Profil
Pierre S. Adjété
Pierre S. Adjété
Né à Lomé, PSA a fait ses études au Togo, au Gabon et au Canada. Économiste, administrateur et essayiste, PSA est un partisan assumé du «Grand Pardon» et un adepte de l’Éthique dans l’espace public; il est un acteur engagé dans des initiatives citoyennes et républicaines.




Marianne James en Terre con’nue française, Zimmerman 2009
Marianne James en Terre con’nue française, Zimmerman 2009
Et pourtant, c’est très français! C’est même trop français pour que ministres, dirigeants et autres journalistes et simples observateurs des Bleus s’en émeuvent et crient au loup. À la faveur des propos déplacés de Nicolas Anelka -s'il les a prononcés, Raymond Domenech s’en tire bien et va devoir noyer son incompétence et son incurie sous les faux prétextes ainsi trouvés. L’incompétence coûte cher, très cher même, en plus de provoquer des frustrations diverses dont les résultats sont facilement imaginables.

Dans un pays où l’on se lance des "Pauvre Con ! Fils de Pute ! Bande d’enculés !" et autres camaraderies quotidiennes et multi-quotidiennes, du président de la République française aux joueurs de football en passant par les millions d’automobilistes, il est surprenant que les mêmes propos -"Vas te faire enculer, sale fils de pute" qui seraient débités par un Anelka gonflé de frustrations dans un environnement de haute pression mondiale devienne affaire nationale, indignation publique de toutes ces prétendues vierges subitement offensées. Mais, c’est depuis au moins deux ans que l’incompétence de Raymond Domenech dure et fait des ravages partout et partout. Dans un contexte où l’on a barré déjà les excès de langages de Rama Yade sur les coûts du logement des Bleus, des prix disproportionnels par rapport à leur rendement attendu et obtenu, au vu et au su de tout le monde, Nicolas Anelka vient faire parfait mouton noir pour sauver les âmes pures politico-footballistiques d’une certaine France.

Elles sont déjà nombreuses ces âmes offensées, nous dit-on : Le vice-président de la Fédération française de football, Christian Teinturier dont personne ne connaissait l'existence jusqu'à ce jour: "Si les mots ont été employés (...) il aurait dû être expulsé (du groupe) tout de suite, ou s'excuser. Sinon, il ne devrait pas réapparaître sous un maillot d'entraînement de l'équipe de France" ; et l’ancien sélectionneur des Bleus (1976-1984), Michel Hidalgo, d’ajouter : Anelka "ne doit plus porter le maillot de l'équipe de France. À mon avis, il ne portera plus jamais ce maillot" pendant que tombe le sec communiqué de Roselyne Bachelot, ministre de la Santé et des Sports -la secrétaire d’État en charge des Sports, Rama Yade, étant rayée depuis... Et la digne Bachelot de pontifier: "la très forte pression qui pèse sur les Bleus n'autorise pour autant aucun dérapage. Les joueurs doivent se rappeler qu'ils portent les couleurs de la France et qu'ils sont considérés comme des modèles par beaucoup de jeunes. Cela les oblige à la retenue et à la dignité".

La France tolererait des excès mais ne saurait apprécier ceux de certains. Curieuse France ! Celle qui absout Domenech depuis des années et condamne Anelka à tous les coups ! Celle qui expulse Nicolas Anelka et expulsera bientôt Rama Yade du gouvernement. Curieuse France où, de guerre lasse, tous les Nicolas ne riment pas ! En cette Terre connue pure française, Gloire et Honneur au brave Domenech l'incompétent, par qui tout arrive en réalité! On ne rit plus... En sport de haut niveau, ce qui se dit au vestiaire reste au vestiaire. C'est pour cela que la politique est viscéralement exclue du sport de la FIFA. C'est pour cela que les grands ne se mêlent pas souvent des petits mots que personne n'a entendu et que tous se plaisent à attribuer au parfait mouton noir, le Dreyfus du Mondial raté des Bleus, des dirigeants aux joueurs, de l'entraineur au ministre. Cette France là, cette petite France, cette France des traites et des petites personnes qui rapportent les petits mots de vestiaire pour le plaisir des politiciens récupérateurs, cette France dégouline vers le bas et elle fait pitié.