Profil
Pierre S. Adjété
Né à Lomé, PSA a fait ses études au Togo, au Gabon et au Canada. Économiste, administrateur et essayiste, PSA est un partisan assumé du «Grand Pardon» et un adepte de l’Éthique dans l’espace public; il est un acteur engagé dans des initiatives citoyennes et républicaines.
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De nouveau il faut l’avouer, parce qu’il ne se passe rien au Togo, il fallait bien qu’il arrive quelque chose dans ce pays. C’est ce qui justifie la naissance de l’Alliance nationale pour le Changement (ANC); un nom de parti plus que symbolique en Afrique, une ambition de lutte et d’idéal de rassemblement plus que symbolique désormais au Togo en ce jour lui-même symbolique du 10-10-10. L’ANC togolaise a-t-elle trouvé son Nelson Mandela?
C’est un fort pari que ce congrès constitutif du nouveau parti politique dirigé par Jean-Pierre Fabre. L’ANC récupère d’emblée un fond de commerce de contestation du pouvoir de Faure Gnassingbé. Au-delà, l’ANC va probablement aspirer vers elle la majorité sinon l’essentiel des acteurs politiques porteur d’un désir d’avenir autre. Comment pouvait-il en être autrement? Cette dernière semaine, les rumeurs se sont transformées en réalité plus concrète et en certaines indiscrétions ainsi que des réflexions plus palpables à la faveur des vingt ans du soulèvement du 5 octobre au Togo. Face au peu d’ouverture véritable qu’offrait le pouvoir togolais, les idées fusaient de tous les côtés dont, essentiellement les deux approches : la création sous l’égide de Jean-Pierre Fabre, soit d’un vaste mouvement non partisan en remplacement du FRAC, soit d’un nouveau parti politique pour consacrer la scission définitive avec l’UFC des Amis de Gilchrist Olympio.
L’option d’un mouvement citoyen sur lequel j’ai fait de ré-insister cette semaine encore offrait la possibilité de ratisser le plus largement possible sans déranger les partis politiques existants, principalement ceux qui participent encore au FRAC, tout comme la diaspora togolaise qui a toujours besoin d’un mouvement citoyen véritablement unificateur. M. Victor Komlan Alipui semblait aller dans cette voix d’un mouvement apolitique rassembleur, mais… Peu importe. L’option d’un nouveau parti politique ménage peu les susceptibilités et fait un saut assez brutal dans un paysage encore embrouillé, mais… Peu importe. Il va falloir faire face à la réalité désormais. Elle est dure et cruelle : les portes du dialogue vrai et respectueux ont trop longtemps été fermées au Togo. La tromperie politique –la plus rocambolesque étant celle du rapprochement Gilchrist Olympio et Faure Gnassingbé, Jean-Pierre Fabre et les siens n’avaient pas de choix que de s’émanciper de cette confusion politique. Ces derniers ont-ils choisi la bonne voie? Ont-ils innové politiquement dans le paysage togolais? Le problème du Togo étant d’abord et avant tout politique, aussi longtemps que solution respectueuse et de bonne foi ne sera trouvée, rien d’extraordinaire ne pourrait se passer de mieux dans les autres secteurs. Il est difficile de cacher cette évidence en proposant des issues falsifiées ou truffées de pièges. C’est pratiquement le cas depuis quelques années, particulièrement à la sortie du dernier Accord politique global (APG). Imparfaits et nettement insuffisants, plusieurs aspects de l’APG auraient du être pris en mains par un bon dialogue intégrateur et surtout un souci du Togo hors de la dissimulation et de la feinte politiques. Deux exemples illustrent bien cette tartuferie qui semble devenir la règle en politique togolaise : la représentation des députés de la région maritime à l’Assemblée nationale, ridiculement faible et inéquitable, et la question de la limitation du mandat présidentiel à deux exercices consécutifs. Ces deux insuffisances majeures dont les conséquences sont présentes dans tous les aspects de la vie politique au Togo, activement ou sournoisement, continuent à faire le lit de la division togolaise dans ses deux grandes solitudes. Comme si cela ne suffisait pas, le pouvoir présidentiel ne manque jamais d’occasion pour accentuer la division chez ses adversaires, curieusement et toujours de manière ouverte : la dissolution du parti de Gabriel Agbéyomé Kodjo, le parti OBUTS, et le parti pris pour Gilchrist Olympio dans ses démêlées abusivement totalitaires et ses désespérants sauts d’orgueil irrationnels avec les siens de l’UFC sont les plus graves erreurs politiques du pouvoir présidentiel togolais. Ces erreurs ont fini par frelater l’autorité et l’innocence affichées par Faure Gnassingbé depuis le milieu de son mandat, en donnant l’impression qu’il serait capable d’une bonne évolution politique au Togo. Au XXIe siècle, on ne fait plus de la politique en voulant toujours tromper ses adversaires; on fait de la politique en affichant la bonne foi et l’éthique en tout temps : Politique sans éthique n’est que peine perdue. Et c’est justement la politique éthique qui fait gagner respect et pouvoir. Bien au-dessus de la démocratie, se retrouvent donc ces valeurs supérieures auxquelles tout politique doit s’astreindre : la bonne foi et l’éthique. Et, le Togo en arrive à se radicaliser dans la confrontation clairement voulue et affichée, parce que les plus hautes autorités du pays se détournent de ses fondamentaux, n’en connaissant pas la puissance, n’écoutant que la fausse symphonie du présent trompeur et ses griots. Faure Gnassingbé a tout faux! Et il aura tout faux aussi longtemps qu’il privilégiera la force, la tromperie et le passé au détriment de l’éthique, la bonne foi et l’avenir. Il a tout faux Faure, et il en serait ainsi à moins qu’il assume pleinement le Togo en dialoguant vrai avec l’ANC dorénavant, en appelant Jean-Pierre Fabre notamment. On ne nie pas l’évidence. Faure a favorisé la naissance de l’ANC et une nouvelle détermination contre son propre pouvoir. Malheureusement, la logique de la radicalisation se renforce dans un pays qui n’a pas forcément besoin d’un autre parti politique de plus. Avec un nom aussi évocateur et symbolique que l’ANC, le message est on ne peut plus clair dans un Togo toujours dans le noir politique… Il reste à Jean-Pierre Fabre à parfaire sa diplomatie citoyenne –une capacité d’attrait et d’écoute, au profit d’une image de leader capable d’un autre Togo; ce qui commence autant au Togo qu’à l’extérieur, autant avec les autres partis et même son adversaire Faure Gnassingbé que dans plusieurs chancelleries africaines et ailleurs. C’est un impératif catégorique que le Togo doit sortir de l’impasse politique actuelle. Horizon
Rédigé par psa le 10/10/2010 à 10:10
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