. Des erreurs ont été commises. La République de Russie était dirigée par des gens qui agissaient contre les principes de la perestroïka, contre une nouvelle forme d’union où toutes les républiques seraient égales. Ces gens étaient comme des animaux, assoiffés de pouvoir, ils ont ruiné le pays, ruiné l’union, ruiné l’économie et leur propre futur. En tant que politicien j’ai peut-être perdu, mais les politiques que j’ai défendues ont permis de réaliser toutes les transformations nécessaires jusqu’en 1991. La perestroïka avait atteint un point de non-retour. J’ai perdu, mais la perestroïka a gagné. Le concept de «perestroïka» évoluait au fil des événements. En aviez-vous une définition précise? L’idée de la perestroïka était de mettre un terme au système totalitaire, d’évoluer vers la démocratie, l’économie de marché, la liberté d’expression et de la presse, l’ouverture vers les autres pays. Tout cela s’est réalisé. Ceux qui voulaient un menu, comme au restaurant, des spaghettis, un second plat, ceux qui voulaient que la perestroïka soit une liste, se trompaient. Nous avons bougé graduellement dans la direction qui nous semblait la bonne. D’un point de vue tactique, oui, nous avons fait des erreurs, il a fallu adapter notre trajectoire. Dans un pays comme la Russie avec l’industrialisation que nous avions entreprise, il y avait énormément de défis. Vous seriez sur le point de créer un nouveau parti politique. Qu’en est-il? Nous avons besoin d’un parti politique fort et indépendant, capable de critiquer le gouvernement. C’est à l’agenda. Mais il y a un problème: j’ai 78 ans. Gorbatchev est très populaire à l’Ouest et très impopulaire en Russie. Comment gérez-vous cela? Dans le passé c’était vrai. A présent, je n’en suis plus si sûr. Je suis une personne libre. Comme citoyen russe, de quoi de plus aurais-je besoin? Le pouvoir? Je l’ai eu. Maintenant je me contente de mon rôle critique et d’aider les jeunes. Silence
Rédigé par psa le 15/06/2010 à 10:05
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