Profil
Pierre S. Adjété
Pierre S. Adjété
Né à Lomé, PSA a fait ses études au Togo, au Gabon et au Canada. Économiste, administrateur et essayiste, PSA est un partisan assumé du «Grand Pardon» et un adepte de l’Éthique dans l’espace public; il est un acteur engagé dans des initiatives citoyennes et républicaines.




La présidence d’Amadou Toumani Touré (ATT), son règne à la tête du Mali posait problème. La controverse ne fait que commencer et prouve la fragilité des États africains en phase avec la démocratie. Au pays des gens d’honneur, le Mali, la mutinerie s’est transformée en coup de force entre inconsistance, incompétence, incertitude, indignation et instabilité.


Entre Incompétence et Incertitude… Le Mali
Selon les termes des mutins « le régime incompétent » d’ATT aurait vécu. À la tête des putschistes, le capitaine Amadou Sanogo du Comité national pour le redressement de la démocratie et la restauration de l’État (CNRDRE) traduit ainsi la colère des hommes de troupe incapables de bénéficier du soutien d’État pour affronter la rébellion touareg menée au nord du Mali par le Mouvement national de libération de l'Azawad (MNLA).

En beau parleur, ATT a plutôt surfé sur le Mali durant son mandat présidentiel. La crise du nord Mali n’a donc que révélé les dessous d’un personnage indolent, souvent indécis. Certes, le président malien fait modèle sur le continent et à travers le monde, pour avoir mis fin à la dictature de Moussa Traoré, en 1991, après les mouvements populaires organisés par les étudiants.

Depuis son courage d’il y a vingt ans et son remarquable rôle dans la transition politique vers la démocratie, ATT n’a été que l’ombre de lui-même. Fondateur d’une ONG dédiée aux enfants et parcourant les chancelleries africaines et les capitales occidentales en quête d’avantages divers, ATT a attendu son heure pour se faire élire normalement en 2002, à la suite d’Alpha Oumar Konaré, engrangeant même une réélection en 2007.

Toujours est-il qu’au fil des années, ATT s’est révélé un leader politique inodore et incolore, souvent incapable de décisions salutaires par lui-même. Dr Oumar Mariko, le leader étudiant des années de changement démocratique, aujourd’hui député à l’Assemblée nationale du Mali et chef du parti Solidarité Africaine pour la Démocratie et l’Indépendance (SADI) n’a jamais cessé de suspecter cette mollesse caractéristique d’ATT, toujours prompt à « surfé sur le Mali et l’Afrique». Sur les crises africaines récentes –celles de 2002 en Côte d’Ivoire, 2005 au Togo, 2011 en Côte d’ivoire, Libye et ailleurs jusqu’à l’intérieur des frontières du Mali, il est difficile d’identifier une action clairvoyante encore moins un dire qui soit de la hauteur d’un chef d’État de ce pays phare dans la démocratie africaine. Pire, la corruption, la servilité et la médiocrité sont devenues la norme au Mali.

Aujourd’hui, la majorité des Maliens –ceux de l’intérieur surtout, n’est pas surprise par la tournure des choses. Malheureusement, il faudra retomber dans un coup de force pour rehausser le Mali. Dr Mariko est d’ailleurs le seul et audacieux homme politique à comprendre cette tournure des choses, et à l’exprimer publiquement assez tôt. Quel dommage!

Voilà encore que l’inaction en politique coûte cher, très cher au peuple. Le Mali vient juste d’en faire la fâcheuse démonstration. Effectivement, il faut des idées et des actes pour exister et acter en politique. L’incompétence politique, celle légendaire qui a longtemps anéanti et figé plusieurs pays dont le Togo à travers les insuffisances criardes de son chef d’opposition Gilchrist Olympio, cette même incompétence vient de s’extérioriser dans l’exercice indolent du pouvoir par ATT ces dix dernières années au Mali au point de faire le lit à un coup d’État. Quel dommage!

Nous avons beau condamné cette confiscation de la démocratie au Mali, on se sent un peut coupable de n’avoir pas réagi plus tôt. Moi-même, c’est seulement ce 20 mars 2012 que, dans l’article « Un Sénégal sans Égal » j’ai décidé de faire une rapide allusion à la faiblesse démocratique notoire d’ATT : « (…) les expériences maliennes et béninoises sous la gouverne respective d’ATT et de Yayi Boni ont perdu de leur superbe pour plusieurs raisons –dont le leadership endormi de l’un et la fourberie avérée de l’autre ». La démocratie n'est pas un concept, elle est une compétence de tous les instants.

Bien avant ce jour, sur ma table à tracer se retrouvaient plusieurs textes que j’aurais pu finir avant ces quarante huit heures. Un de ces textes intitulé « L’Envers d’ATT » date du 26 novembre 2011; en ses débuts, j’écrivais : « Voilà que le président Amadou Toumani Touré s’offusque. Pour une fois, peut-être pour une deuxième fois dans sa vie... ATT abandonne ainsi ses hésitations depuis la crise libyenne. Trop souvent incapable de prendre le train du changement en cours a en Libye, et mettre en œuvre des moyens suffisants pour protéger le territoire du Mali, du moins dans sa partie utile. ATT se réveille aujourd’hui fâché que des mercenaires viennent à déloger, à kidnapper et à tuer des touristes et visiteurs occidentaux dans des hôtels. » Et tout naturellement, le texte embrasse la personnalité quasi décevante d’ATT. Aujourd’hui, ATT est à terre; il ne sert peut-être plus à rien de l’accabler, juste l’analyser, décortiquer son parcours et ses actes politiques majeurs…

Seulement pour le Mali, il nous faut agir, il nous faut repenser un rapide redressement de ce cher Mali et de ses braves gens d’honneur dont notre ami Oumar Mariko au langage toujours gauchisant. Mais c’est Oumar, symbole de l’indignation citoyenne constamment courageux dans une classe politique curieusement devenue amorphe et seulement opportuniste. Le Mali doit renaitre, démocratiquement.

Mot à Maux


Rédigé par psa le 22/03/2012 à 06:44



Youssou Ndour
Youssou Ndour
Aucune plume ne peut s’ébranler sans un arrêt sur les horreurs du moment, et ils sont nombreux : un tueur en série patenté dégainant sur des cibles innocentes sans discernement aucun en France, une trentaine de morts dont de candides enfants belges de 12 ans de vie seulement sur le chemin de retour des vacances d’hiver en Suisse, des centaines de citoyens morts à Brazzaville parce que fauchés par une poudrière d’armements d’État qui n’avaient pas leur raison d’être au cœur de la population à Mpila, des milliers de résistants encore poussés à la sauterie par un féroce régime syrien fermé à toutes les sollicitations, etc. Le drame! La tragédie! L’inquiétude…

Une autre forme d’inquiétude traverse de nouveau nos entrailles en cette veille du deuxième tour des élections présidentielles; elle est du domaine des principes. Sur la courte liste des pays africains francophones qui peuvent valablement prétendre au cercle des États démocrates, le Sénégal sert encore de laboratoire. En allant contre cette valeur démocratique à travers sa candidature aux présidentielles, le président Wade a fait l’unanimité contre sa personne. Il a aussi fait la preuve que le droit et le juridisme ne sont pas au-dessus de l’éthique.

Parce que le président Abdoulaye Wade s’était pratiquement moqué de l’éthique politique dont tous les dirigeants sont redevables à leur peuple, il ne mérite que la sanction des Sénégalaises et des Sénégalais dans leur majorité et à travers les urnes. Ce n’est nullement une question d’âge, encore qu’à 86 ans l’on a mieux à faire après avoir eu la chance de diriger son pays deux mandats durant, sous une constitution ou sous une autre.

Avec un brio inqualifiable, Abdoulaye Wade se donne en mauvais exemple à l’univers politique, au moment même où l’Afrique francophone a besoin de meilleures références démocratiques; les expériences maliennes et béninoises sous la gouverne respective d’ATT et de Yayi Boni ont perdu de leur superbe pour plusieurs raisons –dont le leadership endormi de l’un et la fourberie avérée de l’autre, l’Afrique francophone ne peut se permettre la perversion de l’exemple sénégalais qui déjà démontrait les errements éhontés de la dévolution familiale du pouvoir d’un père à un fils. Insulte suprême des Wade à la démocratie; ce que ni le Sénégal, encore moins l’Afrique francophone ne peuvent plus s’offrir par ces temps politiques incertains.

À l’horizon, un soulagement toutefois : la convergence des adversaires politiques des Wade. C’est une prouesse politique assez rare que partout ou cette alliance s’était opérée, le ralliement est venu à bout du devancier du premier tour. Toute chose étant égale par ailleurs, la Côte d’ivoire en est un bel exemple, la guerre en moins.

Il n’y a plus de place aux plaisantins-démocrates qui toujours falsifient la volonté des peuples en détournant l’une des règles fondamentales de la démocratie diligente, respectueuse et apaisée : l’alternance. C’est au nom de ce devoir d’alternance, c’est au nom du nécessaire passage de témoin après deux mandats consécutifs qu’il faut aider Abdoulaye Wade à partir. C’est en cela que le Sénégal restera cette semence démocratique sans pareil sur le continent africain. Le Sénégal ne doit pas sa démocratie à Abdoulaye Wade et peut bien se passer le lui, vivement, ce dimanche 25 mars 2012. Plus aucune place ne doit être laissée aux plaisantins-démocrates qui peuplent et parcourent l’Afrique sans état d’âme éthique. D’autres défis attendent ce continent qui doit presser le pas et passer à autre chose que la tromperie constamment renouvelée des peuples africains par leurs dirigeants.

Horizon


Rédigé par psa le 20/03/2012 à 17:12



1 ... « 204 205 206 207 208 209 210 » ... 726