Profil
Pierre S. Adjété
Né à Lomé, PSA a fait ses études au Togo, au Gabon et au Canada. Économiste, administrateur et essayiste, PSA est un partisan assumé du «Grand Pardon» et un adepte de l’Éthique dans l’espace public; il est un acteur engagé dans des initiatives citoyennes et républicaines.
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La stratégie politique de Faure Gnassingbé devient de plus en plus embarrassante. Il se développe autour du président togolais, une négation de la réalité politique qui s’égrène sous ses yeux. Pire, sa méthode se conforte par une certaine assiduité dans la récupération malveillante. Comme au bon vieux temps de l’Union soviétique, l’aveuglement l’emporte désormais sur l’inventivité. En-est-il conscient lui-même ?
Rodolphe Faure, Comme on fait son lit...
La chose est confirmée : Faure Gnassingbé voudrait faire alliance avec Gilchrist Olympio.
La tentative est en marche, tout au moins. Les sujets de rapprochement entre les deux, Faure et Gil, ne manquent pas : la fête de l’indépendance cinquantenaire, le rapatriement des restes de Sylvanus Olympio le père de Gil, inhumé au cimetière d’Agoué au Bénin sans autre distinction qu’une tombe tardivement marbrée comme certaines autres dans ce lieu de repos commun, les dernières élections présidentielles auxquelles Gil n’était pas candidat, la sollicitation de Gil pour le formation d’un gouvernement d’ouverture dite d’union nationale, le statut politique de Gil lui-même, etc. Seulement voilà, cette approche est infectée de malveillance avec une forte odeur de récupération. L’intention de Faure et des gens qui pilotent le dossier à ses côtés demeure aussi d’accentuer la divergence apparente entre Gil et Jean-Pierre Fabre, le candidat de l’UFC aux dernières élections présidentielles dont Faure est déclaré gagnant. Ce n’est pas le rôle d’un président de la république de jouer au trublion ou à l’incendiaire, accentuant les divergences à l’UFC. Le contexte togolais est assez clairement dessiné que ce jeu ne peut être profitable pour un chef d’État. La tentative de récupération du même ordre vient d’être échouée par l’équipe présidentielle qui s’est servie de Jean-Claude Homawoo sans réussir à affaiblir l’équipe de l’UFC réunie autour de Fabre. C’est le même exercice qui est initié avec Gil et cette tentative de l’embarquer dans un dialogue politique direct avec Faure. Il doit être compris par Faure et ses stratèges que Gil n’a plus le pouvoir à l’UFC. Une certaine autorité reste à Gil, mais celui-ci est à la veille de la perdre, si par inadvertance il venait à conclure un protocole d’accord de quelque nature que ce soit avec Faure, et surtout au dos des tenants du pouvoir réel à l’UFC.
Patrick Wecksteen
Faure mise sur le mauvais cheval en jouant la carte Gil. Et, la satisfaction apparente qui pourrait résulter d’un rapprochement si tardif entre Gil et Faure ne serait qu’éphémère, ne trompera pas les chancelleries africaines et internationales, ne serait qu’un feu de paille politique. D’ailleurs, rien n’est sûr que Gil puisse raisonnablement s’allier à Faure dans les conditions actuelles. C’est un fait incontournable qui doit interpeller le chef d’État togolais pour qu’il raffine sa stratégie et décide, enfin, de faire face à la réalité en exergue devant lui : Fabre Agbéyomé et Kofi qui contestent fortement sa réélection.
C’est aussi là la faiblesse de la stratégie de Faure. Une négation incompréhensible de l’évolution du paysage politique et une certaine duplicité politique. Pascal Bodjona -ami et stratège de Faure, ministre de l’intérieur et équivalent du numéro 2 gouvernemental- avait pourtant bien reçu les membres de l’opposition contestataire de la victoire de Faure ; c’était le 26 mars dernier. À la suite de quoi, une marche de contestation subséquente avait été annulée de bon gré par cette opposition. Pourquoi ne pas continuer à agrandir ce canal de dialogue avec les vrais détenteurs du pouvoir dans l’opposition togolaise ? Pourquoi tenter de jouer à la duplicité en abattant la carte Gil et en voulant semer la zizanie dans l’opposition ? Les deux dernières marches de contestations de l’opposition togolaise n’avaient pas rassemblés 3000 ni 4000 personnes. C’est pourtant ce que proclame le gouvernement togolais, le pouvoir Faure et ses stratèges. Cela ne fait pas une grande ni sérieuse politique dans le camp de Faure. La capacité de mobilisation de l’opposition togolaise est très forte ; et elle l’est plus que celle du pouvoir qui ne peut qu’user des moyens d’État pour atteindre le même niveau. Cette réalité n’échappe à personne au Togo, surtout pas aux représentations diplomatiques présentes à Lomé. Voilà encore que le pouvoir proclame, et de manière ridiculement soviétique, que seulement 3000 et 4000 personnes sont sorties aux manifestations, respectivement les 3 et 10 avril 2010. C’est vrai qu’un chef d’État n’en est pas à contrôler tout ce qui se dit autour de lui. Il imprime toutefois une tendance que ces porteurs de voix distillent par la suite. Celle qui est en court autour de Faure témoigne d’un retour aux temps révolus des partis uniques d’une autre ère longtemps révolue aussi. En effet, pour le site Internet gouvernemental, « Entre 3500 et 4000 personnes se sont retrouvées samedi à l’appel du l’UFC et du Frac pour une nouvelle marche de protestation dans les rues de Lomé. Du quartier de Bé à la plage, les manifestants entendent toujours dénoncer les résultats de l’élection présidentielle du 4 mars dernier. Le cortège, assez fluide, avait à sa tête les animateurs habituels : Jean-Pierre Fabre, le secrétaire général de l’UFC, Agbéyomé Kodjo, le patron du petit mouvement Obuts ou encore Dahuku Péré, ancien cacique du RPT. » La négation et la négativité font le corps de ce message. Plusieurs personnes, pas toujours acquises à l’opposition parlent de centaines de milliers de personnes que le pouvoir Faure minimise à ce point. Il y a un problème d’incapacité de conception d’une bonne stratégie politique au Togo, de la part de Faure Gnassingbé et son équipe. Tout cela n’augure pas bien pour un pays qui a pourtant besoin de se retrouver, assez tôt, dans la bonne foi des uns et des autres pour imaginer et réaliser son avenir. C’est pour tout cela et bien d’autres que le Togo me semble retourner vers l’ère de l’Union soviétique, une ère de négation de la réalité, une ère d’incapacité politique. Le Togo a plutôt droit à ouvrir son ère de la Glasnost, de la Perestroïka… Et cela urge. Diplomatie Publique
Rédigé par psa le 11/04/2010 à 19:00
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