Profil
Pierre S. Adjété
Pierre S. Adjété
Né à Lomé, PSA a fait ses études au Togo, au Gabon et au Canada. Économiste, administrateur et essayiste, PSA est un partisan assumé du «Grand Pardon» et un adepte de l’Éthique dans l’espace public; il est un acteur engagé dans des initiatives citoyennes et républicaines.




Yao Paul Assogba, sociologue
Professeur émérite de l’Université du Québec en Outaouais (UQO), Canada

Réplique à Monsieur Guy Anyinéfa


On ne fait pas l’histoire par le sophisme
Réagissant à l’annonce du projet du Symposium Sylvanus Olympio, Monsieur Guy Anyinéfa, fait de la rhétorique pour écrire « Aucun courant de politique ne peut se passer d’idéologie. L’héritage de Sylvanus Olympio est plus praxis qu’idéologie, et c’est cela sa faiblesse ». Comme Togolais et sociologue engagé, je ne peux que répliquer à cette rhétorique sophiste autour de la pensée du père de l’indépendance de notre pays, le Togo.

« Chaque fois que reviennent les jours gris, que le devenir prend une couleur monotone et que la politique piétine d’impuissance, on se prend à rêver de quelque sursaut qui remette l’histoire en marche » (Fernand Dumont, Raisons communes, Montréal, Les Éditions du Boréal, 1995, p.11). C’est par cette citation d’un éminent sociologue canadien que j’ai félicité Pierre Adjété pour l’initiative qu’il a prise avec d’autres intellectuels de la diaspora togolaise d’organiser le Symposium Sylvanus Olympio.

Par définition, un symposium est un congrès, un colloque ou un séminaire scientifique qui réunit un certains nombreux de spécialistes pour traiter d’un sujet particulier. En l’occurrence le Symposium Sylvanus Olympio veut réunir un nombre restreint de personnes (des Togolais, des Africains et autres penseurs internationaux) bien informées, averties ou prêtes à faire une recension des discours de Sylvanus Olympio ainsi que des études portant sur ses discours et programmes politiques.

Dans quel but ? Pour dégager sa pensée ou idéologie politique, car à l’instar des pères des indépendances africaines, Sylvanus Olympio avait un idéal sociétal (démocratie et développement) pour la nation togolaise, en construction durant la décennie 1950-1960 (lire : Recueil des allocutions importantes du Président Olympio, Lomé, Édition le Service de l’Information, Togo, 1961) ; Têtêvi Godwin Tété-Adjalogo, Histoire du Togo. La palpitante quête de l’Ablodé, 1940-1960, Paris, MN7 Éditions, 2000).

Une fois revisité et cerné, on verra sans doute que c’est pour cet idéal que le peuple togolais lutte depuis les mouvements de la décolonisation et des indépendances africaines.


Là où il y a praxis, il y a idéologie

En lisant et relisant le texte de monsieur Guy Anyinéfa, je suis arrivé à la conclusion qu’il ne pourrait pas faire partie du groupe du Symposium Sylvanus Olympio, tout simplement parce que son petit texte sur l’idéologie politique de Sylvanus Olympio est un sophisme. Pour les raisons sociologiques suivantes.

1. La notion d’idéologie renvoie à un mode de connaissances et à des fonctions pratico sociales qui permettent aux acteurs sociaux d’interpréter la société et d’orienter leur action.

2. En cela, et contrairement au raisonnement de monsieur Guy Anyinéfa, la praxis est la totalité de l’idéologie. En effet, chez Karl Marx, la praxis est « l’ensemble des activités matérielles et intellectuelles des hommes qui contribue à la transformation de la réalité sociale ». Il est donc faux de dire que « L’héritage de Sylvanus Olympio est plus praxis qu’idéologie ». Là où il y a praxis, il y a idéologie.

3. Le but du Symposium Sylvanus Olympio est de dégager l’idéologie du premier président du Togo, la réhabiliter et la réapproprier, et la mettre en pratique pour transformer la dictature en démocratie, le sous-développement en développement durable du Togo. À bien y voir, Olympio a été assassiné pour son idéologie politique, car la FrançAfrique ne voulait pas qu’il la mette en pratique, tellement qu’elle était puissante pour la construction de la nation togolaise par les Togolais pour les Togolais, et pour leur prospérité.

4. Les voies vers le panafricanisme sont multiples. Et le panafricanisme de Kwame Nkrumah ne saurait être le seul paradigme (Africa Must Unite, New York, International, 1970) à partir duquel on pourrait juger le choix des autres hommes politiques africains d’hier et d’aujourd’hui. Il y a le panafricanisme du Dr W.E. B. Du Bois, du Dr E. W. Blyden, Marcus Aurelius Garvey, de George Padmore, même de Félix Houphouët-Boigny, de Cheik Anta Diop, etc.

Mais toutes choses égales par ailleurs, c’est à partir des nations que l’entité « États Unis d’Afrique » se construira comme l’est d’ailleurs l’Union Africaine aujourd’hui. C’est donc réducteur de qualifier de « micro-nationalisme » le choix d’Olympio de bâtir d’abord la nation togolaise (son économie surtout) et ensuite s’engager dans un processus de « panafricanisation ».

On ne fait pas l’histoire par des imprécations. Il faut se jeter dans le courant et nager. C’est ce que fait, sous le leadership praxis (dans le sens sociologique du mot) de Pierre Adjété, un groupe de Togolais en organisant le Symposium Sylvanus Olympio. Je suppose que ces patriotes et compatriotes ont pris conscience, dans l’état actuel de la lutte du peuple togolais pour la démocratie et le développement durable, qu’il faut un sursaut dans la sphère des idées au Togo (ce sont elles qui gouvernent le monde) ; ce qui permettrait de remettre l’histoire en marche.

Si monsieur Guy Anyinéfa, réussissait à faire une rupture épistémologique avec la rhétorique sophiste pour entreprendre une démarche de recherche en science politique afin de cerner, ne serait-ce qu’un aspect, de l’idéologie politique de Sylvanus Olympio, il pourrait être choisi pour faire partie du groupe restreint de spécialistes qui vont se pencher sur la praxis d’Olympio lors du rendez-vous qui porte honorablement son nom de Symposium Sylvanus Olympio.

●7 novembre 2018●


Mot à Maux


Rédigé par Yao Paul Assogba le 07/11/2018 à 01:01



Hors de toute controverse, il est logique et légitime pour chaque Togolaise et chaque Togolais de revendiquer la reprise et l’enrichissement de la gestion publique intègre et éthique dont Sylvanus Olympio fut porteur, avant sa disparition brutale en janvier 1963. Cinquante-six ans plus tard, après les carences notoires de part et d’autre, après que tout le monde a eu l’intention de faire du bien sans jamais y parvenir, il est largement temps que le modèle Sylvanus Olympio soit revisité et réexploré pour être mis au service du Togo de demain.


Chateau Viale
Chateau Viale
En somme, il faut s’approprier le modèle Sylvanus Olympio pour trois impératifs catégoriques : pour la Démocratie, pour la Réconciliation et pour le Développement. C’est le but premier et ultime du Symposium Sylvanus Olympio. Le modèle Sylvanus Olympio est une expérience togolaise inachevée, un prototype de rigueur administrative et une référence de flexibilité socioéconomique à revivifier, et autour desquels tous les Togolais, du nord au sud, peuvent raisonnablement se retrouver et se reconnaître.

Pendant plus de soixante ans, de 1958 à aujourd’hui, deux générations de Togolaises et de Togolais ont diversement lâché du lest pour conserver l’essentiel : leur Dignité. Certes, la léthargie démocratique tient aussi à la prévalence d’une répression sans limites des populations togolaises. Mais il est un fait qu’une tempérance de caractère forge la nature des citoyens togolais, presque à leur insu. Toujours et toujours, chez Les Misérables, « Une évasion, c'est une guérison. »

Soixante ans plus tard, le temps est bienvenu pour que s’active la conscience que la Dignité humaine est un ferment d’espoir ainsi qu’une devise nationale, Travail-Liberté-Patrie, à mettre en exergue. La conscience en éveil au Togo et à travers sa diaspora tient de cette réalité. Aussi longtemps que, pleinement, les Togolais n’auront pas vécu le modèle Sylvanus Olympio, la seule option démocratiquement choisie sur l’ensemble du territoire national, ces hommes et ces femmes en demanderont. L’expérience Gilchrist Olympio s’étant avérée utopique, le recours au choix original consensuel reste d’autant vivant et incontournable aujourd’hui.

Le Symposium Sylvanus Olympio prend ainsi tous ses objectifs et son sens. Sortir Sylvanus Olympio de la subjectivité, du réquisitoire et de l’idéologie pour l’introduire dans le réel de l’objectivité et de la scientificité. Rassembler des générations de témoins et d’acteurs curieux, tous éparpillés, pour les faire converger vers un point d’appui ainsi qu’un même levier permettant de soulever l’avenir du Togo.


Symposium Sylvanus Olympio
Que Demain soit Changement

Le Togo à venir se doit d’être meilleur au Togo des générations sacrifiées. Au front, en première ligne du combat du retour à la République, la Coalition des quatorze partis de l’opposition togolaise, la C14, est prise au piège des urgences et du harcèlement quotidien du terrain ; lesquels sont propres et nécessaires à toute lutte qui n’en finit pas de finir ? Il appartient donc à la deuxième ligne, à toute ligne intermédiaire, de prendre toutes les initiatives qui aideront à soulager le présent et à alimenter l’avenir, sa vision, ses possibilités, ses opportunités oubliées, ses perspectives.

C’est bien connu et nul ne s’en déroge : #FaureDoitPartir #FaureMustGo. Faure aura beau partir, l’après-Faure ne pourra relever du hasard et de l’improvisation. En lieu et place de l’effroyable imposture actuelle, le Togo ne saura se nourrir des théories politiques inadaptées ; pas plus du bolivarisme que du marxisme, en passant par le communisme, le franquisme, le schumpetérisme, le maccartisme, le léninisme, le darwinisme, le trotskisme, le trumpétisme, encore moins l’eyademaïsme ou le gnassingbéïsme, le système agonisant sous nos yeux.

Le Togo de demain se doit d’épouser une pratique autonome et ouverte, ambitieuse et modulable, audacieuse et autonome comme le pays lui-même avait su en produire. Affranchie du mimétisme ou de la reproduction du « quitte-là, c’est à mon tour de manger », le Togo de demain doit sortir des chapelles d’antagonismes inutiles pour rayonner par la vigueur de ses capacités. C’est en cela que le Symposium Sylvanus Olympio s’est donné des objectifs précis et des résultats audibles qui, réellement, vont dépoussiérer la portée du seul modèle légitime togolais interrompu dans son application.

Aussi, les cinq objectifs du Symposium Sylvanus Olympio affichent-ils leur cohérence : Lever l’hypothèque et le silence sur l’héritage Sylvanus Olympio en vue de la Démocratie, la Réconciliation et le Développement du Togo; Asseoir l’autorité et l’ouverture de la gestion et du modèle Sylvanus Olympio chez les citoyens du Togo; Valoriser l’Éthique, la Transparence et l’Intégrité dans la gestion publique au Togo, comme gouvernance alternative; Enrichir les Générations nouvelles de la vision Sylvanus Olympio, et les outiller pour l’avenir du Togo; Réussir une percée dans les esprits, sur la personnalité et l’œuvre de Sylvanus Olympio.

Tout « comme le haut des montagnes sent les tremblements de terre », chaque Togolais ressent le désir de guérison d’un traumatisme très précis enfoui en lui. Heureusement, un idéal permanent d’apaisement réside toujours en chaque citoyen du Togo. Le mérite des uns et des autres c’est de toujours travailler à ce rêve, à cet idéal, vaille que vaille, contre vents et marée, entre héritage et avenir. Nous avons rendez-vous au Symposium Sylvanus Olympio.

●2 novembre 2018●


Ad Valorem


Rédigé par PSA le 03/11/2018 à 04:04



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