Profil
Pierre S. Adjété
Pierre S. Adjété
Né à Lomé, PSA a fait ses études au Togo, au Gabon et au Canada. Économiste, administrateur et essayiste, PSA est un partisan assumé du «Grand Pardon» et un adepte de l’Éthique dans l’espace public; il est un acteur engagé dans des initiatives citoyennes et républicaines.




John Collier, Le collier du Déserteur, Lilith
John Collier, Le collier du Déserteur, Lilith
L’ère post Olympio a commencé beaucoup plus tôt que prévu. C’est tant mieux! Pour qu’il n'y ait pas de confusion, on parle bien de l’ère post Gilchrist Olympio. En fait, l’UFC dégilchristianise sa pensée, sa philosophie, son avenir même dans le contexte politique togolais. Ainsi, c’est la fin de la sclérose du parti politique le plus populaire et le plus inefficace dans l’histoire du monde. L’UFC a beaucoup plus de chance de réussir aujourd’hui que sous l’ère de Gilchrist Olympio, devenu Gilchrist Gnassingbé depuis mai 2010 au terme de l’Accord politique consacrant l’entrée de son groupe d’amis et fidèles dans le gouvernement.

Une parenthèse… le principe de cet accord est malicieux et donc inacceptable politiquement et qui plus est inefficace au plan des résultats pour les Togolais. Naturellement, je suis contre et bien contre! Je suis contre car le chef de l’État togolais a consacré la division d’un parti politique; c’est de basse facture et peu éthique qu’un chef d’État persiste dans cette voix pour vouloir accentuer l’éclatement d’un parti politique. Ce n’est pas la plus grande des trouvailles politiques et s’y adonner est la preuve que l’on manque d’imagination politique. Faure Gnassingbé semble clairement en manquer et semble bien s’inscrire dans une perspective sans grande hauteur de laquelle il ne gagnerait pas grand’chose, retardant inutilement l’avènement de la réconciliation au Togo. Faure n’a pas parlé avec Jean-Pierre Fabre et le fait avec Gilchrist Olympio avec qui il conclut une Alliance. Le résultat symbolique de cette prise est fort en apparence, mais pour les « Deux Solitudes Togolaises » rien n’aura bougé. C’est donc un Accord sans grande hauteur politique, dans ce sens qu’il a été réalisé avec un chef finissant et en mal de vengeance… Fin de parenthèse.

L’erreur de Faure Gnassingbé réside surtout dans le fait qu’il retarde la réconciliation togolaise. Faure a usé d’un principe de l’art militaire avec lequel il est plus familier, instinctivement : la « rapidité d’action ». Pendant qu’il y avait problème à l’UFC, il a tablé sur l’avantage qu’il aurait à tirer profit de la situation, rapidement, en allant le plus loin possible… C’est fait! Sauf qu’au Togo on n’est pas en guerre, on est en politique et ce pays est en quête de réconciliation. Même dans le champ politique, l’on peut être tenté de penser que Faure y a intérêt. Mais un intérêt illusoire et très passager qui ne possède aucune valeur dans la durée et surtout décrédibilise totalement le chef de l’État togolais dans sa démarche de réconciliation. C’est assez grave que la personne qui doit prendre le leadership dans la nécessité de réconciliation au Togo soit entourée de soupçon ou soit vue comme usant de tromperie et ne pensant qu’à elle-même plutôt qu’à l’intérêt public dont elle devrait être la garante. C’est de la politique… de la toute petite politique qui ne fait pas les grands hommes d’État. Il est temps que Faure Gnassingbé change de conseillers proches et sorte de la vieille logique du sovietogo qui l’entoure.

Au-delà de Faure Gnassingbé, c’est Gilchrist Olympio qui est définitivement enterré, à l’opposé de son père : anathèmes et déshonneur pour le fils qu’il est, gloire et honneur pour le père qu’il avait eu. La seule chose qui lui reste à faire, la chose qui reste à Gilchrist Olympio dans son nouveau rôle c’est d’autoriser contre la volonté du reste de la famille Olympio, le rapatriement des restes de son père Sylvanus Olympio au Togo. Déjà, il se dit que la bisbille a pris dans la famille sur sa collaboration maladroite et de peu de hauteur, dans les circonstances actuelles, avec Faure Gnassingbé. C’est pourquoi il faut bien faire la distinction entre l’héritage de Sylvanus Olympio et son ambition pour le Togo dont les Togolais restent toujours admiratifs et se sentent héritiers, et les errements du fils Gilchrist, son égoïsme maladif, destructeur et retardataire du Togo. De ce fait, il s’agit bien pour l’UFC d’effacer l’incompétence politique de Gilchrist plutôt que la grandeur indélébile de Sylvanus. On parle ainsi de la dégilchristianisation, un vrai déchouquage ou déracinement à l’haïtienne de toutes les entraves que constituait l’incompétence politique de ce fils égaré dans un domaine où il ne devrait jamais s’aventurer, faute de capacité, faute de jugement. La vengeance n’est pas une bonne conseillère, qu’elle ait été contre Étienne Gnassingbé Eyadema auparavant ou qu’elle soit contre Jean-Pierre Fabre aujourd’hui. Dans le déshonneur, le fantassin Gilchrist Olympio, déserteur des rangs du peuple, traine désormais une silhouette timorée qui cache à peine l’écriteau visible en son dos : je suis venu, j’ai détesté, j’ai trahi. Il s'en va, et il s'en va par une fin de vie lamentable...




Mot à Maux


Rédigé par psa le 01/06/2010 à 12:25



La traque de l’homme réclamé par la justice américaine a fait au moins 50 morts. Le narcotrafiquant reste introuvable. Cheveux ras et fin collier de barbe encadrant un visage de boxeur, Michael Christopher Coke, 41 ans, était jusqu’au milieu de la semaine dernière un parrain discret, redouté et respecté de la pègre en Jamaïque. Plus soucieux de faire fructifier son juteux business officiel lié aux travaux publics et au transport de marchandises que d’attirer l’attention par ses frasques, «Dudus» – comme il est surnommé – s’était prudemment tenu à l’écart du maelström médiatique. Ses nombreuses accointances politiques, tant au sein du Parti travailliste jamaïcain (JLP, au pouvoir) que du Parti national du peuple (PNP, opposition) lui valaient une paix souveraine qui lui permettait de blanchir tranquillement les fabuleux bénéfices générés par le trafic de drogue et d’armes à destination de l’Amérique du Nord. Mais tout peut avoir une fin.


Sylvie Breysse
Sylvie Breysse
Prise sous la pression insistante de Washington, la décision du premier ministre Bruce Golding de le faire arrêter et de l’extrader vers les États-Unis a déclenché une véritable guerre civile à Kingston, capitale de la Jamaïque. Les Américains le considèrent en effet comme le «parrain le plus dangereux du narcotrafic à la surface du globe» et veulent le juger sur leur territoire où il risque la prison à vie et des millions de dollars d’amende. Des milliers de ses partisans, puissamment armés et venus de tous les coins de l’île, affrontent la police et l’armée depuis une semaine dans son antre de Tivoli, un quartier populaire de la capitale décrit par la presse locale comme une «mini-république du crime». Les combats auraient déjà fait au moins 60 morts et plus de 200 blessés, dont 44 civils tombés sous le feu croisé des belligérants. Les forces de l’ordre, souvent moins bien dotées en arsenal, ont peiné à rétablir le calme. Sur les barricades érigées pour empêcher la police de progresser, les partisans de Coke narguaient les autorités en scandant: Leave Dudus alone. L’homme court toujours.
Car «Dudus» Coke, outre le nom prédisposé dont il a hérité pour un narcotrafiquant, est un «capo» populiste et populaire dans les bas quartiers de Kingston et dans le département limitrophe de Saint Andrew (sud-est). Véritable «Christ» ou «Robin des Bois» pour ses aficionados, lui et ses hommes de main distribuent des milliers de dollars aux chômeurs, payent les soins médicaux pour les plus défavorisés, fournissent blouses, cahiers, livres et stylos aux élèves du primaire et font régner un semblant d’ordre dans ces quartiers délaissés par les autorités. «Il a transformé un quartier en proie au crime et à la violence en un endroit où les gens peuvent gagner de l’argent», confiait lundi au journal Jamaican Observer son ancien avocat, le sénateur Tom Tavares Finson. L’homme politique, proche de Coke et ancien mari de la Miss Monde 1976 Cindy Breakspeare (elle-même ex-femme du chanteur Bob Marley et mère de son fils Damien), voit en «Dudus» Coke un «honnête homme d’affaires». Sur le modèle peut-être des mafias colombiennes des années 1980, et notamment du redoutable cartel de Medellin dirigé d’une main de fer par Pablo Escobar, héros des pauvres. Au point de s’approprier, en l’adaptant à la sauce locale, le célèbre précepte des mafias colombiennes: «Mieux vaut une tombe en Colombie [ndlr: en Jamaïque] qu’une prison chez les Yankees.»

La mémoire du père
Coke, également connu dans Tivoli comme le «président» ou Shortman, a hérité de l’empire du crime construit dans les années 1980 par son père, Lester Lloyd Coke, fondateur du Shower Posse (le «gang des douches», nommé ainsi parce qu’il a la réputation «d’arroser» ses victimes de balles). Son refus obstiné de l’extradition pourrait trouver ses racines dans la saga paternelle: Lester Coke est mort en 1992 dans un mystérieux incendie qui a embrasé sa cellule alors qu’il attendait lui-même d’être extradé aux États-Unis. Des commentateurs ont avancé qu’il était détenteur d’informations susceptibles de mouiller le gouvernement d’alors. Deux frères et une sœur de Christopher Coke ont aussi perdu la vie. «Dudus» a pour sa part su faire prospérer la fortune dynastique en menant d’ambitieux projets de construction financés par des fonds publics octroyés par l’administration Golding. Le premier ministre s’était d’ailleurs fait élire parlementaire dans la circonscription où Coke et son Shower Posse ont leur quartier général. En y établissant son plein pouvoir et en y réglementant la vie quotidienne, Coke était de fait devenu l’allié principal du politicien dans ces zones difficiles. Jusqu’au brusque retournement de Golding, qui a décrété dimanche l’état d’urgence pour un mois en promettant désormais de «combattre les puissances du mal».///////// Gérard Thomas



Mot à Maux


Rédigé par psa le 27/05/2010 à 00:32



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