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Pierre S. Adjété
Pierre S. Adjété
Né à Lomé, PSA a fait ses études au Togo, au Gabon et au Canada. Économiste, administrateur et essayiste, PSA est un partisan assumé du «Grand Pardon» et un adepte de l’Éthique dans l’espace public; il est un acteur engagé dans des initiatives citoyennes et républicaines.




Moscou, comme Pékin, enrage de la manière dont les Occidentaux ont, selon lui, détourné la résolution 1973 du 17 mars 2011 autorisant l’emploi de la force pour protéger les populations civiles contre le colonel Kadhafi. Le rejet à l’ONU, par la Russie et la Chine, du projet de résolution sur la Syrie a suscité de vifs débats à la conférence sur la sécurité de Munich. En arrière-plan: les leçons du conflit libyen.


Le Mur Diplomatique Russo-Chinois
«La guerre en Libye a laissé des traces profondes. Son impact se lit tant dans les décisions de la Russie et de la Chine que dans les manœuvres des Occidentaux.» Présent à Munich au cours du week-end, ce haut responsable de l’OTAN reconnaît que la chute du colonel Kadhafi est en arrière-plan du débat sur l’insupportable répression syrienne.

Le rejet par Moscou et Pékin, samedi après-midi à New York, du projet européen de résolution au Conseil de sécurité condamnant le régime de Damas avait d’ailleurs été, quelques heures plus tôt, précédé d’une explication ferme du chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, lors de cette conférence annuelle sur la sécurité: «Il s’agit d’une guerre civile et l’on demande au gouvernement de désarmer face aux insurgés. Nous ne pouvons pas l’accepter», a-t-il asséné. Le ministre se rendra mardi à Damas pour évoquer la mise en place rapide de «réformes démocratiques indispensables», a indiqué dimanche son ministère.

Sans surprise, le vice-ministre chinois des Affaires étrangères, Zhang Zhijun, s’est ensuite, au sujet des libertés au Tibet évoquées par le sénateur américain John McCain, lancé dans une défense acharnée de la souveraineté. «Le mur russo-chinois autour de Damas est très solide, poursuit notre interlocuteur de l’OTAN. La question, maintenant, est de savoir si une intervention militaire du type Kosovo, hors cadre de l’ONU, peut être envisagée en Syrie

L’exemple libyen vaut des deux côtés. Moscou, comme Pékin, enrage de la manière dont les Occidentaux ont, selon lui, détourné la résolution 1973 du 17 mars 2011 autorisant l’emploi de la force pour protéger les populations civiles contre le colonel Kadhafi. «Nous nous sentons trahis. C’est aussi simple que cela», a réitéré l’ex-général russe Vyacheslav Trubnikov. Mais les Occidentaux tirent aussi leurs leçons. Les plus en pointe ont été à Munich les influents sénateurs américains Joseph Lieberman et Lindsay Graham. Le premier a affirmé son soutien à un appui multiforme aux insurgés de l’Armée syrienne libre (ASL): «Soutien médical, appui au renseignement, formation, livraisons d’armes… nous ne devons rien exclure.» Le second a plusieurs fois pris la parole pour dire qu’en cas de frappes sur l’Iran, allié de la Syrie, le Congrès «appuierait sans faille» l’administration Obama.

Le fantôme de l’axe Téhéran-Damas était en fait omniprésent dans la capitale bavaroise. Contrairement aux années précédentes, aucun officiel iranien n’était présent pour expliciter la position de son pays sur son programme nucléaire. La question des frappes israéliennes n’a même pas été abordée en plénière. Et beaucoup estiment que la prochaine échéance clé sera l’entrée en vigueur, le 1er juillet, de l’embargo européen sur le pétrole iranien. N’empêche: l’accent mis par le secrétaire américain à la Défense, Leon Panetta, sur le bouclier antimissile en Europe – officiellement conçu pour éviter, entre autres, des attaques balistiques d’un État comme l’Iran – a nourri le débat. Des experts jugent que les capacités de l’Iran à produire des fusées à moyenne portée ont été gravement retardées par de récentes séries d’explosions entendues «jusqu’à Téhéran» attribuées à des actions subversives. D’autres affirment que l’état-major américain planifie déjà pour «frapper s’il le faut». «L’obsession actuelle des États-Unis est de ne pas se faire prendre de court par l’Etat hébreu», affirme un général occidental.

Or le lien Iran-Syrie, peu évoqué à Munich, est crucial. Le soutien de Moscou à Damas, qui s’explique entre autres par le maintien en Syrie d’une base navale, répond à une préoccupation régionale. Idem pour les Européens qui, avec leur embargo pétrolier sur l’Iran, espèrent aussi assécher les ressources financières de Téhéran et son soutien au régime de Bachar el-Assad, étranglé par les sanctions internationales.

Au centre de l’équation se trouve enfin la Turquie. Son chef de la diplomatie, Ahmet Davutoglu, a redit à Munich son épuisement après «des journées passées à négocier en vain avec le régime syrien» qu’Ankara a fini par lâcher, condamnant avec fermeté ses exactions. «Nous accueillerons tous les réfugiés syriens qui le désirent», a-t-il assuré, s’inquiétant du «retour de la guerre froide à l’ONU», mais rejetant, officiellement, une intervention plus directe. Sauf que le précédent libyen, là encore, est à l’œuvre. «Le message des Américains est clair: Assad est fini», estime un observateur turc. Des déserteurs syriens seraient déjà entraînés en Turquie. L’opposition armée y disposerait d’un QG gardé par les militaires turcs.

L’axe Damas-Téhéran résiste encore. Mais vu l’obstruction diplomatique russo-chinoise, le travail de sape devrait s’intensifier. En attendant que, par exemple, un blocage iranien du détroit d’Ormuz ne justifie peut-être des actions plus directes.//////// Richard Werly



Diplomatie Publique


Rédigé par psa le 06/02/2012 à 06:40
Tags : Chine Iran Libye Russie Syrie Notez