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Pierre S. Adjété
Pierre S. Adjété
Né à Lomé, PSA a fait ses études au Togo, au Gabon et au Canada. Économiste, administrateur et essayiste, PSA est un partisan assumé du «Grand Pardon» et un adepte de l’Éthique dans l’espace public; il est un acteur engagé dans des initiatives citoyennes et républicaines.




À Dakar et sans doute dans certaines autres contrées du Sénégal, il ne subsiste que de nombreuses affiches de campagnes déchirées du « Vieux » Abdoulaye Wade dont ce qui reste de sa photo a souvent les yeux crevés. Pourtant son âge –né vers 1926 soit 85 ans ou 86 ans c’est selon, ne faisait pas tant problème que son obstination voire son entêtement à nier la réalité de la suprématie de l’éthique sur le droit, lui qui se considère comme le chef d’État « le plus diplômés » de son temps. Sans doute que dans la besace d’Abdoulaye Wade trouverait-on des parchemins et des tours, de trop, malheureusement.


Abdoulaye Wade, l’inutile tour de trop
Finalement le « Nadem! » des populations sénégalaises en verbe Wolof –rien d’autre que le « Dégage! » des peuples indignés des temps modernes, s’est fait corps en ce dimanche 25 mars 2012 : Abdoulaye Wade s’est fait battre, largement, par Macky Sall supporté par la totalité des autres candidats dans cette course présidentielle sénégalaise qui vient de se terminer, ainsi.

Pour le nouveau président élu du Sénégal, Macky Sall, l’étendue de l’adhésion populaire à sa personne et à la soif du changement s’apparente bien à un plébiscite : « L'ampleur de cette victoire aux allures de plébiscite exprime l'immensité des attentes de la population, j'en prends toute la mesure. Ensemble, nous allons nous atteler au travail. » Et du travail, il y en au Sénégal aujourd’hui comme demain.

Depuis quelques années, le président sortant, Abdoulaye Wade, a complètement perdu la mesure et la temporalité de son pouvoir, se transformant en un maitre absolu, pouvant faire le Sénégal à sa seule guise, surtout en défaisant les carrières et les collaborateurs autres que son propre fils, Karim Wade. Depuis lors, tout était fait et conçu en fonction de ce fils –titulaire d’un énorme ministère et en attente alléguée de la nouvelle fonction de vice-président créée par le père Wade. Ce dernier demandait trois ans de plus pour parachever ses œuvres, dans un mandat de sept ans; le reste du temps devrait accommoder un successeur de vice-président. Lequel? Les Sénégal n’avaient eu aucun mal à l’imaginer…

Cette entourloupette de dévolution monarchique du pouvoir directement à un héritier de sang a plus qu’horrifié la nation sénégalaise et qui, en l’espèce, n’est pas plus différente dans sa réaction de celle d’Allemagne, du Brésil, du Canada, du Congo, des États-Unis, de la France, du Ghana, de l’Inde, de la Malaisie, du Togo, de Vietnam, de la Zambie ou d’ailleurs. Comme sanction, la mairie de Dakar avait déjà été refusée à Karim Wade le 22 mars 2009, lors des élections municipales. Le message n'avait nullement ébranlé les Wade dans leur volonté successorale. Tout sera mis en œuvre pour que lors du Sommet du G8 à Deauville, en France, le président Sarkozy présente Karim à Barack Obama lui-même, au grand étonnement habile de ce dernier par ailleurs, une fois la supercherie ressentie. C’était bien après qu’une valise de devises fortes, l’Euro et le dollar américain, de la présidence sénégalaise eurent été portées et proposées sans succès –car délicatement retournées, au représentant du Fonds monétaire international, Alex Segura, en fin de séjour au Sénégal en 2009.

Des rapports diplomatiques fiables ainsi que des déclarations publiques de diplomates et organes de presse respectables ont d’ailleurs diversement confirmé que le président Abdoulaye Wade et son fils Karim Wade étaient devenus davantage occupés à « ouvrir la voie à une succession présidentielle dynastique et à tirer les ficelles du monde machiavélique de la politique sénégalaise qu'à s'attaquer aux problèmes urgents que sont le prix élevé des denrées de première nécessité, les coupures électriques fréquentes ou la périlleuse émigration des jeunes vers l'Espagne. » C’était ainsi depuis 2002 l’année du déménagement de Karim Wade de Londres à Dakar où il est devenu conseiller personnel de son père de président, et particulièrement depuis sa nomination comme président de l’ANOCI, l’Agence Nationale pour l’Organisation de la Conférence islamique à Dakar en 2008. Une expérience de gestion qui est devenue le symbole éloquent d’opacité en gestion publique que le Sénégal ait connu jusqu’à ce jour.

Seulement, il est clair que partout où les peuples se sont librement exprimés et leurs votes respectés et non détournés par toutes sortes de subterfuges et stratagèmes, rien n’est plus familier aux générations de citoyens à travers les âges que le libre choix du constant changement et de la valorisation de l’intégrité.

C’est cette loi de continuité dans le culte du changement permanent, celui-là même qui a conduit Abdoulaye Wade au pouvoir en 2000 par son cri de ralliement d’alors, « Sopi » le changement, que l’intéressé a voulu défier, par une candidature inutile et dégradante de sa propre personne et de son itinéraire politique vieux de plus de soixante ans. Il est indéniable que l’œuvre et la personnalité d’Abdoulaye Wade se sont assombries au soir de sa vie politique, devenue intempestive et impertinente, en plus de se muer en menace pour la démocratie sénégalaise, surtout le modèle que ce pays constituait pour toute l’Afrique.

De paroles données et non respectées en propos désinvoltes et irrespectueux des adversaires –lesquels dires considéraient Macky Sall comme son « apprenti » et lui le « maitre », l’avocat Abdoulaye Wade quitte la scène politique en président déchu et déshonoré par son seul désir, malicieux et maladroit, de se succéder à lui-même. Son score d'à peine 35% en dit long...

La démocratie a des exigences que seule la politique, encore moins les règles de droit ne peuvent satisfaire. Le tour de trop qu’Abdoulaye Wade a voulu grugé sur les marges de l’éthique publique -qui demeurent les cadres les plus durables de l’action publique, confirme cette règle immuable. Impardonnable erreur!

C’est bien une amère conclusion qu’il en soit ainsi que ce vieux baobab de la politique sénégalaise et africaine finisse ainsi par rendre la chose, plutôt difficile, pour sa progéniture de sang, Karim Wade qu’il voulait coûte que coûte imposer aux Sénégalais –quel que soit ce que la famille Wade serait tentée de déclamer aujourd’hui pour se dédouaner. Ce serait tout autant difficile pour son parti, le Parti démocratique sénégalais (PDS), fondé il y a une quarantaine d’années, depuis 1974 alors que Karim avait six ans, un parti détourné pour le service de l’enfant prodige et au détriment de toutes les autres ambitions dont celles de tous les anciens premiers ministres d’Abdoulaye Wade; Macky Sall y compris.

La résistance démocratique farouche du peuple sénégalais restitue la fierté africaine assez malmenée par temps d’élections. C’est un pas salutaire. La dizaine de vies humaines sacrifiées depuis le forcing démocratique d’Abdoulaye Wade ne le sont donc pas pour rien. Une consolidation démocratique unique est née de tant de morts et de déshonneur politiques.


Silence


Rédigé par psa le 27/03/2012 à 06:53



Devoir d’Afrique : Démocratie
Aussi loin que proche de mon Afrique natale, le Canada. Hier, samedi, tout le pays était suspendu à la curiosité de l’élection du nouveau chef de l’opposition officielle à Ottawa. Le dénouement fut tardif, au quatrième tour, relativement tard, la tendance de la victoire du meneur sur les autres était pourtant forte. Mon député, celui sur qui mon choix s’est porté à Outremont aux deux dernières élections fédérales est désormais le chef du Nouveau parti démocratique (NPD). Thomas Mulcair, Maitre Tom Mulcair est désormais l’adversaire redoutable de Stephen Harper, premier ministre du Canada et déjà en fuite au Japon ou quelque part en Asie, dans une visite simulée, pour vivre de loin cette élection qui va lui fournir un vis-à-vis de poids au Parlement à Ottawa.

Puis ce fut le discours d’acceptation de Tom Mulcair. Un discours minable. Pas de remerciements à la chef intérimaire, pas de punch à quelques jours du budget fédéral canadien, un discours très ordinaire alors que la fenêtre d’opportunité sur tous les foyers canadiens, d’une rive à l’autre, lui était grandement ouverte pour semer déjà sa différence face à l’idéologie droitière qui sévit au Canada du gouvernement Harper. Seulement, Tom Mulcair a le temps de se remettre d’une si longue campagne électorale interne qui l’a mené à la tête de son parti, le NPD. Dans son rôle de chef de l’opposition officielle, il a tout le temps de se remettre et de réellement devenir le « pire cauchemar de Stephen Harper » comme il le disait lui-même. Dans une démocratie avancée, l’on peut avoir le temps, prendre du temps… Pas au Mali, pas au Sénégal, pas en Côte d’Ivoire, pas au Bénin, pas au Burkina, pas au Togo, pas en Guinée, pas en Afrique où de partout sur ce continent la démocratie devient pressante, à juste titre.

Pour le Sénégal, on s’entend presque : Abdoulaye Wade doit dégager démocratiquement. C’est notre clair souhait qui devrait se réaliser dans les heures prochaines de ce dimanche 25 mars 2012. Au Mali, la controverse va devoir nous occuper pour longtemps. À un mois des élections présidentielles, les militaires maliens ont cru devoir mettre fin à l’incompétence notoire du président Amadou Toumani Touré (ATT) qui mettait l’État et particulièrement l’armée en danger. Quand l’incompétence politique atteint un tel point, qui plus chez un ancien militaire comme ATT, le silence devrait-il être la règle au prétexte que le pouvoir devrait changer de main bientôt?

Manifestement, la réponse serait positive de partout : silence, pour que vive la démocratie, même la démocratie la plus boiteuse. C’est bien ce qui ressort de l’analyse des forces en présence. Le Mouvement populaire du 22 mars (MP22) dirigé par le parti Solidarité Africaine pour la Démocratie et l’Indépendance (SADI) qui appui les militaires rebelles en disant : OUI pour la démocratie, mais une démocratie rectifiée, redressée une fois que le coup d’arrêt est opéré; pour le MP22, la démocratie malienne doit vivre sans ATT, maintenant que les militaires s’y sont invités. De l’autre côté, les puristes du Front uni pour la restauration de la démocratie, un front de députés, de 38 partis et associations diverses qui adhèrent à un silence démocratique sans interférence; un silence aveugle qui veut ignorer l’intrusion des militaires en dénonçant le coup d'État et demande un retour à l'ordre constitutionnel avec ATT.

Ainsi donc, les uns et les autres sont des démocrates face au devoir de la démocratie africaine à l’échelle de leur pays, le Mali. Il est tout à fait difficile de soupçonner qui que ce soit de manquer de vigilance politique, sauf que le Mali doit avancer, l’incompétence et l’inaction en moins. Le devoir démocratique exige alors un devoir de dialogue pour établir un calendrier d’avancement et de retrait des militaires rebelles.

Les militaires ont beau se soumettre à l’autorité du pouvoir civil en démocratie, rien ne leur fait obligation de subir le déshonneur tel qu’ils en ont connu en janvier dernier dans l’assassinat des leurs par les rebelles touareg et l’inaction étonnante, voire le dénie du pouvoir démocratique d’ATT. Nous sommes véritablement au cœur d’une particulière péripétie démocratique dans laquelle l’exercice douteux de la responsabilité suprême d’un État. Ce qui est en jeu au Mali est loin de la confiscation de pouvoir; il est question d’une réaction malencontreuse contre un amorphe président que jamais le Mali n’a connu, au point de mettre en danger tous les acquis de ce pays. Un défi analytique à tous les démocrates africains, où qu’ils se trouvent.


Horizon


Rédigé par Pierre S. Adjété le 25/03/2012 à 09:09
Tags : Afrique Démocratie Mali Notez



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