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Pierre S. Adjété
Pierre S. Adjété
Né à Lomé, PSA a fait ses études au Togo, au Gabon et au Canada. Économiste, administrateur et essayiste, PSA est un partisan assumé du «Grand Pardon» et un adepte de l’Éthique dans l’espace public; il est un acteur engagé dans des initiatives citoyennes et républicaines.




Enfin! Depuis que tout le monde en parle... Cette semaine sort en librairie le dernier né d’Édem Kodjo, Ancien secrétaire général de l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA) actuellement Union Africaine (UA) et ancien Premier ministre du Togo: « Lettre ouverte à l’Afrique cinquantenaire », une véritable invitation à la rigueur du Devoir d’Afrique et du Devoir d’Africain.


Édem Kodjo
Édem Kodjo


Il m’était arrivé une fois -à un moment précis, de me demander ce que l’auteur de cette Lettre ouverte à l’Afrique cinquantenaire perdait avec son engagement assidu et charnel au service de l’Afrique. L’Afrique lui aurait tout donné qu’il ne devait pas être tenu de lui rembourser autant et avec tant d’intérêt, et jusqu’à ses moments de retraites. Dans le cas d’Édem Kodjo, on peut dire que c’est un taux d’intérêt élevé qu’il s’est imposé, un remboursement constant et usurier que l’intéressé prend d’ailleurs plaisir à verser à ce continent. C’est bien connu : l’on s’enrichit en donnant. Mais perd-on en continuant à donner? « Je pense bien que non! » m’est arrivée spontanément comme réponse à mon interrogation, quelque part en plein milieu de cet opuscule d’Édem Kodjo, Lettre ouverte à l’Afrique cinquantenaire.

Édem Kodjo a tout donné à l’Afrique qu’il n’a rien perdu de lui-même : ni l’indignation, ni la retenue, ni l’interpellation, ni la diplomatie, ni les maux, surtout pas les mots, encore moins les enjeux du continent. Lettre ouverte à l’Afrique cinquantenaire est la preuve d’une dévotion à l’Afrique qui renouvèle son serment de fidélité par la précision des problèmes du continent et au moyen de la globalité des solutions africaines.

Penser rigoureusement l’Afrique à partir de l’Afrique et construire méthodiquement l’Afrique avec les Africains : c’est l’indispensable feuille de route que procure l’auteur, autant aux pays qu’aux individus. Édem Kodjo interpelle ainsi les filles et les fils du continent sans les rendre coupables, choisissant toujours de s’adresser à eux et de leur dire des choses sérieuses en prenant à témoin leur Mère-Afrique et leur Père-État:
« Le poète Président Léopold Sédar Senghor du Sénégal vantait les mérites de l’organisation et de la Méthode au point d’avoir créé des structures administratives chargées spécialement de leur mise en application. Il avait raison. Ce dont tes filles et tes fils ont le plus besoin aujourd’hui Mère-Afrique, c’est l’organisation, c’est la méthode. La rigueur, encore la rigueur, toujours la rigueur et nos nations seront sauvées. La rigueur personnelle, dans la pensée, dans le comportement, dans le mode de vie est la pierre philosophale contemporaine. »

En abordant les difficultés du continent, son expérience de l’Afrique et ses responsabilités antérieures à la tête de l’Union africaine auraient pu donner un rôle de père fouettard à Édem Kodjo; bien au contraire, à mon avis. Car, des pères fouettards, les Africains en ont connu. Mais au cas où vous trouvez que l’auteur a usé de son fouet par moment, ce ne serait pas sans l’avoir bien caché alors dans ce texte au style direct, événementiel et solennel.

En réalité, partout dans la Lettre ouverte à l’Afrique cinquantenaire, c’est l’humaniste, le politique, le professeur, l’intellectuel, l’écrivain, le diplomate et le citoyen qui se disputent la plume et pour l’emprunter, comme un souffleur à l’oreille de l’Afrique, et jusqu’aux derniers mots : « Afrique, lève-toi, prends ton grabat et marche ! »

Dans cette année du cinquantenaire d’indépendance de plusieurs États africains, et au lendemain d’une Coupe de monde de football dont la première organisation sur le sol africain est admirablement réussie, l’Afrique et les Africains doivent enfin se convaincre de leur capacité, au même titre que le reste de l’humanité; l’Afrique et les africains doivent s’investir avec enthousiasme pour reconquérir leur place dans le concert des nations et dans la civilisation de l’universelle. C’est aussi la conviction qui se dégage des propos de l’auteur.

Il y a quelques six ans, à la sortie de « Au commencement était le glaive » en 2004, j’écrivais : « La première œuvre romanesque d’Édem Kodjo a une prise solide et ferme sur la réalité politique de l’Afrique, d’une Afrique encore ventripotente d’inutiles cycles de ressentiments vengeurs. Édem Kodjo a d’abord écrit un roman qui lui ressemble; il a épousé la femme qu’il a toujours fréquentée et qu’il connaît le mieux : l’Afrique. Noces alléchantes, pari gagné! ».

Bonne nouvelle! Le couple résiste! Tous ceux et celles qui étaient aux fiançailles de ce couple « Édem Kodjo – Afrique » sous le soleil de « …Et demain l’Afrique » publié depuis 1984 trouveront bien une ressemblance dans cette profession de foi et d’espérance que constitue la Lettre ouverte à l’Afrique cinquantenaire : un relevé topographique millimétré et fidèle aux escarpements du terrain africain, une carte satellitaire globale qui toujours reconnait à l’Afrique ses potentialités et ses capacités dans un monde où les rôles sont pourtant redistribués par la mondialisation, bien différemment des divisions du travail des années de dépendance où les pôles de décisions étaient entièrement externes à l’Afrique.

Pour Édem Kodjo, les atouts du nouveau jeu, les défis associés au développement, se retrouvent encore entre les mains des Africains eux-mêmes : citoyens, élites, politiques, organisations, professionnels, jeunes, hommes, femmes, décideurs, etc. On l’entend pratiquement crier par endroits dans le texte, souffler son « Vouvouzéla » particulièrement accordé, harmonisé et rythmé: Osez! Osons!

Lettre ouverte à l’Afrique cinquantenaire reste une invitation vigoureuse au réveil d’une Afrique qui ne peut plus continuer à s’ignorer, et à négliger sa propre responsabilité dans son présent et son devenir. Avant tout, Lettre ouverte à l’Afrique cinquantenaire est et demeurera une double invitation faite au devoir d’Africain et au devoir d’Afrique de tous ses destinataires. Dignité oblige!



Résumé du Livre (4e de couverture)
Alors que nombre de pays africains fêtent les cinquante ans de leur Indépendance, Edem Kodjo, ancien premier ministre du Togo et surtout ancien secrétaire général de l’Organisation de l’Union Africaine (OUA), lance un cri d’alarme et d’amour à l’Afrique.
De ce continent qu’il appelle sa « mère », son « amour », il aimerait voir ses enfants se lever, se mobiliser enfin et prendre leur destin en main. Edem Kodjo fustige la paresse, l’indolence, la « masse » inerte de ce continent pourtant assis sur des richesses exceptionnelles, humaines comme matérielles. A l’heure de la fête, pas de quoi se réjouir. Des années après l’Indépendance, un vent de liberté démocratique a soufflé, dans les années 1990.
Lors du congrès de Lagos, les Africains ont voulu faire le pari de la démocratie. Mais les despotes se sont contentés de ne lâcher qu’un peu de lest. Et le mythe technocratique des « états émergents » est né, qui a relancé les pays occidentaux dans l’exploitation des richesses du sous-sol africain. Malgré les conférences d’Alger et de Lomé en 1999, les coups d’État ont repris. Car le peuple ne pouvait croire longtemps à la parodie démocratique.
Ce qui manque cruellement au continent, selon Edem Kodjo, c’est le sentiment de justice. L’Afrique doit se reprendre en main, s’appuyer sur ses richesses pour se hisser sur le devant de la scène, comme l’a fait la Chine en quelques années. Edem Kodjo enrage de recevoir encore les leçons de l’homme blanc et voudraient que les Africains administrent enfin la preuve qu’ils sont bons à quelque chose. L’Afrique doit se comporter en adulte : « L’heure de nous-mêmes a sonné », disait Aimé Césaire.
Edem Kodjo doute que les Africains aient réellement pris conscience de l’Indépendance qu’ils célèbrent. Ils doivent cesser de singer l’Europe et adapter l’idée de démocratie à leur propre culture. Cette courte lettre ouverte, écrite par une personnalité qui compte en Afrique, ne manque pas de force et de poids. Elle fera sans doute grincer certaines dents, mais, venant d’un homme qui aime sincèrement son continent et a une vision de rassemblement, fera avant tout l’effet d’un appel.


Edem Kodjo, "Lettre ouverte à l’Afrique cinquantenaire", Paris, Éditions Gallimard, 2010; 76 pages.

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Rédigé par psa le 25/10/2010 à 22:25



Le Brésil est devenu un pays crédible et stable sur le plan économique. Il y a plus de soixante-dix ans, le grand écrivain et voyageur Stefan Zweig, désespéré par le cataclysme de la guerre en Europe, rejoint le Brésil, le «pays du futur», écrit-il. Avant lui, beaucoup ont rêvé de ses ressources quasi infinies et même inventé l’utopie d’un nouveau monde à bâtir. Beaucoup en sont revenus ruinés, brisés par des crises politiques et financières à répétition. Que de décennies perdues alors que tout semblait possible, si proche d’éclore… Arrive Lula


Lula comme Lumière… Brésil comme rêve éveillé
Ce dimanche, les élections brésiliennes seront témoins d’un enjeu interne et d’un accomplissement de portée planétaire. Au plan intérieur, sauf surprise, Dilma Rousseff -la baptisée DilmaLula, succédera à Luiz Inacio da Silva, dit Lula, un héros du bas peuple, proche du mythe, qui se retire avec une cote de popularité stupéfiante: 80%. Pour le reste du monde, les années Lula marquent l’arrimage d’un géant dans le cercle des grandes puissances et des pays crédibles.

L’événement est considérable. C’est une bonne nouvelle et l’espoir pour tant d’autres régions du globe. Car il y a huit ans tout juste, le Brésil, ce pays-continent de près de 200 millions d’habitants, n’était encore qu’un convalescent fragile, qui se remettait difficilement de l’inflation galopante et de crises monétaires destructrices. Le prédécesseur de Lula avait fait deux promesses: rétablir la crédibilité financière du Brésil et lutter contre la pauvreté endémique, cette honte d’une croissance qui naît, s’affirme, puis se casse aussitôt en deux.


DilmaLuladasilva
DilmaLuladasilva
À l’arrivée au pouvoir de Lula, les altermondialistes rêvent d’un grand soir, d’une autre politique, résolument anticapitaliste. Il les entend mais, comme de Gaulle en Algérie, il contourne les querelles idéologiques et se montre un redoutable pragmatique. Son gouvernement approfondit les réformes économiques orthodoxes et accélère les programmes d’aide sociale. La monnaie, le real, tient le choc, les taux d’intérêt baissent, les capitaux répondent à l’appel. Lula obtient assez vite la grâce, puis la confiance de ceux qui le redoutaient. L’ouvrier au pouvoir répond tout aussi rapidement aux attentes des plus faibles; il systématise la Bolsa familia (Bourse Famille), ses aides aux familles les plus pauvres. Le bilan d’ensemble force le respect. Près de trente millions de foyers sont entrés dans la classe moyenne. Le Brésil, que la demande en matières premières a réveillé au bon moment, peut enfin compter sur les fruits de la redistribution vertueuse; le marché intérieur s’envole. Une classe moyenne, enfin, existe et prospère. La 8e économie du monde croît à un rythme régulier de 3 à 5% et permet à l’ancien assisté non seulement de rembourser ses dettes, mais de prêter sa fortune au Fonds monétaire mondial. La menace d’une rechute semble improbable

Le Brésil vit un rêve éveillé. Les superlatifs manquent pour décrire la relation fusionnelle qu’entretiennent les Brésiliens avec leur président Lula. A tel point que l’on se demande si le pays saura se passer de lui. Dilma Rousseff, qui lui succédera en janvier 2011, s’emploiera certes à poursuivre l’œuvre de son mentor, mais sans soulever l’enthousiasme. Sur le plan économique, là où on ne l’attendait pas, il est excellent. Au regard de son passé de dirigeant syndical pendant la dictature militaire et de fondateur du Parti des travailleurs (PT), trois fois candidat malheureux à l’élection présidentielle (1989, 1994, 1998), Luiz Inacio da Silva, dit Lula, se présente aux élections de 2002 avec un discours modéré, instruit par ses défaites. Ses emportements passés contre les politiques d’ajustement l’ayant desservi, il cherche à inspirer confiance.

Ministra da Casa-Civil
Ministra da Casa-Civil
La lettre au peuple brésilien du 22 juin 2002 donne le ton: «Le PT et ses partenaires ont conscience que le dépassement du modèle actuel ne se fera pas par un tour de magie»; «Une transition lucide et prudente sera nécessaire»; «Une condition de cette transition sera le respect des contrats et engagements du pays»; «La stabilité, la maîtrise des finances publiques et de l’inflation constituent un patrimoine de tous les Brésiliens.» Le PT entre dans l’ère du pragmatisme et tourne le dos à la recherche d’une alternative au néolibéralisme. Depuis, le tout marche : Le Brésil est devenu un pays crédible et stable sur le plan économique. Marlene et Marcos Antonio font partie de ces 29 millions de Brésiliens qui ont accédé à la classe moyenne depuis l’arrivée au pouvoir de Lula en 2003. Ce sont les conclusions d’une étude de la très respectée Fondation Getulio-Vargas (FGV), basée sur les chiffres de l’Institut brésilien de géographie et de statistiques. Cette fameuse moyenne compte désormais près de 95 millions de personnes, soit un Brésilien sur deux (52%). Une avancée majeure. C’est l’accomplissement d’un homme qui change le monde en deux mandats constitutionnels. La politique reste l’art du possible./////////Pierre Veya, Olivier Dabène et Frédéric Louault

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Rédigé par psa le 02/10/2010 à 02:02
Tags : Brésil Dilma Rousseff Lula Notez



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