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Pierre S. Adjété
Né à Lomé, PSA a fait ses études au Togo, au Gabon et au Canada. Économiste, administrateur et essayiste, PSA est un partisan assumé du «Grand Pardon» et un adepte de l’Éthique dans l’espace public; il est un acteur engagé dans des initiatives citoyennes et républicaines.
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Son nom est associé aux années de prospérité, à la compétence, à la force de caractère, à l'intelligence politique. Mais il est aussi synonyme de dureté, d'obstination froide et de calcul tactique. Portrait d'une femme de pouvoir ambitieuse, candidate «inévitable», à qui la Maison-Blanche était promise. Avant l'arrivée de Barack Obama...
Gauguin, Paroles du diable
Mark Halperin a eu du flair. Pressentant que cette campagne électorale ne serait pas comme les autres, cet analyste, qui a couvert la vie politique américaine pendant deux décennies pour ABC News, a publié un livre sur les candidats à la présidence. Il y détaille leurs grands et leurs petits travers, leurs réalisations et leurs chances de succès. Le livre s'est vendu comme des petits pains: il n'y a pas d'autre sujet aujourd'hui à passionner pareillement les Américains.
Lorsqu'on demande à cet expert quel est le principal atout d'Hillary Clinton, il donne sans hésiter cette réponse en forme de tautologie: «Etre Hillary Clinton.» Au début de la campagne, aucun autre des candidats en lice ne pouvait prétendre disposer du quart du tiers de sa notoriété et de son expérience. Hillary est un logo, une catégorie à elle toute seule. Prononcez son nom, et une partie de l'Amérique l'associera aux années de prospérité mais surtout à la compétence, à la force de caractère et à l'intelligence politique.
Mais lorsqu'il s'agit de cerner la principale faiblesse de la candidate, la réponse d'Halperin tombe, identique: «Etre Hillary Clinton.» Personne, peut-être, ne soulève aux Etats-Unis une pareille charge négative. Pour une autre partie de l'Amérique (y compris chez les démocrates), son nom est au contraire synonyme de dureté, d'obstination froide, voire de corruption et de roublardise. Et cela, sans même parler de la droite républicaine pour qui elle représente en outre le mal socialiste absolu. «Il y a, littéralement, des millions d'Américains qui feraient tout pour qu'elle n'accède pas à la présidence», commente Mark Halperin. A tel point que la perspective de sa nomination par les démocrates serait presque une aubaine vu du côté des républicains et de celui qui est aujourd'hui leur chef de file, le sénateur John McCain.
Hillary l'icône et Hillary la sorcière, comme la dépeignent les tee-shirts des «Hillary haters». Tout au long de cette campagne, la candidate n'a cessé de se débattre entre les deux facettes de son personnage. Ses réussites, elle ne les doit qu'à elle, et notamment à une détermination et une ténacité jamais prises en défaut. Mais ses tourments, souvent, ont la même origine.
Au début, tout jouait en sa faveur. Plus que Première Dame du pays, Hillary en a été pratiquement la coprésidente pendant huit ans, jouant un rôle central, pour le meilleur et pour le pire, aux côtés de son mari Bill. Plus tard, sénatrice de New York, elle a eu tout loisir de préparer soigneusement sa course à la Maison-Blanche, consolidant de précieux appuis au sein du Congrès et du parti Démocrate. D'entrée, comme prévu, Hillary Clinton s'est posée comme la candidate «inévitable». Pour ne laisser aucune place au doute, celle qui préparait ce moment depuis des années s'est déclarée la première. Ensuite, au cours des débats qui ont suivi, c'est elle qui s'est montrée la plus précise et la plus convaincante dans le détail des dossiers. La plus confiante, aussi.
Mais la machine s'est déréglée. L'irruption, bien sûr, de Barack Obama, ce phénomène dont personne n'avait réellement prévu l'ascension. A être trop sûre d'elle, la sénatrice n'a sans doute pas mesuré l'ampleur de cette vague de fond qui soudain a menacé de la submerger. Au passage, elle perdait en outre l'un de ses principaux atouts. Certes, Hillary continue d'être la première femme à briguer la présidence de la plus grande puissance mondiale, un symbole planétaire. Mais face à elle, pour la première fois, un Américain d'origine africaine peut lui aussi obtenir les clés de la Maison-Blanche.
A la vérité, Hillary Clinton a bien tenté d'adapter son message. Terminé le seul recours à l'expérience. Poussée par son rival, elle s'est emparée elle aussi du thème du «changement» qui est devenu la pierre philosophale de la campagne. Le changement, c'est d'abord celui qui vise à réparer les dégâts commis par l'administration Bush, à mettre fin à la guerre en Irak, à offrir un accès universel aux soins de santé en réformant de fond en comble le système de l'assurance maladie, explique-t-elle, au risque de renforcer encore son image de «gauchiste» auprès des électeurs de droite. Mais à l'inverse d'Obama, elle continue d'insister sur sa connaissance intime des arcanes du pouvoir et des contraintes qui lui sont liées. «Seule l'expérience peut rendre le changement possible», résume-t-elle, en s'en prenant au discours «naïf» de son concurrent.
Mettre en avant son appartenance au système pour mieux s'en distancier. Insister sur sa proximité avec Washington pour mieux en critiquer les rouages: c'est devenu la quadrature du cercle de sa campagne. Le message a sonné faux. Et, à mesure que la candidate le répétait, n'a cessé de monter derrière elle le spectre de cette autre Hillary, l'Hillary-sorcière que l'Amérique adore détester.
Début 1999: après des mois de tourments, l'affaire de la jeune stagiaire Monica Lewinsky prend fin. Même si elle est brisée, la First Lady prie, fait le poing dans sa poche et décide de pardonner l'infidélité (et les mensonges) de son mari. C'est une Hillary digne et noble qui sort incontestablement grandie de l'épisode. Mais elle apparaît aussi (toujours cette même dualité...) comme une femme qui se montre prête à avaler toutes les couleuvres afin de satisfaire ses ambitions et ne pas compromettre sa carrière politique.
Octobre 2002: l'Amérique hystérique se prépare à la guerre. Avec 28 autres élus démocrates, la sénatrice de New York vote en faveur du texte qui laissera les mains libres au président Bush pour envahir l'Irak. Après le désastre qui suivra, ses proches expliqueront partout qu'il s'agissait alors d'un simple «vote de principe» qui visait seulement à faire monter la pression sur les Nations unies. Mais l'explication est peut-être autre: George Bush est alors au faîte de sa popularité. Et Hillary Clinton est déjà sur les rangs pour lui succéder. Il faut à tout prix éviter de prendre la mauvaise décision. Les principes attendront. Place aux calculs politiques.
Rien n'y fait. A tort ou à raison, la candidate semble prisonnière de ces arrière-pensées. Or la presse américaine ne l'aime guère. C'est au prix de contorsions presque comiques que le New York Times en a finalement fait sa favorite, du bout des lèvres. Cette presse est à l'affût, traquant l'apparition de ses vieux démons. Et ce, de plus en plus avidement qu'Obama s'installait progressivement en tête de la course. Bill Clinton n'apparaît pas dans sa campagne? Elle le «cache». Au contraire, il vient à la rescousse de sa femme, fidèle à lui-même, c'est-à-dire imprévisible et explosif? C'est la preuve qu'elle «ne tient pas son mari» et que voter pour Hillary reviendrait à ramener Bill à l'Aile Ouest de la Maison-Blanche, là où se prennent les décisions présidentielles.
(…) Carl Bernstein, le journaliste mythique du Watergate, décrit bien ce qui pourrait être le fond tragique de cette femme de pouvoir. Dans la monumentale biographie qu'il lui a consacrée, il explique: «Ses déclarations publiques bien tournées et les phrases qu'elle écrit possèdent toujours un fond de vérité. Mais presque chaque fois, quelque chose l'empêche de raconter toute l'histoire, comme si elle ne faisait pas confiance au lecteur, à l'interlocuteur, à l'ami, à l'intervieweur ou à l'électeur - ou peut-être à elle-même.»
b[Luis Lema]b, Le Temps
Mot à Maux
Rédigé par psa le 26/02/2008 à 19:29
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