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Pierre S. Adjété
Pierre S. Adjété
Né à Lomé, PSA a fait ses études au Togo, au Gabon et au Canada. Économiste, administrateur et essayiste, PSA est un partisan assumé du «Grand Pardon» et un adepte de l’Éthique dans l’espace public; il est un acteur engagé dans des initiatives citoyennes et républicaines.




La favorite à l’investiture démocrate en 2016 doit restaurer la confiance. A Roosevelt Island samedi, elle ose enfin prendre des risques. Contrairement à Barack Obama, Hillary Clinton n’a pas les campagnes électorales dans le sang. Mais depuis deux mois, elle tente de corriger sa réputation de candidate à la Maison-Blanche qui, en 2008, avait donné l’impression d’être déconnectée de l’électorat. Samedi, à Roosevelt Island, une petite île sur l’East River à New York, l’ex-secrétaire d’État a changé son fil narratif pour se forger une image plus personnelle, elle qui admet ne pas être «la plus jeune parmi les candidats» à la présidentielle, mais qui sera «la plus jeune femme présidente de l’histoire des États-Unis».


Hillary Clinton sous le regard de Bill, de leur fille Chelsea et de son mari Marc Mezvinsky
Hillary Clinton sous le regard de Bill, de leur fille Chelsea et de son mari Marc Mezvinsky
Le discours de Roosevelt Island, un lieu symbolique dédié à l’architecte du New Deal et situé en face du siège des Nations unies, est venu à un moment crucial. En publiant ses mémoires intitulés Hard Choices en 2014, Hillary Clinton relatait sa vie de cheffe de la diplomatie américaine. Mais son récit, insipide, est apparu comme une série de calculs politiques et moins comme l’expression d’une vision politique sincère. L’ouvrage a été mal reçu par la critique.

Plus tard, sa gestion de la crise liée à ses courriels quand elle était patronne du Département d’État a laissé une impression de déjà-vu. C’était, disait-on, un nouvel exemple prouvant que les lois auxquelles est soumis le commun des mortels ne s’appliquent pas aux Clinton. Durant son mandat de secrétaire d’État, Hillary Clinton n’avait utilisé qu’un serveur privé et avait décidé seule, avec ses conseillers, des e-mails qu’elle devait remettre à l’administration à des fins notamment d’archivage.
Ces dernières semaines, les révélations troublantes sur la Fondation Clinton et les dons qu’elle a reçus de gouvernements étrangers, dont l’Arabie saoudite alors qu’Hillary Clinton officiait encore en qualité de cheffe de la diplomatie, ont soulevé des questions sur de possibles conflits d’intérêts. Ces «affaires» ont eu un impact sur la perception qu’ont les Américains de la démocrate. Une majorité (57%) estime qu’elle n’est pas «honnête et digne de confiance».

A quelques mètres de la tribune où la candidate a tenu son discours, Khaki, la cinquantaine est une démocrate depuis toujours. Elle va voter Hillary en novembre 2016, mais elle a des réserves: «J’attends qu’elle gagne mon cœur. Car il y a un vrai problème d’éthique et d’authenticité, même si je ne doute pas un instant qu’elle a toutes les compétences pour être présidente des États-Unis.» Khaki est à l’image de nombreuses militantes venues à Roosevelt Island. Alors que les femmes restent sous-représentées en politique, dans les conseils d’administration ou aux postes de dirigeants et qu’elles sont toujours moins payées que les hommes pour les mêmes fonctions, la perspective d’avoir pour la première fois une femme à la tête des États-Unis n’est pas anodine.

Devant une foule enthousiaste sur une bande de terre étroite de Roosevelt Island, après une première tournée électorale où elle a rencontré «Middle America», Hillary Clinton a pris plus de risques. Elle a parlé de Dorothy, décédée en 2011, rappelant à quel point sa mère s’était battue pour réussir alors que ses parents l’avaient abandonnée. Elle a confirmé le virage à gauche qu’elle a opéré depuis deux mois. Est-ce par conviction ou par nécessité stratégique pour couper l’herbe sous les pieds des autres candidats démocrates, plus à gauche, qui ne semblent pourtant pas en mesure de menacer cette candidate «inévitable»?

Les propositions faites samedi n’en restent pas moins audacieuses. Elles pourraient faire mouche auprès de l’aile gauche du parti qui a le vent en poupe sous l’impulsion de la sénatrice Elizabeth Warren. Dimanche, la une du New York Post était explicite: «Rodham Hood.» Une allusion à Robin des Bois et au deuxième nom de famille d’Hillary. La candidate a violemment attaqué Wall Street. Une stratégie à double tranchant, sachant que la candidate est proche des donateurs de Wall Street. «Les 25 principaux patrons de hedge funds gagnent plus que la totalité des enseignants de l’école enfantine aux États-Unis.» Elle a aussi plaidé pour l’école maternelle universelle, le congé parental et maladie, un programme qui sonne très européen. Elle juge nécessaire de régulariser les sans-papiers. Depuis deux semaines, elle martèle la nécessité de rendre l’inscription aux élections automatiques dès 18 ans. Une manière de contrer les multiples efforts républicains visant à restreindre le droit de vote des minorités. Elle a en revanche soigneusement évité de parler du controversé Partenariat transpacifique qui déchire les démocrates.

L’ex-sénatrice de New York devra jouer subtilement pour assurer la classe moyenne qu’elle est bien dans son camp. Mais l’exercice ne sera pas simple. En mai, la presse américaine a révélé qu’Hillary et l’ex-président Bill Clinton ont gagné ensemble 25 millions de dollars au cours des seize derniers mois par le seul fait de tenir des discours. A Roosevelt Island, elle a juré qu’elle ferait tout pour défaire la décision de la Cour suprême, «Citizens United», qui a permis aux milliardaires de déverser leur fortune dans les campagnes électorales. Au cours du week-end, elle est déjà partie pour l’Iowa, un État où elle avait subi, en 2008, une défaite mortifiante face à un certain Barack Obama. //////STEPHANE BUSSARD


Diplomatie Publique


Rédigé par PSA le 15/06/2015 à 07:30
Tags : Clinton Obama États-Unis Notez