Profil
Pierre S. Adjété
Pierre S. Adjété
Né à Lomé, PSA a fait ses études au Togo, au Gabon et au Canada. Économiste, administrateur et essayiste, PSA est un partisan assumé du «Grand Pardon» et un adepte de l’Éthique dans l’espace public; il est un acteur engagé dans des initiatives citoyennes et républicaines.




James Kenneth Galbraith a obtenu sa licence en économie en 1974 à l’Université Harvard, puis son doctorat en 1981 à l’Université de Yale. Né en 1951, le fils de l’économiste John Kenneth Galbraith est un proche des démocrates américains. Il dirige à présent le Comité économique chargé de conseiller les deux Chambres américaines (Congrès et Sénat). Il est également enseignant à la Lyndon B. Johnson School of Public Affairs à Austin (Université du Texas). Il préside l’association internationale «Economists for Peace and Security». James Kenneth Galbraith est l’auteur de plusieurs ouvrages. Vient de paraître L’État prédateur (Le Seuil, 314 p.). JKG réond aux questions d’Anne Rodier et d’Adrien de Tricornot pour Le Temps.


Andreas H. Bitesnich, La croisée des chemins
Andreas H. Bitesnich, La croisée des chemins


Les États-Unis ont créé à l’époque du New Deal (1933-1938) les fondements d’un État-providence, selon vous toujours présent. Quels sont-ils?
James Kenneth Galbraith: Il s’agit de la sécurité sociale, des pensions pour les retraités, de l’aide aux sans-emploi et aux enfants. Il faut y ajouter le système de financement du secteur immobilier, qui a permis de créer la classe moyenne américaine, avant qu’il ne soit perverti par la dérégulation du système bancaire dont l’aboutissement est la crise actuelle, laquelle constitue la plus grande fraude financière de l’Histoire.
– Pourtant des millions d’Américains n’ont pas de couverture santé…
– C’est le problème essentiel. Nous avons mené depuis 1948 des luttes politiques incessantes. Mais les assurances privées ont toujours triomphé sur le bien public. Depuis 1965, nous avons un système d’assurance-maladie universel pour ceux qui ont atteint l’âge de 65 ans (Medicare) qui pourrait protéger toutes les classes d’âge. Malheureusement, une coalition politique empêche qu’il soit généralisé. L’administration Obama est entourée de responsables qui accordent du crédit à l’idée d’une prétendue crise de la sécurité sociale. Or la crise financière du système de sécurité sociale est un mythe, tout comme celle de Medicare. La réalité est qu’un État, une nation, peut faire la distribution interne qu’il veut. Ce n’est qu’une question d’impôts et de dépenses.
– Vous êtes donc contre un compromis qui tendrait à généraliser la couverture sociale par des systèmes privés…
– En principe, oui. Mais il faut respecter les décisions politiques. La réforme du système de santé est la priorité d’Obama mais les démocrates se souviennent bien de 1993. L’échec du projet de réforme Clinton avait alors été un désastre politique. Ils ne veulent pas que l’histoire se répète. Pour compléter ce tableau de l’État-providence américain, il faut mentionner le système d’enseignement supérieur, deux fois plus important aux États-Unis que dans n’importe quel pays d’Europe. C’est en partie un système privé – subventionné grâce aux réductions d’impôts – et en grande partie un système public. Je travaille dans une université publique. Dans l’État du Texas, plus de 80% des étudiants de l’enseignement supérieur sont dans des institutions publiques.
– Les Américains sont confrontés à un endettement colossal. Ont-ils vraiment les moyens d’investir dans le social?
– Le problème de l’endettement aux États-Unis est celui des ménages. Celui de l’État ne dépasse même pas 70% du produit national brut (PNB). Quand mon père était aux affaires (auprès de l’administration Roosevelt), le déficit budgétaire a progressé de 25% du PNB chaque année pendant quatre ans. La dette nationale a atteint 125% du PNB en 1945, et personne ne disait que l’économie américaine en était affaiblie. Au contraire, ce phénomène correspondait à la formation de la classe moyenne. Le réel problème des États-Unis est la relance d’une économie privée après la crise. L’énergie et le changement climatique sont des pistes pour réaliser de vastes programmes d’emploi. Mais les institutions du marché privé sont mal encadrées. Il faut donc en créer, et plutôt des publiques. C’est ça le vrai défi, et non le prétendu fardeau d’un État-providence, qu’on peut financer sur des bases internes.
– Cela veut dire que la Réserve fédérale américaine peut toujours parvenir à «monétiser» la dette, ce qu’elle fait déjà d’ailleurs?
– Tout à fait: la banqueroute est une solution au surendettement des parties privées, qui n’a aucune application aux affaires de l’État. Et si les étrangers ne voulaient plus détenir la dette américaine, ce serait une question de dévaluation du dollar et – un peu – d’inflation intérieure, mais pas de financement de l’État.
Dans votre livre, vous évoquez un «État prédateur». Pourquoi?
– Les plus conservateurs, les plus droitiers, ne s’intéressent pas à la destruction de l’État, mais beaucoup à son contrôle, afin de privatiser et de diminuer l’efficacité de la régulation dans les industries stratégiques qui font partie de leur base politique: l’énergie, les mines, les médias, l’agriculture, la pharmacie… Tout cela a été systématiquement mis sous contrôle par la frange extrémiste des conservateurs depuis trente ans, et surtout sous l’administration de George W. Bush. C’est la politique d’une coalition industrielle, des grandes entreprises et des intérêts économiques d’une oligarchie. C’est la convergence entre la période «post-Union soviétique» et «post-marché libre»… (Rires).
Comment percevez-vous l’évolution des systèmes d’État-providence en Europe?– J’ai beaucoup d’inquiétudes sur l’état du système de sécurité sociale et surtout des services publics tels que les universités qui vivent une crise financière profonde. Ce n’est pas une bonne idée de mettre tout un service public sous une contrainte budgétaire centralisée et dure.
Vous mettez en avant le modèle danois…Le Danemark est un petit pays très égalitaire qui a réussi à avoir une grande proportion de la population au travail et un taux de chômage extrêmement bas. Il est démontré que le niveau de vie n’y est pas lié à la productivité des individus ou des usines, mais à l’utilisation assez complète des ressources humaines. C’est intéressant car le plus grand problème européen, c’est le taux de chômage absolument atroce que l’on y voit depuis trente ans, et que l’on n’aurait jamais toléré aux États-Unis.


Mot à Maux


Rédigé par psa le 19/10/2009 à 02:37



Roman Polanski, c’est quelqu’un. Il a 76 ans. Il a réalisé 20 films, de Le couteau dans l’eau en 1962 à L’homme de l’ombre, avec Ewan McGregor et Pierce Brosnan, qui doit sortir en 2010. Via Cul-de-sac, Le bal des vampires, Rosemary’s Baby, Chinatown, Tess, Lune de fiel, Oliver Twist… Il a joué dans 12 films, en a scénarisé 26, en a produit 9. Il a fait de la mise en scène de théâtre et d’opéra. Il a récolté un Ours d’or à Berlin pour Répulsion en 1965, Une Palme d’or à Cannes pour Le pianiste en 2002, un Oscar du meilleur réalisateur pour Le pianiste en 2003 et deux César du meilleur réalisateur pour Tess en 1980 et pour Le pianiste en 2003. Ça, c’est du pedigree. Le génial cinéaste fuyait la justice américaine depuis 1978. Récit d’une vie menée comme un combat.


Helios (2009), Morceaux choisis d’une histoire complexe
Helios (2009), Morceaux choisis d’une histoire complexe
Dans ses films, Polanski explore le mal, sous tous ses aspects. Innocence et enfance bafouées, cauchemars, solitude, perte du sens social, ambiances troubles, aliénation, paranoïa, diabolisme même. C’est une aura sombre qui entoure la production de Polanski. Comme elle a enveloppé une grande partie de sa vie. «Mes films sont l’expression de mes désirs du moment», dit Roman dans sa bio Polanski par Polanski. On se demande ce qu’il raconterait aujourd’hui, à Zurich, dans l’angoisse d’être extradé vers les États-Unis, dans l’interrogation aussi de se demander pourquoi.
Pourquoi cette arrestation maintenant? Pourquoi ce retour en arrière subit et inattendu, lui qui menait enfin une vie sage et confortable à Paris, avenue Montaigne, avec sa femme Emmanuelle Seigner et ses deux enfants, Morgane, 16 ans, et Elvis, 9 ans?
Dans sa détention helvétique, Polanski doit revivre les heures les plus sombres de son histoire personnelle. Le ghetto de Cracovie quand il a 6 ans. L’arrivée sans le sou à Paris à 28 ans. L’assassinat de Sharon Tate, sa deuxième épouse, enceinte de huit mois, par les fous du gourou Charles Manson le 9 août 1967. La bile déversée par les tabloïds américains après ce massacre. Les bien-pensants associèrent le couple Polanski – Tate à la drogue, aux partouzes, au satanisme. Ils associèrent ses deux films vampirique et démoniaque, Le bal des vampires et Rosemary’s baby, à sa vie personnelle. En fin de compte, lançaient ces culs-bénits, tout ça c’est la faute aux blasphèmes, à l’arrogance, au sens de la dérision de Polanski.
Le cinéaste se rappelle sa déprime d’alors. Dont il est sorti grâce au travail. Grâce à Chinatown, ce film culte avec Faye Dunaway, John Huston, lui-même et Jack Nicholson, le nez barré d’un sparadrap devenu mythe. Grâce à Le locataire, qu’il joue avec Isabelle Adjani et Shelley Winters. On est en 1976. La déprime a fait place à la gloire, au luxe, à la vie facile, aux filles.
13 février 1977. La date doit être imprimée dans l’esprit de Polanski, qui doit se repasser dans sa tête le film de cette rencontre encore et encore. Il voit Samantha Gailey, 13 ans, chez sa mère, Susan, une actrice de feuilletons télé. Susan et Roman s’étaient rencontrés dans un club. Susan avait parlé de sa fille. Polanski devait précisément faire des photos d’adolescentes pour la version française de Vogue. Samantha est parfaite. Roman prend des photos dans la nature. Samantha accepte de se dénuder la poitrine. Ils prennent rendez-vous pour d’autres clichés, le 10 mars, dans le palace de Jack Nicholson. Photos, piscines, dope. Roman, 43 ans, et Samantha, 13, font l’amour. Quelques jours plus tard, le cinéaste est arrêté. Pour viol. Les rapports sexuels étaient consentis, argumente Polanski. Ce n’est pas vrai, rétorque Samantha. De toute façon, en Californie, juridiquement, un rapport sexuel avec une mineure est une relation sexuelle illégale. Même si la fille est consentante, même si elle n’est plus vierge – Samantha ne l’était pas.
Polanski s’en souvient certainement. Une certaine presse se déchaîne. On le traite de «violeur de bébés». Polanski est envoyé au pénitencier de Chino. Il y reste 47 jours, placé «sous observation psychiatrique».
Le juge chargé de l’affaire s’appelle Laurence Rittenband. D’après la journaliste Marina Zenovitch, qui réalisera plus tard un documentaire sur l’affaire, le juge veut la peau du cinéaste et est prêt à manipuler les avocats pour y parvenir. D’ailleurs il propose un deal à celui de Polanski: plaidez coupable, je lui évite la prison. L’avocat conseille à son client d’accepter. Et Rittenband mange sa parole: Polanski se retrouve à Chino. Un mois et demi plus tard, il obtient une libération sous caution. Et, terrifié par le juge, terrifié par la prison, terrifié par les 50 ans de taule que cette affaire pourrait lui coûter, il s’enfuit en Europe. Il n’a jamais remis les pieds aux États-Unis. Même pas pour venir chercher son Oscar en 2003. C’est Harrison Ford qui est venu le lui remettre au Festival du cinéma américain de Deauville.
Depuis, Polanski vit en France. Il a acquis la nationalité française. Ce qu’a rappelé fermement le ministre de la Culture Frédéric Mitterrand, qui s’est dit «stupéfait» par l’arrestation du cinéaste.
Cette affaire aurait pu être classée au début de cette année. Polanski avait introduit une action en justice auprès du tribunal de Los Angeles, lui demandant de classer la procédure qui court contre lui depuis trente-deux ans. Ses avocats s’appuyaient sur le documentaire de Zenovitch, qui met en évidence «un ensemble de mauvais comportements et de communications entre la cour et le bureau du procureur, en violation de l’égalité devant la loi, sans que l’accusé et ses avocats en aient connaissance
Ils se basaient aussi sur l’accord de la victime. Samantha Gailey-Geimer, aujourd’hui mariée et mère de famille à Hawaï, a publiquement pardonné le cinéaste et elle a demandé que l’affaire soit classée sur le plan judiciaire. «J’ai pressé le procureur et le tribunal d’abandonner les poursuites. Aussi vrais qu’ils soient, la publication des détails de cette affaire me fait mal à moi, à mon mari, à mes trois enfants et à ma mère.»
Le 7 mai dernier, le juge Peter Espinoza a rejeté la demande de Roman Polanski. Il a estimé que «le cinéaste n’avait pas le droit d’obtenir satisfaction tant qu’il resterait en fuite.» Polanski ne s’était pas présenté à l’audience. Il avait trop peur de s’y faire arrêter. Aujourd’hui, c’est la justice suisse qui pourrait l’extrader vers les États-Unis. //////Jean-Claude Vantroyen


Mot à Maux


Rédigé par psa le 06/10/2009 à 02:44



1 ... « 92 93 94 95 96 97 98 » ... 176