Enlisement politique
Le moment choisi est symbolique. Depuis les attentats du 13 novembre et sa posture solennelle qui lui avaient valu un léger regain de popularité, François Hollande se trouve enlisé dans un fossé politique dont il paraît incapable de sortir. Si la proclamation de l’état d’urgence a au début fait l’objet d’un consensus, ses maigres résultats et, surtout, la décision d’inscrire dans la Constitution le recours à ces mesures d’urgence et la possible déchéance de nationalité pour les coupables d’actes terroristes ont transformé le malaise d’une partie de la gauche en rébellion affichée. D’autant que ce chantier constitutionnel – le Sénat doit maintenant examiner le texte et l’approuver dans les mêmes termes que l’Assemblée nationale, qui l’a voté le 10 février – risque de durer jusqu’en mai-juin.
Il répète le mot "réformes" auquel personne ne croit, et qu’une partie de son camp politique refuse. S’y ajoute la situation sociale délétère, marquée par la colère des agriculteurs, la volonté des syndicats de bloquer la réforme annoncée du code du travail, et le début d’une mobilisation étudiante. Samedi matin, alors qu’il venait tout juste de rentrer d’un long périple en Polynésie et en Amérique latine, le chef de l’État français a été insulté copieusement lors de son inauguration du Salon de l’agriculture qui se tient jusqu’au 6 mars. Les excuses des syndicats agricoles n’y ont rien fait: «Hollande est en train de rater complètement sa fin de quinquennat», nous expliquait au lendemain du remaniement gouvernemental du 11 février le politologue Roland Cayrol. «Il répète le mot "réformes" auquel personne ne croit, et qu’une partie de son camp politique refuse. Au lieu de prendre de la hauteur comme l’avait fait François Mitterrand lors de la cohabitation à la fin de son premier septennat, il redevient un tacticien sans vision».
Les destructions d'emplois se poursuivent
Tous les indicateurs, de surcroît, demeurent au rouge pour celui qui a lié sa possible candidature à l’inversion de la courbe du chômage. Malgré une diminution en janvier du nombre de chômeurs (moins 30 000 sur 3,6 millions) qualifiée «d’anomalie» par tous les experts, les destructions d’emploi se poursuivent. Pire: la volonté du premier ministre Manuel Valls de s’attaquer aux rigidités du marché du travail, sans contreparties sociales, est perçue à gauche comme une «trahison» de plus.
S’il se portait candidat, et même s’il parvenait à torpiller l’idée de primaires, François Hollande pourrait dès lors se voir opposer d’autres candidats, comme Arnaud Montebourg, en plus du leader de la gauche radicale Jean-Luc Mélenchon, déjà dans la course. Sans parler du mur que constituerait pour lui une éventuelle victoire aux primaires de la droite d’Alain Juppé, modéré et rassembleur. «S’il l’emporte, Juppé va jouer l’union nationale et boucher l’espace au centre» reconnaît Alain Bergougnoux, l’un des experts électoraux du PS. Se présenter, pour François Hollande, reviendrait donc à se fracasser. Seul son retrait peut lui permettre de sortir par le haut.
L’autre scénario est celui de la victoire de Nicolas Sarkozy aux primaires de droite. François Hollande pourrait alors croire en ses chances et tenter, envers et contre tout, la «revanche» de 2012 en espérant se qualifier à l’arraché pour le deuxième tour, face à la présidente du FN Marine Le Pen, que tous les sondages voient en finale. Sauf que les partisans des primaires au PS donneront alors assurément de la voix, en insistant sur les reniements du chef de l’Etat sortant. «Hollande candidat sera d’abord une cible, poursuit Roland Cayrol. À ce stade, seul son retrait peut lui permettre de sortir par le haut.» Le vrai test est fixé au mercredi 9 mars 2016… ///////Richard Werly