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Pierre S. Adjété
Pierre S. Adjété
Né à Lomé, PSA a fait ses études au Togo, au Gabon et au Canada. Économiste, administrateur et essayiste, PSA est un partisan assumé du «Grand Pardon» et un adepte de l’Éthique dans l’espace public; il est un acteur engagé dans des initiatives citoyennes et républicaines.




Il est toujours possible d’avoir de l’ambition démocratique pour le Togo, même si tout semble aller à l’encontre du simple bon sens ou justement, parce que rien au Togo n’est fait avec la moindre brillance politique respectueuse des autres. Un exemple? Le pouvoir présidentiel qui sort de sa torpeur, sans rire, en prévision d’une rencontre avec le Pape François et d’un usage prochain sur la scène internationale, prend un décret d’application d’une loi datant de 2013 pour transformer le « chef de file de l’opposition » en garçon de courses du pouvoir, tout en jetant la même personne en pâture « aux assassins d’aubes » qui par ces temps pullulent en Zika, à ne pas confondre avec Sika ou Dante. De nouveau reparti en périple dont le Vatican, et toujours en cachette, l’instigateur pense ainsi que le peuple aura de quoi s’occuper pendant ce temps. Et c’est de cette manière que toujours l’on pense à la tête de ce Togo-là.


En bon guide, Dante vous informera sur les coutumes des lieux : dictature, gloutonnerie, gaspillage, incendie, méningite, vol, Zika, etc.
En bon guide, Dante vous informera sur les coutumes des lieux : dictature, gloutonnerie, gaspillage, incendie, méningite, vol, Zika, etc.

Le problème du pouvoir présidentiel togolais, son monologue, c’est de toujours prendre ses rêveries pour des réalités, et penser que tout Togolais est achetable à merci, au point de toujours se ridiculiser en ratant systématiquement chacune de ses sorties publiques. Comment un chef d’État moindrement instruit par ses responsabilités, son propre respect et sa connaissance des acteurs politiques togolais du moment –comme doit l’être Faure Gnassingbé, comment ce président peut-il apposer sa signature au bas d’un décret d’application d’une drôlerie aussi affligeante? Obéissez-moi et répondez à mes invitations pour être chef de file de l’opposition! Pour quelqu’un comme lui qui n’a jamais respecté une seule de ses paroles, on a bien envie de lui dire…

Pensons-y! Vous serez chef de file de l’opposition si et seulement si vous obéissez à mon petit doigt, à ma baguette et à mes caprices; en foi de quoi, je signe ce décret d’application d’une loi rébarbative, déjà assez peu songée, datant depuis le 13 juin 2013 et portant Statut de l’opposition, souvent dite : la « Loi sur le Chef de file de l’opposition». Franchement, on peut faire mieux en dirigeant tout aussi mal le Togo : juste penser que les autres sont fous, mais probablement pas assez fous pour tout accepter! Malheureusement, il faut trouver dans toutes ces intrigues l’occasion de mesurer la portée et la densité réelles de ces nombreuses gens insolubles dans toutes leurs contradictions malicieuses qui font prospérer l’industrie de la dictature.

Évidemment, tout le monde peut se réclamer de l’opposition, parlementaire ou extraparlementaire. Tout le monde peut donc se trouver des talents de comédiens et avoir grain à moudre dans tout décret inique, ici et là signé, par un pouvoir présidentiel togolais qui n’a d’existence que par la démagogie et l’ensemencement d’une zizanie perpétuelle, et surtout par son refus de grandir démocratiquement pour réconcilier les citoyens et gagner son propre salut du Grand Pardon. Tout le monde peut se réclamer de l’opposition et vouloir livrer mauvais combat en tournant sa baïonnette sur la mauvaise cible et pour les mauvaises raisons : l’acte de mort politique ne distingue pas toujours le désespoir personnel de l’idéal républicain collectif.

C’est le destin de toute démocratie naissante que d’être ballottée à gauche et à droite, avant de prendre racine pour affronter et triompher des dernières intempéries. C’est bien pourquoi il faut soutenir les démocrates républicains togolais qui, véritablement et à chaque forfaiture même déguisée, retendent l’arc de la volonté dans leur culte du changement; il faut encourager tous ces refusards de l’indignité constante par laquelle le bâillon est mis sur la vérité des faits et des urnes dans un Togo engourdi par une lâche acceptation complice de certains prétendants à la codification de l’opposition togolaise.

Qu’importe après tout! Ce qui est certain, c’est que le peuple togolais actualise à chaque occasion toutes ces fables politiques déraisonnables et à contre-courant de l’histoire. Un pouvoir présidentiel qui veut définir le genre d’opposition dont il a besoin, au lieu d’organiser des élections locales incontestables dans lesquelles chaque commune saura compter ses votes publiquement, libérer les prisonniers politiques, indemniser les commerçants des marchés incendiés, opérer les réformes républicaines qui feront aussi voter la diaspora, ce pouvoir n’a probablement plus grand-chose à démontrer de sa passion pour l’indécence et l’irrespect.

Les signaux que le chef de l’État togolais envoie aux citoyens dénotent toujours de l’improvisation, de l’impréparation et surtout de la désinvolture excessive qui caractérisent son régime. Lorsque l’on n’a pas de compte à rendre aux citoyens, il est d’ailleurs probable que l’on n’ait tout simplement pas beaucoup évolué par rapport aux défis de diriger un pays. Il est même évident que l’on veuille réduire le rôle de son opposition à la plaisanterie suprême d’un accompagnant politique de service. Triste gloire!

Nul doute qu’un jour, et à une heure imprévue, le peuple togolais qui frappe déjà avec insistance à la porte de ce désordre délibéré finira par l’ouvrir, de lui-même, pour demander des comptes républicains ainsi que l’entièreté de sa dignité; ce jour-là chacun des faussaires du pouvoir et des fossoyeurs de l’opposition se retrouvera à sa place. Car, « c’est un devoir sacré pour les gouvernants de se hâter de répandre la lumière »; c’est aussi un impératif pour tout citoyen d’œuvrer à l’émancipation démocratique de son pays et de se résigner à la République. Comment ne pas en avoir la conviction quand nous découvrons chaque jour davantage que « les intelligences sont aussi vaillantes que les ventres sont lâches ». Et cela nous aide à connaître le sens réel de tout ce carnaval limité aux seules danses du désespoir. Pour combien de temps encore s’amusera cette croisière qui ignore tout de son devoir? Pas fort!



Mot à Maux


Rédigé par psa le 01/02/2016 à 01:01



La prolifération de la mauvaise foi, de la surenchère et de l’invouloir politique au Togo fait désormais le lit du mauvais infini. Le « mauvais infini » dont parle Jan Patočka est la répétition, à l’infini, de la même certitude mensongère ou délibérément perfide. Avant la « révolution de velours » tchèque, ce constat implacable faisait légion; il aurait pu être celui du Togo actuel, car le diagnostic est aussi évocateur : « le régime honni conduisait à voir dans le mensonge et dans la peur les deux relais essentiels entre la violence d'État et la corruption de l'opinion publique ». Il faut percer ce mauvais infini dont s’empare une opposition préhomogène et prérépublicaine, toujours ensorceleuse de tout et pourfendeuse d’autres que soi.


Hommage à Glenn Frey, The Eagles: Hotel California ou le contraire du Mauvais Infini
Hommage à Glenn Frey, The Eagles: Hotel California ou le contraire du Mauvais Infini



Dans le mauvais infini togolais, la réalité ne s’en trouve pas changée, mais il est loisible de mêler abondamment le faux au vrai, loisible de noyer le poisson à tous les coups de gueule et à toutes les sauces, de toujours tourner le dos à l’éthique républicaine. Il se dit encore au Togo, et l’on tente de s’y accrocher par tous les moyens au prix d’y mêler l’histoire des « Nationalistes » et des « Progrès », que la léthargie démocratique serait due à un face-à-face éternel qui pourtant existe dans tous les pays sans jamais empêcher l’éclosion de la démocratie. Que dire alors des « Conservateurs » et des « Progressistes » ambiants? Motus et bouche cousue!

Toujours plus bas, le mauvais infini fait même dire que Jean-Pierre Fabre et l’Alliance Nationale pour le Changement (ANC) qu’il dirige, soient si incapables de réunir l’opposition au Togo qu’il est préférable de créer son propre parti politique et surtout ne jamais se laisser rassembler par ce chef de file de l’opposition, particulièrement à la veille des grands rendez-vous électoraux. Le mal togolais est donc ce mauvais infiniment complaisant qui toujours se dérobe à une vérité aussi simple que percutante : le pouvoir présidentiel togolais –nommément Faure Gnassingbé et ses obligés-, n’est pas ouvert à l’alternance démocratique réconciliatrice, et l’opposition républicaine togolaise, née en 2010, n’est nullement responsable du retard démocratique.

En 2010, il y a eu véritable rupture dans le leadership de l’opposition –un nécessaire parricide politique, tellement édifiant que Gilchrist Olympio est aujourd’hui abonné au pouvoir présidentiel togolais resté fondamentalement liberticide et antidémocratique depuis cinquante ans. Dans un tel univers, on ne peut se tromper de cible : le vilain et le malin génie sont restés confondus et ils logent au cœur du pouvoir présidentiel togolais en régnant par la terreur sur des populations silencieusement décidées. Alors, il ne peut y avoir d’analyse juste et désintéressée si toutes ces nuances ne sont sériées et apportées à la solidité des raisonnements.

Certes, il n’y a pas de démocratie sans élection. Or, les élections au Togo sont des simulacres autant que les vingt-cinq dialogues et accords signés avec un pouvoir présidentiel continu, de père en fils, qui n’est pas prêt à s’ouvrir au respect de la volonté populaire. Pour autant, nul ne peut se permettre au Togo de boycotter encore une seule élection en faisant usage du faux dans des principes qui ne collent pas à la réalité politique togolaise de l’heure, et laisser ainsi le champ libre à d’autres impostures : il y a aura toujours des candidatures pièges locaux, des constitutionnalistes lièges importés, des observateurs sonnants trébuchants pour servir la contrevérité des urnes et desservir le peuple togolais. Et après seulement, les démocrates n’auront que leurs yeux pour pleurer Constitution et Réformes engagées sans eux.

Non seulement qu’il ne faut plus boycotter des élections au Togo, pire, à tout autre dialogue il faut se présenter avec autant de rigueur et de flexibilité qu’exige le devoir impératif du passage de tout pays à une démocratie non frelatée. Il arrive effectivement que le mauvais infini ne triomphe pas toujours, en politique comme dans la vraie vie, même dans un État Patapa comme le Togo; la « révolution de velours » autant que la fuite inattendue de Blaise Compaoré nous instruisent encore et encore. Même pas ébranlés par ces terroristes de Ouagadougou, si ce n’est le dégoût, aussi la compassion avec les victimes!

Ainsi, tous ces mouvements de pensée qui sans cesse tournent et se retournent, tous ces essais besogneux qui rêvent le Togo autrement qu’il ne soit de vérité dans la désignation du mal togolais qui toujours oscillent entre « la violence d'État et la corruption de l'opinion publique » nationale et internationale, toutes ces tentatives d’ébranlement qui ne possèdent aucune volonté de construction collective d’un autre lendemain politique, tout cela nous renseigne et nous enseigne une seule chose : la solidarité des démocrates autour des courageux porteurs de l’action politique authentique sur le terrain, les refusards de la compromission récurrente, celles et ceux qui sont inébranlables à mener le difficile combat fidèle à notre conviction de dire non à la servitude antidémocratique qui persiste au Togo et dans une certaine diaspora en mal de réussite pastiche et de parodie postiche. Cette lutte pour la démocratie et la réconciliation de tous les citoyens du Togo n’est pas finie tant que ce n’est pas fini.


togo_mauvais_infini.pdf Togo Mauvais Infini.pdf  (400.38 Ko)

Diplomatie Publique


Rédigé par psa le 20/01/2016 à 01:00



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