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Pierre S. Adjété
Pierre S. Adjété
Né à Lomé, PSA a fait ses études au Togo, au Gabon et au Canada. Économiste, administrateur et essayiste, PSA est un partisan assumé du «Grand Pardon» et un adepte de l’Éthique dans l’espace public; il est un acteur engagé dans des initiatives citoyennes et républicaines.




L'affaire Jean Sarkozy l'atteste: plaire au président importe plus que lui signaler les colères de l'opinion. Au croisement de la vie privée et du débat public, la place de son fils comme le rôle de son épouse sont des sujets tabous. Toute vérité n'est pas bonne à dire. Bien peu s'y risquent... C'est bien aujourd'hui les 50 ans d'Astérix et sa potion magique qui, seule, doit pouvoir sauver le soldat Sarkozy le Gaulois.


Carla Bruni-Sarkozy
Carla Bruni-Sarkozy

Ce matin-là, pas une seule voix ne s'éleva pour lui répondre. Jeudi 22 octobre, petit déjeuner de la majorité à l'Elysée. Le soir, au journal de 20 heures de France 2, Jean Sarkozy annoncera, à la surprise générale, qu'il ne se porte finalement pas candidat à la présidence de l'Epad, l'établissement public d'aménagement du quartier d'affaires de la Défense, dans les Hauts-de-Seine. Quelques heures plus tôt, son père s'emporte: "De toute façon, je sais bien ce que provoque l'affaire de mon fils." Personne ne bronche. Depuis que la controverse a éclaté, douze jours plus tôt, chacun est tétanisé et tout le monde se tait. Le 12 octobre, le chef de l'Etat réunit, comme tous les lundis matin, l'état-major de l'UMP. La réunion commence par un tour de table, au cours duquel chacun rapporte ce qu'il a vu et entendu le week-end sur le terrain. Déjà, la Toile s'empare de la future élection du fils du président et deux ex-candidats de 2007, François Bayrou et Ségolène Royal, ont fait des déclarations tonitruantes sur le sujet. Mais, devant Nicolas Sarkozy, aucun responsable du parti n'évoque la question. Une polémique? Quelle polémique?

Au lendemain de l'annonce du retrait de Jean Sarkozy, le quotidien britannique de centre-droit The Times notera: " Le président de la Ve République est victime du phénomène de cour, un sentiment d'omnipotence qui vient de l'isolement du poste de dirigeant le plus puissant du monde démocratique." Le 26 octobre, c'est Dominique de Villepin qui lâche: "L'esprit de cour est un danger pour la démocratie. Quand on est proche du pouvoir – c'est quelque chose que j'ai dit très tôt à mes enfants – on a plus de devoirs que les autres." (…)

Danger Escarpins Rouges, Jacques
Danger Escarpins Rouges, Jacques
Deux sujets tabous: "la famille et les Hauts-de-Seine"

L' "affaire Jean" restera comme un cas d'école. "Il y a deux sujets qu'on s'interdit d'évoquer avec lui: la famille et les Hauts-de-Seine, relève un proche du chef de l'Etat. Alors, là, vous imaginez!" Une seule loi s'est imposée, celle du silence. "A l'Elysée, personne ne lui dit plus la vérité, sauf quelques très rares conseillers, dans les domaines de leur compétence", ajoute un autre fidèle. Tard, trop tard, Nicolas Sarkozy mesure l'ampleur des dégâts. "C'est la première fois que je le sens atteint. Il sait qu'il a commis une faute", livre un participant à la sortie de la réunion de l'état-major de l'UMP à l'Elysée, le 19 octobre. Questions de famille, problème de politique. Lorsque l'intime se trouve mêlé aux affaires de la nation et donc exposé sur la place publique, toute réserve, toute critique est perçue comme inacceptable. Dans ce genre de situations, Nicolas Sarkozy tient ses collaborateurs à distance. La plupart d'entre eux avaient appris par le communiqué officiel son divorce avec Cécilia ; même le secrétaire général, Claude Guéant, ¬informé de la procédure, n'en connaissait pas le calendrier exact. (…)

"Les ministres ne sont que des marionnettes", pointe le député (UMP) de l'Aube, François Baroin. Le haut-commissaire Martin Hirsch finira par admettre, sur RTL, que le débat provoqué par Jean Sarkozy "perturbait tout"... mais c'était au lendemain du 20 Heures où le conseiller général le plus célèbre de France avait jeté l'éponge. Il est toujours plus facile de dire les choses après. Avant, les responsables de la majorité, sommés de monter au créneau pour justifier l'injustifiable, auront préféré être ridicules plutôt que crédibles. Fadela Amara, secrétaire d'Etat à la Ville : "Ce pays a peur de sa jeunesse." Le député de Seine-et-Marne, Yves Jégo: "C'est comme ça que le fascisme arrive dans un pays: quand on s'attaque à quelqu'un à cause de son nom." Chantal Jouanno, secrétaire d'Etat à l'Ecologie: "S'il s'était appelé Martin, il aurait eu moins de problèmes."

Peut-être même, s'il s'était appelé Martin, le président n'aurait-il pas -appelé, en 2008, depuis Prague, Hervé Marseille pour le remercier d'avoir laissé à son fils la tête du groupe ¬majoritaire du conseil général des Hauts-de-Seine, qu'il revendiquait aussi. (…) Et si Louis, 12 ans, ne s'était pas appelé Sarkozy, peut-être aussi le patron du Paris Saint-Germain, Robin Leproux, ne se serait-il pas spécialement déplacé, le 21 octobre, quand il apprit que le troisième fils du chef de l'Etat, qui n'en demandait pas tant, assistait à l'entraînement des joueurs? "i[Le dirigeant parisien ne savait d'ailleurs pas s'il devait [le] tutoyer ou [le] vouvoyer]i", écrira Le Parisien. Au bal des courtisans, les membres du gouvernement ne sont jamais les derniers. "Ils se rêvent tous en saint Jean et se demandent en permanence : "Suis-je le ministre le plus aimé du Seigneur ?'' ", confie un conseiller élyséen. Rien ne les arrête : l'un d'eux a même comparé, au cours d'un dîner, les paroles des chansons de Carla Bruni-Sarkozy à des vers de la littérature classique. "Le seul capital qui ne coûte rien et qui rapporte beaucoup, c'est la flatterie", disait Talleyrand. Encore faut-il la manier avec parcimonie. "Lorsqu'on se rapproche trop, le président se lasse assez vite", constate un ministre qui se veut lucide. Susciter l'attention peut néanmoins permettre de toucher le gros lot : quand il apprit qu'un sommet franco-italien se déroulerait à Rome en ¬février 2009, Frédéric Mitterrand, alors à la direction de la Villa Médicis, multiplia les coups de fil pour obtenir la visite du président – "Juste une demi-heure, nous sommes en ville !" Quatre mois plus tard, il fut nommé ministre de la Culture. "Cela fait très longtemps qu'il soigne ses liens avec le chef de l'Etat, auquel il a envoyé plusieurs lettres", remarque un fidèle de Nicolas Sarkozy.

Sauver le Soldat Sarkozy
Nicolas sous l'emprise de Carla? Il n’aime plus ses électeurs !

(…) "Nicolas Sarkozy n'accepte pas la critique sur quelques moments héroïques, ceux qu'il considère comme des faits d'armes établis de son épopée, par exemple la Géorgie", nuance un autre. "Je choisis les sujets en fonction de son humeur", complète un troisième.
Mais les élus de droite n'iront jamais jusqu'à pointer devant lui celle par qui, estiment-ils, sont arrivés la plupart des ennuis du chef de l'Etat en cet automne agité : la première dame de France. Où l'on retombe dans le débat sans issue entre vie privée et décisions publiques, l'une des failles, depuis longtemps, de ce président. L'abandon des tests ADN, le soutien élyséen – tout du moins dans un premier temps – au cinéaste Roman Polanski, le livre de Frédéric Mitterrand... Au sein de la majorité, une question fait florès: Nicolas Sarkozy est-il trop sous l'emprise de Carla Bruni? "Est-ce à cause de son épouse? Toujours est-il qu'il n'aime plus ses électeurs", regrette un dirigeant du parti majoritaire. "C'est vrai qu'elle lui a fait découvrir que l'on s'amuse plus avec un intellectuel de gauche qu'avec un élu UMP!", sourit un ami du président. Passent encore les mondanités, c'est son influence qui agace. Interrogé à ce sujet, le 19 octobre, sur Canal +, le conseiller spécial du chef de l'Etat, Henri Guaino, répond :"Elle en a sans doute beaucoup plus que moi!" La droite bougonne. "Nicolas est subjugué par une femme mannequin, plus riche que lui, mondialement connue et qui constitue une prise de guerre, puisqu'elle vient de la gauche", relève un autre responsable de l'UMP. Ce n'est pas en regardant sur le site que Carla Bruni-Sarkozy vient de lancer que les élus de la majorité se rassureront : elle n'y parle que de deux membres du gouvernement, l'une et l'autre symboles de la fameuse ouverture, Fadela Amara et Martin Hirsch. Mais le président n'avait pas attendu de rencontrer sa future épouse pour nommer des gens de gauche dans son gouvernement...
En septembre, Nicolas Sarkozy s'est rendu à New York, pour la session annuelle des Nations unies. Un membre de la délégation officielle se souvient : "A l'aller, c'est la première fois que, lors d'un long voyage, il ne nous invite pas à venir le rejoindre pour le déjeuner. Il est resté tout le vol avec Carla. Deux de ses conseillers l'ont simplement dérangé un quart d'heure."
Le pouvoir conduit à la solitude. Qui confine parfois à l'isolement. La veille de son départ, le président avait vu Un singe en hiver, le film d'Henri Verneuil. Ce soir-là, il avait entendu Jean Gabin lancer à Jean-Paul Belmondo : "Les choses entraînent les choses. Le bidule crée le bidule. Y'a pas de hasard." //////Eric Mandonnet et Ludovic Vigogne


Mot à Maux


Rédigé par psa le 29/10/2009 à 01:29



Venu à Tokyo accélérer un accord sur les bases américaines, le secrétaire d’État américain Robert Gates a été froidement reçu. Barack Obama devra faire mieux le mois prochain. Le rapport Japon-États-Unis, qui n’avait guère évolué depuis 1945, est-il en train de changer? «Les Japonais ne sont pas indépendants dans leur tête», relativise Minoru Morita, auteur d’un livre sur les relations bilatérales. «L’atmosphère générale entre les deux pays, relève Michael Austin, de l’American Enterprise Institute, s’est progressivement refroidie depuis que le premier ministre Junichiro Koizumi est parti en 2006.»


Chen Wenling, La Révolte (What You See Might Not Be Real)
Chen Wenling, La Révolte (What You See Might Not Be Real)
«Ah soo desu ka» («Oh, vraiment»). C’est généralement par cette formule de politesse que les Japonais répondaient depuis des décennies au «We have a deal» («nous sommes d’accord») des Américains. D’où le choc éprouvé cette semaine par l’administration Obama quand le ministre des Affaires étrangères Katsuya Okada a déclaré: «Nous n’allons pas accepter ce que les États-Unis nous disent juste parce que ce sont les États-Unis.» Il répondait aux pressions du secrétaire américain à la Défense Robert Gates, venu à Tokyo pour accélérer la concrétisation d’un accord conclu en 2006, après quinze ans de négociations, sur la réorganisation des bases américaines dans l’Archipel. Celui-ci prévoit le déplacement de la base de Futenma, proche d’une zone urbaine au sud de l’île d’Okinawa et le transfert de 8000 soldats américains d’Okinawa à Guam.
Cela fait des années que la présence militaire américaine au Japon (47 000 hommes actuellement) provoque des tensions avec la population locale à cause d’accidents, de deux affaires de viol médiatisées, et plus généralement de la pollution. À Okinawa, qui accueille trois quarts des bases et la moitié du contingent, c’est d’ailleurs l’opposition de riverains voulant préserver la baie au nord de l’île qui bloque le déplacement de la base de Futenma.
Mais l’affaire dépasse l’enjeu écologique depuis la victoire des sociaux-démocrates le 30 août dernier, mettant fin à la très longue domination du Parti libéral démocrate. L’actuel premier ministre Yukio Hatoyama avait promis aux électeurs de traiter «d’égal à égal» avec les États-Unis et de trouver une solution alternative pour la base de Futenma, afin d’alléger le fardeau d’Okinawa. Sa popularité (70% de soutien) dépend en partie de sa fermeté.

James Tissot, La Japonaise au bain (1864)
James Tissot, La Japonaise au bain (1864)
Le gouvernement japonais a pris un départ sur les chapeaux de roue. Il a mis fin au soutien logistique naval, dans l’océan Indien, des troupes américaines engagées en Afghanistan. Il veut réviser le statut privilégié des soldats américains basés au Japon. Il a ouvert une enquête sur les pactes secrets conclus entre Tokyo et Washington pendant la Guerre froide. Il joue avec l’idée d’une «Communauté est-asiatique» regroupant la Chine, le Japon, les pays de l’ASEAN, peut-être l’Australie – sans dire un mot du rôle qu’y joueraient les États-Unis. Il prend aussi tout son temps pour appliquer l’accord militaire signé en 2006 par le précédent gouvernement, tandis que les Américains le pressent de conclure avant la visite de Barack Obama au Japon, le 12 novembre prochain. Robert Gates a modérément apprécié la placidité de ses hôtes, déclinant une invitation à dîner avec des fonctionnaires du Ministère japonais de la défense. Geste éloquent quand on sait l’importance du protocole au pays du Soleil-Levant. Plusieurs fois, des diplomates ou députés japonais ont répondu du tac au tac, voire avec une certaine impertinence à leurs vis-à-vis américains. «En 30 ans, je n’avais jamais vu ça», dit au Washington Post Kent Calder, directeur du Centre d’études asiatiques à l’Université John Hopkins.
Les relations ne sont pas aussi refroidies que le laisse supposer la visite ratée de Robert Gates. Après tout, les administrations Hatoyama et Obama sont toutes deux en phase d’apprentissage. Robert Gates a été maladroit «en risquant de créer une situation où les sociaux-démocrates japonais doivent céder à la pression américaine et perdre la face, ou durcir le discours pour des raisons de politique intérieure, ce qui compliquerait tout», estime Gary Schmitt de l’American Enterprise Institute.
Côté japonais, les commentaires sont aussi à l’autocritique. Le Japon doit agir «avec précaution afin de ne pas mettre en péril la coopération avec les États-Unis, écrit le Japan Times. Repousser la décision (sur Okinawa) n’est pas dans son intérêt». «Le Japon a mal jugé la position américaine en assumant que les États-Unis mettaient l’accent sur l’intervention en Afghanistan et accepteraient un délai pour la base de Futenma», commente le Mainichi Daily News. En fin de semaine, le ton était à l’apaisement. Mais Yukio Hatoyama laisse ouverte la question de savoir si une solution praticable sera proposée avant l’arrivée de Barack Obama. «Le dossier le plus difficile aujourd’hui n’est pas la Chine, mais le Japon», déclare un responsable du Département d’État.//// Jean-Claude Péclet


Mot à Maux


Rédigé par psa le 26/10/2009 à 01:58



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