Profil
Pierre S. Adjété
Pierre S. Adjété
Né à Lomé, PSA a fait ses études au Togo, au Gabon et au Canada. Économiste, administrateur et essayiste, PSA est un partisan assumé du «Grand Pardon» et un adepte de l’Éthique dans l’espace public; il est un acteur engagé dans des initiatives citoyennes et républicaines.




Depuis longtemps, la France joue au bras de fer. Sa République contre sa société. Ses idéaux face à son quotidien. Deux forces opposées, en équilibre précaire, comme ces poignées de mains tenues en équerre par des biceps gonflés à bloc. La République, née de la révolution contre les privilèges, s'est dotée d'un triptyque impossible pour tordre le bras à la nature même des hommes : liberté, égalité, fraternité pour en finir avec la division, le rapport de force, l'assujettissement de l'autre. C'était sans compter l'homme derrière le citoyen. Cet insoumis refuse tous les diktats, et surtout ceux qui ambitionnent d'imposer de bons sentiments. Jamais, ni sous la terreur du Comité de salut public de ses débuts sanglants, ni après la tentative de Mai 68, la République ne parvint à l'égalité, la liberté et la fraternité.


Harry Roselmack
Harry Roselmack
Il y a pourtant une chose que la République a su créer : un sentiment d'appartenance et d'attachement national chez des gens de classes sociales différentes, de cultures différentes, de couleurs différentes. Je me vois peu, mais je ne me vois pas Noir. En tout cas, je ne me qualifie pas comme tel, en général. Je suis d'abord un homme, un fils, un frère, un mari et un père, un citoyen, un journaliste, un passionné et oui, oui, c'est vrai, je suis noir. La République, son slogan et ses lois parviennent, la plupart du temps, à me le faire oublier.


"ME VOILÀ RAMENÉ À MA CONDITION DE NÈGRE"
Et voilà qu'une minorité grandissante qui se présente comme gardienne ou salvatrice de cette République française vient briser cette prouesse cocardière. Me voilà ramené à ma condition nègre. Me voilà attablé avec d'autres Noirs parce qu'ils sont noirs. Et me voilà en train de m'offusquer d'une idiotie qui ne m'atteignait guère : le racisme. Parce que l'expression de ce racisme, dans la bouche d'une candidate Front national aux municipales (exclue depuis), était primaire, parce qu'elle recourait à une iconographie profondément choquante qui niait au nègre le statut d'être humain, elle m'a amené à m'interroger, en tant que Noir d'abord, en tant que citoyen, fils, père et mari ensuite.

La France sursaute en se découvrant communautarisée, mais ce que je décris témoigne du fait que le communautarisme en France n'est ni naturel ni spontané. C'est une réaction née d'une duperie : le hiatus congénital entre la promesse républicaine et la réalité de la société française.
En vérité, le « dérapage » d'Anne-Sophie Leclere n'est pas pour me déplaire. Parce qu'il n'est pas qu'un dérapage, il est l'expression, peu reluisante, d'une vision du monde partagée au sein du Front national. S'il est faux de dire que tous les électeurs et militants du FN sont racistes, il était tout aussi faux de dire qu'il n'y a pas de racisme dans ce parti. La xénophobie, le racisme en constituent même le ciment essentiel. Et il n'est pas inutile que son vernis républicain, grossier maquillage dont Marine Le Pen le badigeonne consciencieusement, s'écaille de temps en temps.


"Y'A BON BANANIA"
Ce qui me chagrine, c'est le fond de racisme qui résiste au temps et aux mots d'ordre, pas seulement au sein du FN, mais au plus profond de la société française. C'est un héritage des temps anciens, une justification pour une domination suprême et criminelle : l'esclavage et la colonisation.
Mais ce racisme a laissé des traces et, si on était capable de lire l'inconscient des Français, on y découvrirait bien souvent un Noir naïf, s'exprimant dans un français approximatif, et dépourvu d'Histoire ou, tout du moins, d'œuvre civilisatrice. Une vision que certains cultivent aujourd'hui encore, à leur corps défendant parfois. Combien de fois ai-je dû expliquer à un restaurateur ou même à un camarade que les vieilles affiches « Y'a bon Banania » qu'ils accrochent à leurs murs ne peuvent pas être regardées qu'avec amusement ou nostalgie. Comme certains albums de bande dessinée qui ont égayé notre enfance, elles laissent des empreintes d'un autre temps dans nos imaginaires.

Tant que l'on laissera ces peaux de Banania traîner dans nos cerveaux, des glissades et dérapages vers l'injure raciste sont à craindre. Surtout par les temps qui courent, avec cette crise qui alimente la xénophobie de son bien étrange carburant : la jalousie envers plus mal loti que soi.

Harry Roselmack
Journaliste


Mot à Maux


Rédigé par psa le 05/11/2013 à 16:16



Les petits génies de la NSA s’amusaient à espionner tout le monde, allaient de défis en défis, déjouant toutes les protections. Le scandale de l’espionnage s’étend et accule Barack Obama. Le président pourrait ne pas avoir été au courant de certaines pratiques de l’Agence nationale de sécurité. Ce qui laisserait craindre l’émergence de la NSA comme un État dans l’État. Face à la dérive, certaines voix à Washington exhortent le président Obama à recadrer une NSA hors de contrôle.


Un total de 35 dirigeants de la planète, dont la chancelière allemande Angela Merkel, auraient été écoutés par l’Agence nationale de sécurité américaine, a affirmé le quotidien britannique «The Guardian».
Un total de 35 dirigeants de la planète, dont la chancelière allemande Angela Merkel, auraient été écoutés par l’Agence nationale de sécurité américaine, a affirmé le quotidien britannique «The Guardian».
À Washington, on mesure enfin l’ampleur de la crise provoquée par l’espionnage pratiqué à une échelle sans précédent par l’Agence nationale de sécurité américaine (NSA). La première puissance mondiale est tout à coup contrainte de se répandre en excuses pour avoir effectué des écoutes téléphoniques de 35 leaders mondiaux, dont Angela Merkel. Mercredi, Barack Obama a dû se livrer à un exercice pour le moins embarrassant au téléphone avec la chancelière allemande dont le téléphone aurait été mis sous surveillance de la NSA. Même si la Maison-Blanche a essayé de minimiser la brouille en parlant d’un «échange franc et cordial d’opinions», le président américain a tenté de réparer une rupture de confiance avec l’un des dirigeants européens dont il est le plus proche.
Le feu du scandale, qui égrène chaque semaine de nouvelles révélations à travers les documents mis au jour par le lanceur d’alerte Edward Snowden, se propage comme un feu de paille. À Paris, à Berlin et maintenant à Madrid, les ambassadeurs des États-Unis ont été convoqués pour s’expliquer. Jeudi et vendredi, les États membres de l’Union européenne réunis en sommet à Bruxelles ont accru la pression sur les États-Unis en les exhortant à adopter un code de bonne conduite.


En tant que locataire de la Maison-Blanche, Barack Obama est naturellement en première ligne des critiques. À la Heritage Foundation, un laboratoire d’idées conservateur de Washington, on accable le président qui a, selon elle, sapé le Soft Power et la réputation des États-Unis à l’image d’un… George W. Bush. Or, comme le souligne le New York Times, c’est la conseillère à la Sécurité nationale Susan Rice qui s’est attelée la première à éteindre l’incendie en s’expliquant auprès de son homologue allemand, Christoph Heusgen. Selon de hauts responsables allemands, elle a précisé que Barack Obama n’était pas au courant de la surveillance téléphonique d’Angela Merkel. À Washington, une telle déclaration interpelle: pourquoi le président aurait-il été privé d’informations aussi essentielles? Les révélations issues des documents saisis par Edward Snowden ne cessent d’aggraver le standing de l’Amérique qui semble sacrifier l’idéal démocratique dont elle se réclame sur l’autel de la sécurité tous azimuts.
En annulant une visite d’État à la Maison-Blanche et en dénonçant devant la tribune des Nations unies des pratiques américaines d’espionnage dont elle a été victime, la présidente du Brésil Dilma Rousseff a donné un aperçu des dégâts diplomatiques occasionnés par la surveillance de la NSA. Si Barack Obama a effectivement été tenu à l’écart de ces pratiques, cet état de fait poserait de graves questions sur l’Agence nationale de sécurité au moment où les 16 agences de renseignement américaines demandent cette année un budget de 53 milliards de dollars pour couvrir leurs besoins. La NSA apparaîtrait davantage comme un État dans l’État qui agit en fonction de sa propre logique sécuritaire que comme une agence censée servir les intérêts diplomatiques à long terme de l’Amérique. Face à la dérive, certaines voix à Washington exhortent le président Obama à recadrer une NSA hors de contrôle.


À l’heure où la puissance des États-Unis devient plus relative face à la montée de la Chine et des pays émergents, la coopération avec l’Europe devient non seulement utile, mais nécessaire. En adoptant la stratégie du pivot vers l’Asie, l’administration Obama a cependant laissé l’impression, auprès des Européens, qu’ils étaient désormais livrés à leur sort. Le scandale de l’espionnage accentue un malaise désormais profond, qui pourrait faire dérailler les difficiles négociations sur un accord transatlantique de libre-échange. Preuve toutefois que le scandale n’indispose pas que les alliés «surveillés» de l’Amérique, l’image même du lanceur d’alerte Edward Snowden est en train de changer aux États-Unis. Celui que démocrates et républicains, mais aussi journalistes, ont vite fait de taxer de «traître à la patrie», est désormais jugé à une autre aune: celle d’une démocratie que le cancer du renseignement dévore. /////////Stéphane Bussard

Silence


Rédigé par psa le 26/10/2013 à 18:18
Tags : Démocratie Europe NSA Obama Notez



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