Pour avoir pratiquement manqué tous ses rendez-vous politiques par une curieuse et répétitive erreur de jugement –qu’il n’est plus décent d’énoncer ou de dénoncer, c’est désormais d’une véritable rupture de citoyenneté, c'est-à-dire d’un tracé de ligne clairement identifiable par tous et de partout, un véritable cri d’honneur et de compétence politique, dont il faudra se munir pour dépasser les surenchères égoïstes, et aussi ce qu’Édem Kodjo identifie comme « l’accumulation des frustrations » dans sa brûlante Lettre ouverte à l’Afrique cinquantenaire, une Afrique dont le Togo fait toujours partie.
Littéralement et à travers villes et villages, le Togo croule sous des frustrations et les Togolais manquent d’enthousiasme, conséquemment. Il est temps d’y sonner un réveil audible et crédible à la fois, en diminuant les nombreux bruits de fond dont, essentiellement : le clivage ethnique et ses manifestations réelles et dommageables au tissu social et particulièrement face à la participation à la gestion effective de la chose publique d’une part, l’absence d’un consensus national minimum construit et appliqué dans la bonne foi et présenté par des acteurs crédibles d’autre part. De tels constats, relevés à hauteur des Togolaises et des Togolais et à même le terrain, appellent effectivement un leadership politique médiateur, une gouvernance communicative et intégratrice des citoyens du Togo, la diaspora y compris car recours et supportrice d’une frange importante de la population togolaise; c’est cela un réveil vrai, audible et crédible pour être porteur d’un enthousiasme citoyen contagieux et réparateur des frustrations.
Il est indéniable que l’Histoire politique du Togo demeure encore celle de la division et de son exacerbation au fil des confrontations et malentendus des cinquante dernières années. Et, c’est parce que l’Histoire togolaise se présente ainsi qu’il y a nécessité d’affirmer qu’un autre Togo est possible et s’atteler, l’instant d’après, à le réaliser hors de l’insuccès des sentiers déjà connus et fréquentés toutes ces années durant. On y arrivera en usant de peu de mots et à coup d’actes hautement éthiques : une certaine idée du Togo ouvertement communiquée et assumée. Il ne nous est donc plus permis de continuer à perdre le Togo dans l’inefficacité et l’absence de résultats partagés, encore moins dans l’activisme de la complaisance. Il n’est désormais plus permis d’adopter une posture boudeuse de nous-mêmes et de nos capacités à forger l’avenir. Il est véritablement temps de faire le Togo et le faire pour de bon.
L’essentiel du Togo a été dit et redit. Il est largement connu et reconnu de tous et de chacun maintenant que les hypothèques jadis gonflées à l’orgueil se sont abaissées –et leur modestie même les abuse dorénavant, au point où l’Histoire du Togo s’est arrêtée pour reprendre son souffle. Le Togo est simplifié; il est prêt à un autre ensemencement politique. Le Togo est prêt à recevoir des idées, des idées de bâtisseurs; le Togo politique est devenu un pays normal.
Il faut faire vite et bien! Il faut redonner le goût du Togo aux Togolais dans ces périodes utiles, studieuses et éloignées des soubresauts et fièvres électoralistes de début et de fin de mandat présidentiel. Il faut faire vite et bloc pour assumer collectivement le Togo, liquider ses passifs encore douteux, réaliser ses actifs restés juteux, prêcher par l’exemple et la professionnalisation de la vie publique. Il faut faire vite et brave par des choix audacieusement partagés à la seule lumière du jour et des compétences, celle qui peut faire renaître l’enthousiasme au Togo, en peu de mots et en très peu de maux. Le Togo ne saura se transformer qu’à travers une telle vision et au rythme de cette mutation et de ce dépassement longtemps attendus de ses élites politiques.
Comme le surgissement des nations au moment où l’on s’y attend le moins, il m’a été susurré que l’éveil du Togo coïncide aussi avec un subit changement générationnel qui ne peut se permettre de faire l’économie d’un pays totalement réinventé, mais seulement avec des méthodes nouvelles et la compétence partagée. Le Togo s’est effectivement tu trop longtemps qu’il ne semble plus posséder sa fierté d’être un des fils ainés des indépendances africaines et de ses idées émancipatrices : unité africaine, communauté économique, autonomie monétaire régionale, plan d’action de Lagos, etc. Plus que la politique politicienne, celle des uns et des autres, il y a le métier d’Homme, le métier de Citoyen, le devoir d’Être qui reste à exercer convenablement. Il est donc temps de savoir si Nous, Togolaises et Togolais, voulons rester longtemps couchés ou nous lever et redresser notre pays, avec enthousiasme.
Il y a nécessairement un nouveau pacte de grandeur à présenter aux Togolaises et aux Togolais avec respect, courage et créativité. C’est la confection hardie et le tricotage serré de ce parchemin de large consensus qui serviront de feuille de route à cet autre Togo qui va bien au-delà des querelles partisanes récurrentes et vaut plus que les seules ambitions trop longtemps individualisées… C’est ce qui ressort de mon récent et prolongé séjour au Togo, à la faveur du lancement de l’indispensable Fondation Pax Africana.