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Pierre S. Adjété
Pierre S. Adjété
Né à Lomé, PSA a fait ses études au Togo, au Gabon et au Canada. Économiste, administrateur et essayiste, PSA est un partisan assumé du «Grand Pardon» et un adepte de l’Éthique dans l’espace public; il est un acteur engagé dans des initiatives citoyennes et républicaines.




Une petite galerie d’art contemporain à Bâle s’est brusquement retrouvée dans l’impossibilité d’effectuer ses paiements. La banque a pris cette décision extrême en réaction au refus de la propriétaire de fournir des indications exhaustives sur sa clientèle. Crédit Suisse, puisque c’est d’elle qu’il s’agit, ne semble pas avoir fait preuve, à entendre l’intéressée, de beaucoup de psychologie.


L’Art de Noircir le Blanchiment: se Tromper de Cible
Une petite galerie d’art contemporain à Bâle s’est brusquement retrouvée dans l’impossibilité d’effectuer ses paiements. La banque a pris cette décision extrême en réaction au refus de la propriétaire de fournir des indications exhaustives sur sa clientèle. Le compte de la galerie servant à recevoir l’argent des acheteurs avant qu’il ne soit rétrocédé aux artistes, la banque s’estimait tenue de connaître l’identité des premiers pour satisfaire à ses obligations de diligence et aux prescriptions de la loi anti-blanchiment.

Crédit Suisse, puisque c’est d’elle qu’il s’agit, ne semble pas avoir fait preuve, à entendre l’intéressée, de beaucoup de psychologie. Devant les réticences de la galerie à révéler les noms de ses clients – une réaction d’autant plus compréhensible dans un milieu qui cultive la discrétion –, la banque s’est raidie et a refusé d’exécuter les paiements qui lui étaient demandés. Elle affirme avoir eu le devoir de le faire.

Au-delà d’une péripétie plus que désagréable pour celle qui en a été la victime, et dont on doit se demander si elle n’aurait pas pu être évitée par davantage d’entregent et de pédagogie, l’histoire est révélatrice. La réglementation bancaire est devenue très contraignante. Dans le souci légitime de lutter contre le blanchiment d’argent, de nombreuses prescriptions imposent aux banques de prendre une foule de précautions.

Dans de nombreuses publications spécialisées, le marché de l’art est cité comme une zone à risque pour le blanchiment d’argent. On ne peut donc pas, a priori, condamner les mesures de prudence prises par une banque dans ce secteur.

Encore faut-il s’interroger sur la manière. Le risque est réel de voir les établissements appliquer trop mécaniquement des règles qui sont difficiles à comprendre et à admettre pour des clients qui n’ont rien à se reprocher et qui s’attendent, au contraire, à recevoir de leur banquier un service ponctuel, rapide et sans tracasserie.

Il serait facile, certes, d’opposer le petit au gros client, de mettre en regard l’intransigeance à laquelle s’est heurtée cette galeriste et l’attitude hautement problématique de plusieurs banques n’ayant pas hésité à prêter leur concours à des contribuables américains pour tromper le fisc. Retenons au moins une leçon: la mise en œuvre aveugle du dispositif légal, sans qu’elle soit toujours proportionnée au but poursuivi par ces règles et à leur raison d’être, est le moyen le plus sûr d’en réduire l’efficacité, de manquer la cible. ////////Denis Masmejan

Mot à Maux


Rédigé par psa le 05/10/2012 à 22:50
Tags : Suisse Éthique Notez