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Pierre S. Adjété
Pierre S. Adjété
Né à Lomé, PSA a fait ses études au Togo, au Gabon et au Canada. Économiste, administrateur et essayiste, PSA est un partisan assumé du «Grand Pardon» et un adepte de l’Éthique dans l’espace public; il est un acteur engagé dans des initiatives citoyennes et républicaines.




Au Togo, de nouveau l’avenir contre-attaque… et le passé résiste encore. Pourtant, « Il n’y a rien de permanent que le changement ». Pour combien de temps encore ce passé solitaire, clairement impopulaire et seulement auto-gratifiant, s’accrocherait-il aux chimères d’un présent enfumé au gaz lacrymogène et aux douilles meurtrières? On ne tire pas impunément sur le peuple que l’on gouverne : en 2010 plus qu’en 2005, en 1990 ou avant, une seule Togolaise tuée, un seul Togolais mort pour sa soif démocratique est et restera un mort de trop. Et c’est inacceptable lorsque cette mort advient sous les balles des gouvernants togolais eux-mêmes. Il devient alors et davantage un devoir républicain, une responsabilité citoyenne de ne pas accepter l’inacceptable de la violence politique érigée en système de dialogue nationale au Togo.


Le dialogue par la violence… Non Merci!
On peut tout reprocher aux Togolais sauf de savoir et de dire clairement ce qu’ils veulent : la dignité humaine et le droit de vivre dans un pays où l’arbitraire, seul et toujours, ne constituerait plus le mode de gestion de la chose publique. Il vient alors à l’idée ce particulier réalisme de John F. Kennedy : le monde n’est pas juste et ne le sera probablement jamais. Soit! Mais ajoutait-il, c’est de la responsabilité des dirigeants politiques de tout pays, des dirigeants du Togo en l’occurrence, de ne pas ajouter l’indifférence et l’indécence à l’inaction et l’indécision.

Depuis plusieurs mois, aucune porte de sincère dialogue politique n’a été ouverte par Faure Gnassingbé à destination des contestataires de son pouvoir, à la suite des dernières présidentielles togolaises, notamment et directement avec Jean-Pierre Fabre de l’UFC et Agbéyomé Kodjo de l’OBUTS. On s’entend bien : offrir des postes ministériels dans un gouvernement dédaigneux des aspirations d’une partie importante de la population togolaise n’est pas du tout un dialogue politique excitant des temps modernes avides de réels changements.

Aussi près que depuis 2005 seulement, le monde change et le contexte politique togolais a également changé. À l’incompétence politique avérée de Gilchrist Olympio –reconnue et alors camouflée par les siens devant leur idéal politique commun, a succédé une compétence patriotique d’obédience citoyenne sans aucune allégeance partisane trempée qu’un désir d’avenir autre. L’hypothèque Gilchrist Olympio clairement levée, nul brouillard n’obstrue l’horizon des Togolaises et des Togolais dans leur reconquête de la Liberté perdue, un devoir de dignité humaine, une responsabilité largement partagée sur l’étendue du territoire -même parmi ceux et celles qui ne parlent pas, avec le seul souci d’éviter l’escalade des tensions ambiantes. On les comprend : il est clairement visible que le Togo est devenu un baril de poudre qui n’attend seulement que son étincelle de trop, sa bougie d’allumage. Est-il nécessaire d’en arriver là, à un autre émiettement politique douloureux au Togo?

Depuis trop longtemps, les revendications professionnelles des différentes composantes de la société togolaise n’ont plus trouvé grâce aux yeux des gouvernants togolais, littéralement incapables d’engager des dialogues de type patronal avec les divers syndicats; un seul a osé en initier, tout le reste préférant encore et toujours dénoyauter, désintégrer, décomposer, dénaturer et dissoudre les organisations d’essence revendicatrice, au lieu de leur offrir des espaces de concertations sincères et respectueuses.

Ces techniques de gouvernance sans consistance et qui appartiennent à une autre époque reprennent ainsi vie au Togo; elles sont alimentées par l’illusion de la répression attentatoire répétitive ainsi que par le fourvoiement des erreurs politiques récurrentes et outrageantes. Nul ne peut toujours tromper son peuple, et penser pouvoir s’échapper à tous les coups avec la caisse commune en privant toujours les mêmes de leur dignité. Impossible!

On ne peut gouverner un pays par la répression continue de ses adversaires : un pouvoir sans opposition n’est autre chose qu’un pouvoir totalitaire. Pas moins au Togo qu’ailleurs, la répression comme seul mode de dialogue avec ses adversaires et opposants ne peut qu’amplifier la contestation active et passive jusqu’à l’explosion sociale. Est-ce l’objectif visé par le pouvoir togolais? Il y a vingt ans, le Togo en était arrivé à cette manifestation de rupture profonde qui n’a jamais su être colmatée depuis.

La tromperie politique que constitue le ralliement de Gilchrist Olympio et de ses prétendus Amis ne saurait attester d’une évolution politique de bonne foi au Togo. Bien au contraire, elle attise les déceptions d’un dol politique et d’une réconciliation au rabais. C’est face à ce mécontentement légitime que se doit de naître le dialogue véritable au Togo. C’est tout le contraire qui s’est mis en branle : l’envers du dialogue, la face cachée de la réconciliation, l’opposé du Togo promis.

En effet, le dialogue politique au Togo ne peut prendre tout son sens que dans la fertilité de l’adversité résolue et pacifique comme c’est le cas actuellement ainsi que dans le couronnement du débat contradictoire raisonné et diligent comme nous l’attendons; mais aucunement à travers la régence testamentaire et duplicative des pratiques antiques excessives de sauteries sur ses propres concitoyens.

La beauté même de l’art politique et ses exigences scientifiques et éthiques ne peuvent longtemps demeurer profanées et toujours réincarnées par l’incompétence politique au Togo. Aujourd’hui, c’est un devoir de s’opposer à cette incompétence politique avérée et coûteuse qui n’a de cesse de confondre gouvernance à violence, confondre dialogue et monologue.

Faure Gnassingbé ne peut continuer à ajouter l’indécence de la violence à l’indifférence de son monologue. Le Togo doit changer! Le Togo qui nous est aujourd’hui offert en spectacle tragique ne nous satisfait pas. Le Togo d’aujourd’hui ne donne plus satisfaction ni fierté au peuple togolais dans sa réelle majorité, qu’elle soit active ou silencieuse, dans les frontières nationales de ce pays ou à travers la diaspora. Et il est grandement temps que cela soit entendu : que le passé ne peut triompher de l’avenir de toute une nation!


Silence


Rédigé par psa le 23/06/2010 à 00:00
Tags : Dialogue Togo Violence Notez



Journalistes et lecteurs du prestigieux quotidien dénoncent l’ingérence «inacceptable» de Nicolas Sarkozy dans le processus de recapitalisation en cours. Ils défendent aussi un «modèle unique», plus complexe en réalité qu’il n’apparaît dans la légende du journal. Que dire du Monde, auquel plus de trente livres ont déjà été consacrés? Leur ton souvent critique, voire hostile, en dit plus long que leur contenu sur les attentes immenses entourant ce «modèle particulier» de la presse francophone, où se mêlent la figure tutélaire du père fondateur, Hubert Beuve-Méry, une indépendance farouchement affichée et le poids de la société des rédacteurs.


HBM en 1969
HBM en 1969
Quelle que soit la solution de recapitalisation qui devrait être adoptée le 28 juin par le conseil de surveillance du groupe et deux jours plus tard par son assemblée générale, «une page se tournera», dit Gilles van Kote, président de la société des rédacteurs du Monde (SRM), jusqu’ici actionnaire de référence du groupe. Celle-ci devra s’effacer devant les investisseurs extérieurs qui combleront les dettes du groupe – 80 à 200 millions d’euros selon les sources.

«Je ne voterai pas la vente du Monde », dit Béatrice Gurrey, qui présidait la SRM jusqu’en 2008. Les 49,5% de voix détenues par les différentes sociétés du personnel constituent «une formule exceptionnelle, adaptée à ce journal et à son histoire, et qui gêne beaucoup de monde». La convocation à l’Elysée d’Eric Fottorino, président du directoire du Monde, a ravivé les craintes. Nicolas Sarkozy utiliserait le levier des subventions – 1,5 milliard d’euros par an pour toute la presse française, la plus aidée du monde occidental – pour écarter du jeu les investisseurs dont les penchants politiques entraveraient sa réélection en 2012.

Ingérence politique! Les sombres anticipations de ceux qui voient Le Monde à la botte du capital ou de l’Etat semblent se réaliser. Dans l’édition datée de ce 17 juin, un communiqué signé du «pôle d’indépendance du groupe» qualifie d’«inacceptable» l’intervention présidentielle et «souhaite que les fonds d’origine publique ne soient pas utilisés pour tenter d’orienter le choix que fera souverainement le conseil de surveillance». Ce pôle, regroupant les actionnaires internes et la société des lecteurs, «pèse» 11 sièges sur 20 au conseil de surveillance. A regarder d’un peu plus près l’histoire du quotidien et celle de sa société des rédacteurs, on constate que le «modèle» repose (aussi) sur certains mythes et «malentendus», comme le relève Patrick Eveno, un des meilleurs connaisseurs du Monde.

Sa création, en 1944, découle déjà d’une décision politique du général de Gaulle. La plupart des titres d’avant-guerre sont interdits à la Libération – dont Le Temps, coupable de penchants vichystes. C’est néanmoins dans cet ancien journal influent de la IIIe République que de Gaulle va chercher Hubert Beuve-Méry (HBM). Ce dernier n’a jamais aimé le terme d’«institution» souvent accolé au Monde, «trop figé, trop solennel. Je lui préfère celui d’aventure, risquée au début». Il revendique un journal «sans fil à la patte, qui ne doit rien à personne – Etat, puissances d’argent, syndicats ou Eglise».
La société des rédacteurs voit le jour en 1951, suite à un conflit éditorial sur la place de l’Europe dans le monde d’après-guerre. Le libéral René Courtin, atlantiste convaincu, s’oppose au philosophe Etienne Gilson, qui la veut indépendante de l’Ouest comme de l’Est; Hubert Beuve-Méry se situe entre les deux, plus proche du second. Courtin claque la porte, HBM démissionne. L’académicien Emile Henriot, qui avait vécu la vente occulte du Temps à un consortium de grands patrons en 1929, s’alarme et s’écrie: «Ne nous laissons pas, cette fois-ci, vendre avec les meubles!»

A l’occasion d’une augmentation de capital, la société des rédacteurs en reçoit 28,5%, c’est-à-dire la minorité de blocage. Hubert Beuve-Méry, revenu sur sa démission, la surnomme «le soviet de la rue des Italiens», où se fait alors Le Monde. Il n’en reste pas moins «un patron de droit divin, nommé par le pouvoir et nommant ses successeurs», observe Patrick Eveno. La SRM ne choisit pour la première fois le directeur (Claude Julien) qu’en 1980. Pour les trois suivants, elle entérine des choix faits sans elle. En 1994, elle élit Jean-Marie Colombani – et s’en mordra les doigts quand sa stratégie d’expansion aura creusé un trou de 100 millions d’euros.
Seul exemple de ce type pendant quinze ans, la SRM a essaimé ensuite dans une vingtaine de rédactions. Le modèle a connu son apogée dans la foulée de Mai 68 avant de décliner, notamment sous les coups de boutoir de Robert Hersant. «Dans la pratique, ces sociétés ont joué un rôle plus déstabilisateur qu’organisateur», résume Patrick Eveno, très critique sur le mélange de casquettes.

Le Monde Comme un Journal
Le deuil inachevé du «Monde»

Quant aux rapports du Monde avec la politique, ils n’ont pas toujours été aussi purs que le veut la légende. En 1985, François Mitterrand, mécontent du directeur d’alors, André Laurens, «qui ne sait pas tenir ses journalistes», intrigue pour qu’il soit remplacé par André Fontaine, qu’il qualifie de «successeur naturel». Afin d’appuyer ses propos, il suggère au patron de la banque BNP, un de ses proches, de couper les vivres au journal. André Fontaine s’assied dans le fauteuil directorial, choisi sans vote par HBM. Le Monde lui-même, oubliant les préceptes de son fondateur, se met un «fil à la patte» en soutenant Mitterrand, élu président en 1981. Le journal perd un quart de son lectorat dans les deux années qui suivent. C’est à partir de ce moment aussi qu’il cesse d’être rentable et subit ses premières attaques. Dans «Le Monde» tel qu’il est, Michel Legris lui reproche d’être une «société anonyme à responsabilité diluée» aux positions «tortueusement camouflées», un journal qui «après avoir marqué son temps, a fait son temps».

L’attaque est dure, mais ce n’est rien en comparaison de celle que lancent Pierre Péan et Philippe Cohen en 2003 dans La Face cachée du «Monde». Un triomphe en librairie. Cette fois, ce sont les liens financiers et «abus de pouvoir» du quotidien, ou plus précisément du trio qui le dirige – Jean-Marie Colombani, Alain Minc et Edwy Plenel – qui sont décortiqués et dénoncés. On ne refera pas ici ce procès-fleuve (Patrick Eveno juge l’essentiel de ces reproches infondés ou exagérés). L’intérêt du livre est dans ce qu’il déclenche. Une partie de la rédaction se dresse contre l’autre, une ombre de soupçon plane désormais sur le titre. «Combiner les fonctions de directeur et de rédacteur en chef dans les mains d’une même personne suscitait la tentation de mêler journalisme et affaires. Le problème n’était pas l’existence de conflit d’intérêts, mais l’impression constante qu’il pouvait y en avoir», écrit Rodney Benson, de la New York University. Cela d’autant plus que Jean-Marie Colombani, convaincu qu’un titre isolé est plus fragile qu’un groupe diversifié, s’est lancé dans une politique agressive de rachats: Télérama , Midi Libre , Courrier international , ainsi qu’une participation au Temps (suisse) aujourd’hui diluée à 2,1% du capital. Pour cela, il a beaucoup endetté et complexifié le groupe dans une cascade de holdings. C’est ce château de cartes qu’abat la double crise – financière, suite à la chute des recettes; de confiance, après le livre Péan-Cohen. Les têtes roulent. Le Monde a déjà connu maintes crises, mais celle-là est plus profonde.

«Il ne s’agit pas de coller une nouvelle rustine, il faut un vrai projet pour ce groupe», dit un connaisseur du dossier. Or les groupes de presse étrangers qui l’ont étudié se sont désistés (Ringier, L’Espresso) ou ont demandé un délai, comme l’espagnol Prisa, lui-même endetté à hauteur de plusieurs milliards d’euros et en négociation avec Liberty Acquisition Holdings. «Pas question de passer sous la coupe d’un fonds américain», entend-on déjà dans les couloirs du Monde. Le groupe a besoin de 10 millions d’euros, vite. Jusqu’à ce mercredi la seule offre ferme était celle du milliardaire octogénaire Pierre Bergé (cofondateur de la maison de couture Yves Saint Laurent, joint à Matthieu Pigasse (banque Lazard) et Xavier Niel (actionnaire principal du fournisseur d’accès internet Free). Outre le fait que le trio déplaît à Nicolas Sarkozy, son projet industriel reste flou. D’ailleurs la SRM n’en demande pas, bien que l’imprimerie du journal, obsolète, soit un boulet, de même que le système actuel de distribution. Mieux, la SRM, par la bouche de son président Gilles van Kote, veut «un droit de regard sur les futurs actionnaires». La page n’est donc pas aussi tournée qu’il le dit. Le Monde n’a pas encore fait le deuil de son passé. Aussi, ceux qui s’intéressent à cette «institution» devenue «une marque très forte» selon les mots de son directeur Eric Fottorino, n’ont pas tous posé leur jeu sur la table. C’est le cas de Lagardère (17% du capital). Mercredi, Claude Perdriel, président fondateur du groupe Nouvel Observateur, qui possède 1,7% des actions du Monde a annoncé qu’il s’était allié à France Télécom pour déposer une offre de rachat. D’autres encore attendent peut-être que la situation se décante.///////Jean-Claude Péclet




Silence


Rédigé par psa le 17/06/2010 à 03:00



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