Une preuve? Tout un pays s’est résolu à demander le report des élections à travers son Assemblée nationale, et sans aucune voix dissidente; une première dans le Bénin démocratique qui était pratiquement au bord d’un abyssal gouffre. Le risque était grand et visible, et ce n’est nullement parce que Boni Yayi était du nord comme il le prétend avec démagogie désormais. Mathieu Kérékou n’était-il pas du nord du Bénin? Nicéphore Soglo n’avait-il pas été battu par le même Kérékou? Comment justifier alors la candidature actuelle d’Abdoulaye Bio-Tchané, également originaire du nord du Bénin? Une vraie déception politique difficile à cacher que ce Boni Yayi!
Celui qui avait réuni les trois quarts de l’électorat béninois il y a à peine cinq ans –un vrai consensus démocratique, et qui aurait aidé à consolider la démocratie au Bénin, hors de la partisannerie et du sectarisme, s’est révélé n’être qu’un mauvais choix, un piètre casting pour asseoir une république renaissante et vigoureuse comme celle du Bénin. Népotisme et sectarisme, amateurisme et régionalisme, roublardise et passage en force, aucun attribut ne saurait être sévère en face du décevant résultat politico-social, voire économique –le scandale financier ICC Services étant le meilleur exemple, de celui que les Béninois trouvaient capable de faire reculer la pauvreté, Ya’Yi, cette malheureuse « richesse des nations » africaines.
Moins qu’avec le militaire Mathieu Kérékou et l’énarque Nicéphore Soglo, le Bénin démocratique a souffert beaucoup plus de Boni Yayi, le docteur en économie et ancien banquier développeur jadis juché sur un promontoire au siège de la Banque Ouest Africaine de Développement (BOAD) à Lomé. La pratique de la petite politique a fait ses œuvres et le peuple est obligé de descendre dans les rues pour réclamer de nouveau un report des présidentielles, défiant même les dispositions constitutionnelles à son corps défendant.
Il est difficile d’imaginer comment les instances dirigeantes du Bénin auraient refusé une telle évidence à la population, sans risque d’implosion du pays. Avec une certaine sagesse et audace, des médiateurs locaux, le clergé catholique ainsi que les anciens présidents Émile Derlin Zinsou et Nicéphore Soglo tout comme la communauté internationale –l’ONU, l’Union Africaine et la CEDEAO notamment, en étaient arrivés à la même conclusion d’un second report des élections attendues ce dimanche 6 mars 2011; des élections négligemment préparées et en tout point inacceptables en l’état des choses. Le Boni Yayi, chef de l’État béninois, ne voyait rien et n’entendait rien; il sera le tout dernier à adhérer au report et à agir en conséquence. Toutes les entraves seront-elles levées pour faciliter la participation effective des populations le 13 mars 2011? Une course à l’efficacité organisationnelle, longtemps bâclée, vient de s’engager sérieusement au Bénin pour racheter, non pas les citoyens, mais véritablement une administration électorale laxiste.
Abonné au parler-pour-ne-rien-dire, Boni Yayi –au demeurant ami et adepte de Laurent Koudou Gbagbo, aurait-il songé un temps soit peu que le désordre politique lui aurait profité? Nul ne le saura avec certitude. Toujours est-il que l’abîme démocratique creusé maladroitement par Boni Yayi se doit d’être sérieusement colmaté. Et le meilleur service que l’on peut rendre au Bénin est d’aider à la fermeture rapide et suffisante de la parenthèse Boni Yayi qui n’a que fragilisé toutes les institutions républicaines de ce pays-modèle démocratique de la francophonie africaine.
Les Béninoises et les Béninois ont le devoir impérieux de couper court, très court, la plaisanterie politique risquée et peu édifiante de Boni Yayi. Autant Adrien Houngbédji que Abdoulaye Bio-Tchané feront beaucoup mieux l’affaire du Bénin post-Yayi, un « pays pagailleur » certes, mais un pays démocratique dans lequel les élections ont un sens et doivent le conserver en intégrant toutes les voix des Béninoises et des Béninois en âge de voter, qu’ils soient du nord ou du sud du pays. Vivement!