Profil
Pierre S. Adjété
Pierre S. Adjété
Né à Lomé, PSA a fait ses études au Togo, au Gabon et au Canada. Économiste, administrateur et essayiste, PSA est un partisan assumé du «Grand Pardon» et un adepte de l’Éthique dans l’espace public; il est un acteur engagé dans des initiatives citoyennes et républicaines.




«Nous pouvons le faire.» Il y avait chez Nicolas G. Hayek une telle détermination qu’elle vous laissait pantois. Il vous regardait alors dans les yeux et l’histoire qu’il vous racontait devenait si belle, si vraie, si crédible que le doute disparaissait aussitôt. Nicolas G. Hayek était un formidable vendeur, un surdoué de la communication.


Dr. Swatch... Chapeau!
Dr. Swatch... Chapeau!

Lorsqu’il se penche au chevet de l’industrie horlogère, au début des années 1980, les banquiers songent à sortir par la petite porte car les dettes et les échecs commerciaux font chavirer un paquebot industriel qui prend l’eau de toutes parts. Les Japonais ont brisé l’hégémonie helvétique; les mouvements à quartz annoncent une révolution à laquelle les horlogers n’ont pas cru; pour la première fois depuis très longtemps, la Suisse vit les heures noires des grandes restructurations; les foules d’ouvriers descendent dans la rue à Neuchâtel et à Bienne; le Conseil fédéral hésite, tergiverse. Quelques hommes, parmi eux Stephan Schmidheiny, le financier providentiel, Pierre Arnold, le président de Migros que tout le monde respecte, et Ernst Thomke, l’industriel inventif du futur groupe Swatch, font une offre de reprise. Ils ont trouvé en Nicolas G. Hayek le consultant qui met en musique les nouvelles idées et les chiffres. La Swatch est déjà dans les cartons, et même si personne n’y croit à ses débuts, Nicolas G. Hayek en fera l’étendard du renouveau. La suite est connue.

Celui qui deviendra l’empereur du groupe Swatch aura d’abord été le messie, puis l’entrepreneur qui réussit une reconversion que tous jugeaient perdue. Il renoue avec la tradition mécanique, rétablit la suprématie d’Omega, fait renaître de ses cendres Breguet, réinvestit dans les usines, ouvre des boutiques prestigieuses. Les défaites horlogères sont vite oubliées. La conquête du monde a repris. Elle ne s’arrêtera plus.

Nicolas G. Hayek triomphe. Le voilà empereur total. Tout l’intéresse. Le design le passionne et nourrit ses créations. Les nouvelles technologies se pointent: il les adopte, une à une. Il est à son apogée. Il provoque en voulant réinventer l’automobile, sermonne les banquiers qui craignent sa colère, encourage les écoles polytechniques, conseille les gouvernements allemand et français. Et tance avec la même fougue irrévérencieuse le Conseil fédéral. Il lui arrive parfois de réécrire l’histoire, de pleurer devant ses visiteurs pour les impressionner, mais l’homme est si sincère qu’on lui pardonne. La presse l’encense; il s’en délecte.

Dans les faits, au-delà des clichés et des légendes, Nicolas G. Hayek a redonné sa fierté à l’industrie suisse, poussé à la grande roue du progrès quand elle refusait l’obstacle. C’est lui encore qui déjoue le naufrage de l’Expo nationale, investit dans les technologies vertes avec la conviction de celui qui ne recule jamais devant une idée forte.

Mais Nicolas G. Hayek avait aussi une autre dimension, celle d’un chef d’entreprise aux allures d’artiste qui magnifie les images et parle de lui à la troisième personne. C’était son double oriental dans une Suisse protestante qui a peur de ses succès et de déranger. Il entre dans l’histoire, dans la lignée des plus grands entrepreneurs du XIXe siècle et sur les pas d’Alfred Escher. Il était à la fois si Suisse et si étranger à la Suisse./////////Pierre Veya


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Rédigé par psa le 29/06/2010 à 01:21



En pleine ferveur de la Coupe du monde, l'art demeure et se fait roi à Basel 2010...


Frantisek Drtikol,
Frantisek Drtikol,
Tout le monde sait désormais qu’Art Basel, la grande foire d’art moderne et contemporain qui ferme ses portes ce dimanche soir, est un endroit où l’on peut croiser des célébrités du cinéma, du spectacle ou de l’économie. Difficile de ne pas lorgner dans leur direction tout en regardant quelques-unes des 10 000 œuvres qui sont exposées dans les halles de la Messe.

Un tableau de Picasso a été vendu mardi dernier pour 15 millions de dollars peu après l’ouverture aux collectionneurs, ce qui est considérable mais beaucoup moins que le prix d’un autre Picasso qui a dépassé les 100 millions dans une récente vente aux enchères. Qui sont ces gens qui dépensent des sommes folles pour des choses dont beaucoup d’autres pensent qu’elles ne les valent pas?

Qu’un footballeur puisse valoir 100 millions de dollars peut choquer mais n’étonne pas. Il rapporte de l’argent en entrées dans les stades, en droits de télévision, en publicité et en produits dérivés. Mais l’art! Roman Abramovitch, milliardaire et propriétaire du club de football de Chelsea, sait pourquoi les œuvres d’art valent autant que les footballeurs. Il collectionne les unes et les autres.

L’art fascine par ce qu’il est, par ce qu’il représente, par ce qu’il dit, et par les émotions mystérieuses qu’il suscite. Il fascine aussi parce que sa valeur est incertaine, qu’elle soit esthétique ou monétaire. Et qu’aucun jugement de goût n’est éternel. Les meilleures œuvres ne sont pas forcément les plus chères; les moins chères ne valent pas forcément plus qu’elles ne coûtent.

Les acheter pour des sommes astronomiques peut sembler irrationnel. On cherche des explications. Ceux qui pensent que l’art devrait être gratuit imaginent qu’il s’agit d’un snobisme ou d’un complot ourdi par des spéculateurs et par des blanchisseurs d’argent sale. Même si tout n’est pas clair sur le marché de l’art, il existe d’autres moyens de parier sur la conjoncture ou de berner les autorités fiscales.

La vraie énigme est qu’à de rares exceptions près tous les acheteurs aiment l’art et s’y intéressent sincèrement. Les liens entre les objets symboliques et le pouvoir politique ou économique ne datent pas de la naissance d’Art Basel en 1970 ni de sa 41e édition. Ils sont millénaires. La puissance a besoin de signes autres que la force et l’argent. Acquérir de l’art donne du sens à la fortune, même quand la fortune n’en a pas.///////////Laurent Wolf


Le choc de l’Art chic : Un sens à la fortune
Clockwork for Oracles II d’Ugo Rondinone se présente comme le décor d’une grande façade percée de nombreuses fenêtres dont les vitrages colorés laissent entrevoir à l’arrière le dispositif de montage et renvoient comme des miroirs l’image de ce qui se trouve du côté de celui qui regarde. Il s’agit bien d’un trompe-l’œil, d’un ensemble de fenêtres albertiennes, d’une machine visuelle qui fait illusion. Mais les fenêtres ne donnent sur aucune historia particulière, si ce n’est l’histoire du lieu où elles sont installées. Et la machine illusionniste signifie du même coup en quoi elle fait illusion.

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Rédigé par psa le 19/06/2010 à 00:19



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