Profil
Pierre S. Adjété
Né à Lomé, PSA a fait ses études au Togo, au Gabon et au Canada. Économiste, administrateur et essayiste, PSA est un partisan assumé du «Grand Pardon» et un adepte de l’Éthique dans l’espace public; il est un acteur engagé dans des initiatives citoyennes et républicaines.
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Au Togo, tout est à gogo. Veille des élections présidentielles et le moment est propice à la tragédie. Toutes les attentions sont aux aguets, toutes les conspirations aux gueux. Tout le monde doit déchirer son habit en public : tout le monde doit monter sur la table de travail pour danser cette fois-ci. Sauf que le public est las de ce spectacle : il y a des moments où, « si véridique qu’on soit, il faut renoncer à être cru », tout simplement renoncer à être trouble-fête. Malheureusement, tout est à hue et à dia : trop ce n’est pas assez, il en faut plus, beaucoup plus. Citoyens, vous n’en voulez plus? Eh bien, vos politiciens en ont à vous servir davantage. Tragédie, comédie, parodie, perfidie et quoi encore pour démocratie? Malaise, effet vadrouille ou syndrome Togo? Ri-di-cule!
© René Magritte, La Trahison des images : « Ceci n’est pas une pipe. », 1928.
Depuis toujours, il y a une lutte intérieure qui préside à la vie de l’opposition togolaise. Aucun canon n’est assez grand pour tirer sur ses compagnons de route, ses propres amis. Les amis d’hier qui se rapprochent trop de l’objectif communément visé, le pouvoir, au risque de s’en emparer. Ces amis devanciers doivent être étiquetés : ennemis publics. Ils sont des empêcheurs de danser en rond, de tourner en rond autour du pouvoir. La danse du pouvoir autorise seulement la danse autour. C’est connu : le pouvoir corrompt, et le pouvoir absolu corrompt absolument. Mieux vaut ne pas trop s’en approcher, surtout que ceux qui y sont en font déjà, et très bien alors, la démonstration irréfutable qu’un tel vice est à éviter. Sauf que chacun pensait qu’au Togo, atteindre le pouvoir et l’exercer c’est avoir la capacité et la légitimité d’installer la démocratie manquante depuis plusieurs décennies. Une démocratie prélude à la réconciliation préalable au développement. Mieux encore, tout avait été fait pour une action commune vers cette nécessaire démocratie. Tout le monde y a travaillé. Du moins, chacun le pensait; tellement, le peuple togolais le demandait. Mais voilà que brutalement, des arguments solitaires, tout le soliveau périodique doit de nouveau rejaillir, et désormais pleuvoir sur un peuple en attente d’unité d’action et de démocratie. « Qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu? » se demandent encore, incrédules, les Togolaises et les Togolais. Le chemin vers la démocratie au Togo aurait été l’un des plus tortueux. On comprend alors pourquoi les diplomates en poste à Lomé n’y comprennent justement pas grand-chose, et que leurs appréciations et rapports sont souvent truffés d’erreurs et de contradictions rendant difficile la distinction entre opposition et pouvoir. C’est connu : Faure Gnassingbé lui-même aurait fait carrière dans l’opposition s’il ne s’était pas retrouvé aussi brutalement au pouvoir. D’ailleurs, Faure Gnassingbé est plus actif dans l’opposition autant que l’opposition travaille pour lui. Au Togo, pouvoir et opposition même combat, même combattants, même combattus, etc. Et ce n’est pas parce que l’on peut rire du Togo politique que tout y est drôle. Il est tout simplement impossible d’être plus triste que ne le sont les citoyens du Togo, partout où ils se trouvent. Dans tous les cas, nul n’est satisfait de la situation de chaos perpétuel que, désormais, tout presse et tout pousse au retour à la sérénité dans l’opposition togolaise. Il est d’ailleurs trop tard pour être pessimiste pour le Togo. Pour être tombé si bas et si longtemps, le pays ne peut que rebondir. Il s’agit véritablement de donner du ressort à ce rebond démocratique afin qu’il soit total et définitif. Du pareil au même? Ça ne se peut pas! Par coïncidence, cette scène de vaudeville tire à sa fin au fur et à mesure qu’approche l’échéance électorale : le terrain fait toute la différence, l’aspiration des citoyens au changement politique restant toujours en avance sur le statuquo et toutes les autres apparences, toutes trompeuses. Très peu de Togolais désirent manquer de respect à leur malheur en reconduisant, consciemment ou intentionnellement, instinctivement ou cillement, un pouvoir de régence qui n’a jamais été élu, qui refuse toute réforme à portée démocratique et qui se maintient au pouvoir rien que par des subterfuges et la force brutale. Malgré toutes les difficultés de l’opposition togolaise, parfois même sa cacophonie, ses cafouillages et ses erreurs, le devoir du changement politique au Togo convoque constamment à un dépassement des querelles de personnes. Au Togo, aucune idée ni aucun acte n’a fait de preuve que la détermination face à un pouvoir qui n’a jamais cédé la moindre surface pour l’avènement de la démocratie. Aucune opportunité, qu’elle soit parlementaire ou gouvernementale, aucune collaboration ni dialogue n’a de prise durable et surtout pas d’effet efficace sur le pouvoir présidentiel qui sévit au Togo, de père en fils depuis cinquante ans, et avec beaucoup plus de déception, de désillusion, de dissimulation et de déconvenue ces dix dernières années. La réalité togolaise est donc têtue : plus aucun parti politique sérieux au Togo ne peut boycotter des élections dans ce pays, même en l’absence de réformes et surtout en l’absence des réformes convenues depuis 2006. D’ailleurs, l’absence de réformes ne constitue qu’un piège pour faire déserter les partis menaçants des urnes, et y accueillir les partis de complaisance sans réelle représentativité nationale. Contrairement à ce qui se dit et se colporte, un parti politique togolais de l’envergure de l’Alliance Nationale pour le Changement (ANC), ne peut être taxé d’accompagner le parti présidentiel, l’Union pour la République (UNIR) dont l’ANC est une alternative valable depuis seulement cinq ans; un groupe de partis politiques comme le Combat pour l’Alternance Politique en 2015 (CAP 2015) ne saurait être accusé littéralement d’accompagner une fraude électorale au Togo par sa candidature aux élections présidentielles prochaines. C’est du pur non-sens démagogique. La quête continuelle des réformes n’empêche nullement la préparation et la présence effective aux élections, surtout si ces élections sont organisées en l’absence des réformes. Au Togo, on se comprend parfaitement lorsque l’on parle de boycott des élections! Gérer les incertitudes et les imperfections politiques au lieu de les fuir C’est pourquoi, la tragédie politique togolaise alimentée par les uns et les autres se réclamant mieux stratèges, pour avoir des idées différentes, cette posture devient pratiquement caricaturale et désespérément immature et espiègle à l’avènement de la démocratie. La solidarité en vue de la démocratie n’est pas une baïonnette à retourner contre ces compagnons de route, pour peu que l’on ne pense pas comme eux. La solidarité en vue de la démocratie reste un filet pour contenir le pouvoir présidentiel togolais resté inélégant, ravageur et insatiable; un pouvoir présidentiel qui, de toutes les façons, n’a jamais été le choix des citoyens du Togo. Qu’une maille de ce filet de solidarité pour la démocratie se rompe, et quelle que soit la raison, les revendications post-électorales, légitimes et encore cruciales cette fois-là, peuvent s’émietter et devenir inefficace dans son soutien de la volonté de changement des populations togolaises. Au sein même de l’opposition ou face au pouvoir régnant, le défi politique togolais réside dans la gestion des imperfections et des incertitudes plutôt que leur fuite et leur boycott. Dans un contexte que l’on sait non-démocratique, on ne peut valablement réclamer un pouvoir que l’on a cessé de réclamer par les élections; dans une « démocratie impossible » on ne prend pas repos de la contestation quotidienne du pouvoir, et reprendre service après un si grand rendez-vous électoral. Au Togo, les élections sont une forme de contestation en plus d’être un « droit à la parole » des citoyens, et un tel refus du pouvoir doit être répété pour être efficace et garder sa logique. Que les démocrates togolais s’attendent à ce qu’ils savent déjà, et mieux que quiconque : le pouvoir présidentiel togolais ne fera pas des réformes qui l’éjecteront de la gouvernance de l’État ou mettront davantage à nu son propre échec électoral. Les listes électorales ne seront nullement auditées par les partis politiques. Aucun rendez-vous ne sera non plus donné à l’opposition togolaise, pour une passation des pouvoirs après les élections présidentielles prochaines. Tout est verrouillé au profit du pouvoir présidentiel, mais rien ne justifierait le boycott des élections. Comme ses deux syllabes, le Togo possède deux défauts : celui de l’opposition que l’on connait et celui du pouvoir que ses tenants cachent ostensiblement jusqu’à leur chute. C’est ce spectre à deux têtes qui hante le Togo, et qu’il faut choisir d’affronter en toute circonstance. Le Togo n’est pas un Absurdistan pour rien! Nous sommes véritablement au cœur de la tragédie togolaise, vicieuse et même absurde par essence. La victoire est néanmoins possible : l’environnement politique mondial est en pleine mutation. Impossible n’est pas changement, et surtout pas changement démocratique. Aucune défection ne saurait mettre fin à un si noble combat. Que la lutte démocratique continue. Que tous ceux qui sont fatigués aillent se reposer, ils reviendront plus tard. Que nos vrais adversaires sentent toute notre détermination! Réformes, élections, revendications, même combat! Mot à Maux
Rédigé par PSA le 15/02/2015 à 14:50
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