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Pierre S. Adjété
Pierre S. Adjété
Né à Lomé, PSA a fait ses études au Togo, au Gabon et au Canada. Économiste, administrateur et essayiste, PSA est un partisan assumé du «Grand Pardon» et un adepte de l’Éthique dans l’espace public; il est un acteur engagé dans des initiatives citoyennes et républicaines.




Publié le 2 juin 2011, ce « Cher Nicolas » de Dominique de Villepin interpelle le Chef de l’État français. Cette Lettre ouverte veut démasquer la réalité de la gêne, voire de l’insuffisance chronique du personnage Sarkozy à remplir entièrement l’habit du président de la République française, même à quelques 300 jours des prochaines élections présidentielles de 2012. Cher Nicolas, Dominique est toujours inquiet et pas encore "indigné"; voici ce qu’il dit, ouvertement…


Cher Nicolas,
Cher Nicolas,

Je suis inquiet. C’est la raison pour laquelle je vous écris. Ces derniers mois, vous m’avez demandé plusieurs fois de venir vous voir pour connaître mon opinion. C’est toujours un peu compliqué, avec toutes ces caméras et tous ces micros, avec les arrière-pensées des commentateurs. Dans l’urgence où se trouve la France, je préfère écrire directement. L’état de stupeur et de sidération dans lequel s’enfonce la France m’inquiète et je ne vous entends pas. La France a besoin aujourd’hui d’une parole présidentielle, d’une parole qui dépasse les enjeux partisans, qui nous extirpe du fait divers pour parler à la nation tout entière.

Mais que dire ? Faites simple. Allez à l’essentiel. Touchez les cœurs et réveillez les esprits. Il s’agit de rassurer, d’expliquer, de fixer un cap. Dire que l’avalanche des suspicions et des faits divers est un brouillard dans lequel nous perdons de vue la politique elle-même. Dire que la politique vaut mieux que tout cela, que la France vaut mieux que tout cela. Dire que l’émotion n’a jamais fait une bonne politique et qu’il reste toujours une place pour la raison. Que l’heure est au rassemblement, dans la hauteur et la dignité, de tous ceux qui ont une haute idée, de la France, de la République et du service de l’État.

Quand j’ai vu les jeunes « indignés » sur la place de la Bastille, je me suis mis à imaginer un président qui irait les voir. Je me suis pris à imaginer un président qui irait à la rencontre de la foule, qui monte sur le socle de la colonne de Juillet pour discuter. J’ai des souvenirs de Chirac qui sont de cet ordre là, Chirac dans nos campagnes comme à Ramallah ou à Oran, par exemple. Des souvenirs aussi de Mitterrand se rendant dans une modeste mairie. C’est aussi De Gaulle et son extraordinaire capacité à prendre les foules au sérieux, de discours en discours.

Car voilà le vrai défi pour un président, comment faire tomber les décors de carton-pâte qu’on dresse et qu’on dressera toujours sur son chemin ? Parce que c’est l’esprit même de la cour de masquer les réalités. Comment bousculer les habitudes pour renouer le fil perdu avec le pays ? En 2007, vous avez su faire lever un espoir pour beaucoup de Français. Il est temps de retourner dans le pays pour mesurer les attentes et affronter courageusement les déceptions. C’est cela l’honneur de la République. Je mesure ce que cela exige d’efforts, de courage et de volonté.

Le défi aujourd’hui est plus grand encore. Nous avons à enrayer l’affaissement de notre pays, cette humiliation répétée sur la scène internationale, cette propension à la haine de soi qui nous mène aux fausses repentances et à une sorte de jouissance suicidaire. Il n’y a pas de demi-affaissement ou de demi-sursaut. Il y a aujourd’hui un choix à faire, pour chaque homme, pour chaque citoyen, pour chaque responsable politique. Il vous revient, en vertu de la légitimité du suffrage, d’ouvrir la voie pour que 2012 ne soit pas la lutte partisane des ressentiments et des dénonciations, mais un débat serein sur l’avenir de la France.

Saluts républicains,

Dominique de VILLEPIN


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Rédigé par psa le 03/06/2011 à 23:43



Cette image a fait le tour du monde. Prise sur le vif, elle ne doit rien au hasard. Que dit-elle du président, de son équipe? De la façon dont tout cela entrera dans l’histoire? Une réussite historique ou un échec calamiteux? À ce moment, les dés sont jetés. Rien n’y peut sauf nous révéler les dessous de la puissance. Pendant les quarante minutes les plus fondamentales de son mandat, le président Barack Obama n’est que celui que montre la photo: assis pratiquement dans un coin, presque comme un stagiaire à qui on aurait demandé de ne pas prendre trop de place. Le pouvoir est humilité avant tout autre chose.


Power is humility
Power is humility
Mettez-les face à face. D’un côté, les gigantesques nuages de fumée s’échappant des Tours jumelles de Manhattan, encore sur pieds pour quelques dizaines de minutes. De l’autre côté, une salle anonyme, des visages attentifs, saisis, presque pétrifiés par ce qui est en train de se passer devant eux. Les deux images signalent respectivement le début d’une ère et, peut-être, sa fin. La «photo de la Situation Room», comme on l’a appelée, a atteint presque immédiatement le statut de ces icônes qui marquent les esprits et qui font éclater ce que les mots ne savent pas dire.

En réalité, les images du 11 Septembre 2001 sont tellement nombreuses que des dizaines de livres ne suffisent pas à en faire le tour. Or, dix ans plus tard, que répond à ce déferlement de clichés? Sur le plan de la représentation, rien. Rien, de la mise en œuvre de l’opération Geronimo, rien de la mort d’Oussama Ben Laden, de l’identification de son cadavre, de sa disparition au large de l’Arabie saoudite. Des attentats contre les Tours jumelles, on a tout vu, ou presque, y compris les victimes terrifiées se jeter dans le vide. Ici, tout est laissé à l’imagination.

Bien plus: c’est de cette seule image que l’opération menée contre Oussama ben Laden tire en quelque sorte sa réalité. Sans elle, tout cela pourrait tout aussi bien n’être jamais arrivé. Or, comme dans beaucoup des images les plus fortes, tout se passe en réalité hors champ. Pour «voir», pour comprendre, il ne reste donc que les reflets sur des visages, que l’on est forcé de scruter. Celui du président Barack Obama, bien sûr, tendu et absorbé. Ceux du chef du Pentagone, Robert Gates, et du vice-président Joe Biden, tempérant leurs émotions sous une carapace d’expérience et de professionnalisme, même si, derrière l’ordinateur ouvert, Biden jouerait nerveusement avec le rosaire qu’il sort dans les moments de pression. Le visage de Hillary Clinton, surtout, le plus fascinant de tous, pétri d’une sorte d’effroi incrédule.

En prenant ce cliché, l’ancien photo-reporter qui est aujourd’hui le photographe officiel de la Maison-Blanche, Pete Souza, est assuré d’intégrer le panthéon des preneurs d’images. De lui, on connaissait déjà ces portraits de Barack Obama d’une intensité frappante et, souvent, d’une rare intimité. Le président en contre-jour devant une fenêtre, semblant contempler face à lui le travail qui l’attend et mesurer les attentes que le monde avait placées en lui lors de son élection. Ou la main d’Obama touchant celle de sa femme, Michelle, sur un bateau au large de la Nouvelle-Orléans. Le président endormi sur un banc lors d’un voyage en Russie. Ou encore la fille du couple, Sasha, se cachant derrière un sofa du Bureau ovale pour faire peur à son président de père...

Jamais peut-être un photographe officiel n’avait noué pareille complicité avec un président américain en exercice. Pete Souza est le double d’Obama autant que sa mémoire. «Nous sommes comme un vieux couple. Je ne le vois plus», rigolait récemment le président. Chaque jour, Souza prend, avoue-t-il, entre 500 et 1100 clichés de tous les faits et gestes présidentiels, dont seule une petite partie est admise pour publication, après avoir passé le filtre du service de presse de la Maison-Blanche. Il faut dire que depuis John Kennedy, aucun président n’avait été aussi photogénique et télégénique, à l’exception peut-être de Bill Clinton. Et depuis la même époque, aucun n’avait de la même manière activé les imaginaires. Pour Souza, c’est presque devenu une obsession, suggère-t-il. Partout où se trouve le président, il veut être présent. Au point, souvent, de frustrer les 3 ou 4 adjoints qui partagent sa tâche, en s’engouffrant comme seul témoin extérieur dans la moindre briefing que tient le président.


Mon voisin, Ousama Ben Laden
Mon voisin, Ousama Ben Laden
C’est donc tout naturellement que le photographe se glisse dimanche dernier dans la « Situation Room », où se réunissent les membres du Conseil national de sécurité, ces responsables civils et militaires qui vont suivre en direct l’opération Geronimo. Personne ne fera attention à lui, personne ne tient la pose, personne ne joue de jeu particulier. Des images, le photographe en prendra des dizaines au cours de 40 minutes que durera la mission militaire dans la ville d’Abbottabad, à des milliers de kilomètres de là. Il est le seul à ne pas fixer du regard les écrans, tandis que se joue sans doute la scène la plus importante de leur carrière pour tous les participants.

Que sont-ils en train de voir, ces hommes et ces femmes les plus puissants de l’Amérique et du monde, lorsque les immortalise le photographe? Est-ce le moment où l’un des quatre hélicoptères Black Hawk ultra-perfectionnés de l’armée, équipés pour la première fois d’un dispositif pour les rendre invisibles aux radars, menace de partir en vrille, et que le sort balance entre une réussite historique ou un échec calamiteux? Sont-ils au contraire en train de vivre ces minutes «qui duraient comme des jours», selon les mots de John Brennan, le conseiller à la sécurité nationale (il apparaît debout, à droite de la photo), qui ont précédé la localisation de Ben Laden? Ce mot désormais fameux: «Visual on Geronimo», lancé par l’un des membres du commando, et qui mettra fin à une traque de dix ans?

Selon les experts, les 15 personnes que montre la photo (pour certains uniquement le bras ou une partie de la tête) ne suivaient pas directement les images de l’attaque retransmises à partir des caméras que les militaires portent sur leur casque, mais bien celles qu’offrent les avions sans pilote (drones) survolant la scène. Mais une chose est sûre, et c’est elle, sans doute, qui contribue à rendre cette image pareillement saisissante: à ce moment, les dés sont jetés.

Rien n’y peut. Le président des États-Unis et ses proches sont réduits au simple rôle de spectateurs. Dans cette salle, qui semble minuscule par rapport à l’importance des enjeux qui s’y jouent, cette photo dévoile les dessous de la puissance tout autant que les désarrois et la solitude de celui qui détient le pouvoir de décision. Quoi qu’il puisse arriver, quel que soit le nombre d’hélicoptères qui tombent en panne et quel que soit le cours des événements dans le «compound» (résidence entourée d’une enceinte) où l’on n’est pas encore sûr de la présence de Ben Laden, il est trop tard pour faire marche-arrière. Malgré son titre de commandant en chef de l’armée, Barack Obama ne peut pas intervenir directement. Pendant les quarante minutes les plus fondamentales de son mandat, le président n’est que celui que montre la photo: assis pratiquement dans un coin, presque comme un stagiaire à qui on aurait demandé de ne pas prendre trop de place.

Si la Maison-Blanche a autorisé la publication de cette image particulière, à l’exclusion de presque toutes les autres, c’est pourtant aussi qu’elle correspond à la vision que l’on souhaite donner de l’événement. Quoi de plus rassurant qu’un président qui pallie un certain manque d’expérience en restant constamment à l’écoute de ses conseillers en matière de sécurité? La logique aurait voulu que Barack Obama occupe la place centrale, ou alors l’extrémité de l’image, où sont placés Robert Gates et Joe Biden, deux hommes précisément choisis pour leur expérience.

Un jour d’histoire… Une image pour l’histoire
Malgré tout, se peut-il que cette photographie en dise davantage qu’elle ne devrait? Qui est, tout au fond, cette femme dont on ne voit que la tête et qui semble être la seule personne âgée de moins de quarante ans présente dans la pièce? La Maison-Blanche l’a identifiée comme étant Audrey Tomason, la directrice pour le contre-terrorisme au sein du conseil national de sécurité. Malaise: pratiquement personne n’a jamais entendu parler d’elle, ni des raisons pour lesquelles elle a été autorisée à participer à une réunion d’une telle importance. Un rôle revêtu du secret absolu, comme c’est souvent le cas dans les milieux du renseignement? Certains lient son poste à des questions relatives au camp de détention de Guantanamo, où la jeune femme (dont le nom réel n’apparaissait pas), n’a pas forcément joué le beau rôle. D’autres, ou les mêmes prévoient que cette photo sera la dernière pour elle à la Maison-Blanche, tant sa carrière risque d’être compromise par le succès planétaire rencontré par cette photo.

Et Hillary Clinton? De manière assez peu convaincante, la secrétaire d’État prétend ces jours qu’elle ne se souvient pas du moment exact, la «milli-seconde» auquel cette photo a été prise. C’est une quinte de toux qui expliquerait le fait qu’elle mette sa main devant la bouche, et non le caractère cru des images qui sont en train de défiler. Ce visage traversé d’émotions est pourtant conforme à cette image que veut donner d’elle même une Hillary Clinton, celle mettant en avant une sensibilité féminine et davantage axée sur l’humain que sur la géostratégie.

Sur le clavier de l’ordinateur qui est posé devant la secrétaire figure la seule zone floutée du cliché pris dimanche dernier par Pete Souza. Une carte, semble-t-il, ou alors une photographie. Les services de la Maison Blanche sont passés par là et ont répandu leurs gros pixels. C’est la seule limite avouée pour cet exercice de transparence. De transparence très maîtrisée.//// Luis Lema


Un jour d’histoire… Une image pour l’histoire

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Rédigé par psa le 07/05/2011 à 05:37



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