Le signe ne trompe pas et fait jaser les commentateurs politiques: Jean-Louis Borloo a changé de look et de coupe. Les mèches rebelles du ministre aux cheveux en bataille sont désormais ordonnées. Le costume tombe bien, la cravate aussi. Une apparence soignée pour gommer celle de Columbo, l’inspecteur au manteau informe, le surnom dont l’affublent les mauvaises langues. Cette image rangée alimente la rumeur: le ministre de l’Écologie et de l’Énergie préparerait activement la suite de sa carrière.
Aujourd’hui, il fait partie des favoris à la succession de François Fillon, aux côtés du premier ministre lui-même, de François Baroin ou de Bruno Le Maire, respectivement ministres du Budget et de l’Agriculture. Jean-Louis Borloo, politicien atypique, est plus âgé que les deux derniers. Ministre depuis 2002, il est extrêmement populaire dans l’opinion publique. «Depuis qu’on le teste, il fait partie des deux ou trois membres du gouvernement les plus appréciés», confirme Gaël Sliman, directeur général adjoint chez BVA.
Ces dernières semaines, Jean-Louis Borloo a mis en avant son profil de politicien centriste et rassembleur, ancien porte-parole de l’UDF, proche de Bayrou au début des années 2000, actuel président du Parti radical associé à l’UMP. Dans les médias, il se pose comme l’incarnation du virage social que pourrait prendre Nicolas Sarkozy après le féroce conflit autour de la réforme des retraites.
L’ancien maire de Valenciennes montre qu’il a entendu la révolte de la rue. «Il faut reprendre le chemin de la cohésion sociale», «tendre la main aux plus fragiles», affirmait-il récemment sur Canal+. «Plus il y a de crise, plus il y a besoin de justice sociale, de justice fiscale et de respect.» Dans une interview, le secrétaire général de l’Elysée, Claude Guéant, a renchéri: «C’est un orfèvre en matière sociale et il a l’oreille des syndicats.» «Nicolas Sarkozy pourrait se servir de lui comme d’un complément d’image, car il apporte réellement quelque chose de différent, une bouffée d’oxygène», ajoute Roland Cayrol, directeur de recherche associé à Sciences Po.
La fibre sociale de cet ancien avocat d’affaires, ami de Bernard Tapie, s’accompagne d’une méthode mise en œuvre lors du Grenelle de l’environnement: la négociation entre cinq partenaires – Etat, associations, collectivités, syndicats et entreprises. «Le Grenelle est devenu le symbole de la démocratie participative. Le Grenelle, c’est apprendre à jouer collectif, avoir une analyse partagée de la situation et finir par se mettre d’accord sur 80% des points», expliquait-il récemment dans Le Parisien, lançant l’idée de s’en inspirer pour réformer la fiscalité.
Jean-Louis Borloo a été successivement ministre de la Ville et de la Rénovation urbaine, de la Cohésion sociale, de l’Emploi et du Travail, sous les gouvernements de Jean-Pierre Raffarin, puis Dominique de Villepin. Il a très brièvement été ministre de l’Économie et des Finances avant de reprendre le maroquin de l’Écologie.
«Il a été l’un des artisans de la bataille pour l’emploi et a contribué à faire baisser le chômage. Ses idées sont réalistes et réalisables, rappelle Frank Melloul, ancien conseiller de Dominique de Villepin à Matignon. Pendant la crise des banlieues, il a aussi joué un rôle important.» On lui doit notamment le vaste plan de rénovation urbaine toujours à l’œuvre aujourd’hui. «Si Nicolas Sarkozy cherche à donner un nouveau souffle au gouvernement en s’attaquant à ces sujets, Jean-Louis Borloo possède l’expérience nécessaire», souligne-t-il. Les résultats du Grenelle de l’environnement sont, eux, en revanche plus contrastés.
Créatif et intuitif, inventif, original et spontané, le centriste aurait pour ses détracteurs les défauts de ses qualités. Il est souvent décrit comme brouillon, voire «bordélique» et nombre de députés UMP se demandent s’il a les épaules assez larges pour Matignon. «Il ne suit pas les dossiers, se met à l’abri des conflits et des sujets polémiques», critiquent ses adversaires qui s’en sont donné à cœur joie dans la crise des carburants, au début de laquelle le ministre avait minimisé la gravité de la pénurie. «Borloo est un zozo. Il m’a fait passer pour un con!» aurait même dit François Fillon, cité par le Journal du Dimanche.
«Il a une image de dilettante, mais je pense qu’il est moins brouillon qu’il n’en a l’air. N’oublions pas qu’il a été avocat et qu’il a eu un certain succès professionnel. Je crois aussi qu’il sait bien s’entourer», estime Roland Cayrol. «Il est le meilleur pour mes sujets, l’a aussi défendu la secrétaire d’État à la Ville, Fadela Amara. Il est fédérateur, intelligent et très besogneux, contrairement à la réputation qu’on lui donne. Et surtout, il a une humanité plantée dans le cœur.»
Malgré sa profession originelle, Jean-Louis Borloo ne joue guère du registre de l’éloquence. Mais s’il n’est pas toujours très bon à l’oral, «ce trait est pour beaucoup dans sa popularité, souligne Roland Cayrol. Il ne manie pas la langue de bois, parle comme tout le monde et ne paraît pas avoir endossé le costume de l’homme politique.» Un style qui peut le porter comme le perdre. ////////Catherine Dubouloz