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Pierre S. Adjété
Pierre S. Adjété
Né à Lomé, PSA a fait ses études au Togo, au Gabon et au Canada. Économiste, administrateur et essayiste, PSA est un partisan assumé du «Grand Pardon» et un adepte de l’Éthique dans l’espace public; il est un acteur engagé dans des initiatives citoyennes et républicaines.




La Liberté n’est pas un surplus démocratique, encore moins une angoisse pour des gouvernants en mal de décisions politiques. Pour s’être aventuré négligemment sur le terrain de la Liberté, le gouvernement togolais court le risque de fragiliser de nouveau sa propre position face à ses adversaires et fournir, autant à ceux-ci qu’à la communauté des droits humains, de nouveaux fouets d’acerbes critiques justifiées.


Liberté Contrefaite


Le fameux projet de loi sur les « conditions d’exercice de la liberté de réunion et de manifestation sur la voie publique » dégage une senteur tellement répressive qu’il devient réellement infructueux dans le Togo politique d’aujourd’hui. Inutilement, le mal des deux solitudes togolaises est trainé en longueur par ceux qui ont le devoir de l’écourter en se donnant de saines limites à ne pas franchir pour le seul plaisir de tenir leurs concitoyens en respect face aux récents mouvements des peuples en ébullition.

En tout temps, l’acte politique doit se soumettre au constant exercice de clarification afin d’éviter de sombrer dans l’absolutisme. Un an après les élections présidentielles au Togo, nul ne pouvait s’attendre à cette sortie, tout à fait intempestive, sur les droits fondamentaux universellement associés à la Liberté des citoyens. Au Togo, dans un pays soumis aux deux solitudes qui ont toujours peine à se rapprocher, il y a véritablement danger à vouloir légiférer sur la Liberté dans le seul confort unanimiste d’un conseil de ministres bien formaté et très encadré, encore moins devant un parlement trop maitrisé et surabondamment composé des obligés du pouvoir exécutif. Le débat –si débat il y a, se doit de sortir de ces cadres politiques non-contradictoires.

Autant « Le bon Dieu n’est pas obligé » de tout exhausser, le gouvernement togolais ne doit pas se sentir devoir tout réglementer au Togo, sans verser dans l’institutionnalisation d’un retour progressif et désastreux à une dictature rampante, à une démocrature avait déjà conceptualisé le professeur Yao Assogba plusieurs années auparavant et face au cas togolais. Le coût social, le coût d’opportunité d’une telle aventure politique excède largement le gain présumé. C’est l’erreur fatale qui étiquettera définitivement tout un gouvernement qui est encore sous l’obligation du double serment de l’ouverture et de la réconciliation.

Dans une certaine précipitation inexplicable, Faure Gnassingbé trahirait définitivement sa propre promesse d’un Togo apaisé, malgré l’arsenal des moyens d’État dont il disposerait facilement pour appliquer cette inopportune loi. Car, le scénario mis en œuvre clairement par le gouvernement togolais culmine dans la fausse idée d’une infraction collective imputable à tous les Togolais à punir absolument. Une faute collective et surtout un péché originel de Liberté dont tout citoyen du Togo resterait affublé à sa naissance. Or, la Liberté est un pain quotidien qui ne se mange pas que certains jours de semaine, et seulement à des endroits précis désignés par le gouvernement du Togo à des citoyens asservis, admonestés, intimidés, gazés ou placés sous la menace des coups de bâton permanents. On parlerait alors d’une Liberté contrefaite, ce dont les peuples ont un dégoût naturel.


Égoïsme tranquille
Les militants de la dissidence qui tous les samedis contestent le pouvoir de Faure Gnassingbé –dans leur stratégie légitime dont l’efficacité reste toutefois à prouver, associés aux appels réguliers des uns et des autres à la mise en œuvre d’un Modèle togolais dans la Bonne foi, la Vérité et le Grand Pardon n’auront donc eu pour seule réponse qu’une décevante défiance de la Liberté? Étonnant!

Les possibilités de rapprochement sont pourtant réelles et deviennent même impératives au Togo. À la place, le Togo traine en longueur son mal politique en dehors des vertus apaisantes de l’humilité d’État souvent demandée aux détenteurs de la puissance publique. L’égoïsme tranquille ne sied pas du tout au cas lancinant du Togo; un pays où la culture de la détestation de l’autre politique s’est installée à la place de la nécessité d’une convergence salutaire raisonnée : une offre sincère, justifiée et documentée, que le gouvernement a toujours le devoir de présenter à la gente politique et citoyenne.

Le gouvernement togolais doit ainsi apprendre à faire la sourde oreille, s’abstenir des seules démonstrations inconvenantes de la force et de ces amples et grandiloquentes levées de boucliers qui ne sont que des contrefaçons de la Liberté, une malfaisance politique face à ses obligations les plus urgentes; le gouvernement doit apprendre véritablement à se discipliner face aux hostilités faciles à engager et aux sous-produits de la discorde attentatoire à la détente politique au Togo et à la Liberté de ses propres citoyens. Faire face à la contestation est encore le propre de tout pouvoir politique; savoir gérer ces situations avec détachement et reconnaissance de ses propres limites demeure un gage de réussite.

L’histoire nous enseigne les vertus des limites fixées et respectées par les puissances publiques elles-mêmes : « C’est le mépris des limites tracées par l’expérience, le bon sens et la loi » qui aurait fait perdre l’Allemagne, dixit Charles de Gaulle. Il doit avoir raison puisque son ami Winston Churchill lui-même, dans l’isolement et la solitude des durs moments de son combat, n’avait eu que de la détermination, la sueur aussi, des larmes et du sang surtout (“I have nothing to offer but blood, toil, tears and sweat”) à offrir au peuple britannique lorsque la Liberté était en danger face à la non-limite des Allemands d’alors. Le succès britannique était au bout, non pas des gros moyens, mais de l’attitude de sincérité et du leadership face à tout un peuple en désarroi.

Indubitablement, la Liberté ne fatigue jamais les peuples. Bien au contraire, et quand s’annonce la répression, quand se profile à l’horizon des peuples les abus des gouvernants, comme réponse et davantage encore, leur « cœur soupire vers la Liberté »; ce qui est particulièrement vrai dans le cas togolais où l’imagination politique aiderait mieux à rapprocher nos deux solitudes depuis tout le temps que dure ce mal de vivre ensemble occulté et passé sous silence.



Des électeurs oubliés –environ un million s’il vous plait entre 2006 et 2011, des cartes électorales introuvables, une liste électorale particulièrement inopérante (Lépi) à la place d’une Liste électorale permanente informatisée, la vraie Lépi attendue par l’électorat et fièrement par tout un peuple, etc. C’est le portrait fidèle et décapant de la situation ahurissante que vit le Bénin d’avant les élections présidentielles 2011. Évènement majeur dans la vie démocratique, les élections présidentielles au Bénin sont malheureusement à l’image du quinquennat de Boni Yayi: lamentable et pitoyable.


Armand Pascal Aniambossou, Et quand le peuple se lèvera
Armand Pascal Aniambossou, Et quand le peuple se lèvera


Une preuve? Tout un pays s’est résolu à demander le report des élections à travers son Assemblée nationale, et sans aucune voix dissidente; une première dans le Bénin démocratique qui était pratiquement au bord d’un abyssal gouffre. Le risque était grand et visible, et ce n’est nullement parce que Boni Yayi était du nord comme il le prétend avec démagogie désormais. Mathieu Kérékou n’était-il pas du nord du Bénin? Nicéphore Soglo n’avait-il pas été battu par le même Kérékou? Comment justifier alors la candidature actuelle d’Abdoulaye Bio-Tchané, également originaire du nord du Bénin? Une vraie déception politique difficile à cacher que ce Boni Yayi!

Celui qui avait réuni les trois quarts de l’électorat béninois il y a à peine cinq ans –un vrai consensus démocratique, et qui aurait aidé à consolider la démocratie au Bénin, hors de la partisannerie et du sectarisme, s’est révélé n’être qu’un mauvais choix, un piètre casting pour asseoir une république renaissante et vigoureuse comme celle du Bénin. Népotisme et sectarisme, amateurisme et régionalisme, roublardise et passage en force, aucun attribut ne saurait être sévère en face du décevant résultat politico-social, voire économique –le scandale financier ICC Services étant le meilleur exemple, de celui que les Béninois trouvaient capable de faire reculer la pauvreté, Ya’Yi, cette malheureuse « richesse des nations » africaines.

Moins qu’avec le militaire Mathieu Kérékou et l’énarque Nicéphore Soglo, le Bénin démocratique a souffert beaucoup plus de Boni Yayi, le docteur en économie et ancien banquier développeur jadis juché sur un promontoire au siège de la Banque Ouest Africaine de Développement (BOAD) à Lomé. La pratique de la petite politique a fait ses œuvres et le peuple est obligé de descendre dans les rues pour réclamer de nouveau un report des présidentielles, défiant même les dispositions constitutionnelles à son corps défendant.

Il est difficile d’imaginer comment les instances dirigeantes du Bénin auraient refusé une telle évidence à la population, sans risque d’implosion du pays. Avec une certaine sagesse et audace, des médiateurs locaux, le clergé catholique ainsi que les anciens présidents Émile Derlin Zinsou et Nicéphore Soglo tout comme la communauté internationale –l’ONU, l’Union Africaine et la CEDEAO notamment, en étaient arrivés à la même conclusion d’un second report des élections attendues ce dimanche 6 mars 2011; des élections négligemment préparées et en tout point inacceptables en l’état des choses. Le Boni Yayi, chef de l’État béninois, ne voyait rien et n’entendait rien; il sera le tout dernier à adhérer au report et à agir en conséquence. Toutes les entraves seront-elles levées pour faciliter la participation effective des populations le 13 mars 2011? Une course à l’efficacité organisationnelle, longtemps bâclée, vient de s’engager sérieusement au Bénin pour racheter, non pas les citoyens, mais véritablement une administration électorale laxiste.

Abonné au parler-pour-ne-rien-dire, Boni Yayi –au demeurant ami et adepte de Laurent Koudou Gbagbo, aurait-il songé un temps soit peu que le désordre politique lui aurait profité? Nul ne le saura avec certitude. Toujours est-il que l’abîme démocratique creusé maladroitement par Boni Yayi se doit d’être sérieusement colmaté. Et le meilleur service que l’on peut rendre au Bénin est d’aider à la fermeture rapide et suffisante de la parenthèse Boni Yayi qui n’a que fragilisé toutes les institutions républicaines de ce pays-modèle démocratique de la francophonie africaine.

Les Béninoises et les Béninois ont le devoir impérieux de couper court, très court, la plaisanterie politique risquée et peu édifiante de Boni Yayi. Autant Adrien Houngbédji que Abdoulaye Bio-Tchané feront beaucoup mieux l’affaire du Bénin post-Yayi, un « pays pagailleur » certes, mais un pays démocratique dans lequel les élections ont un sens et doivent le conserver en intégrant toutes les voix des Béninoises et des Béninois en âge de voter, qu’ils soient du nord ou du sud du pays. Vivement!


Horizon


Rédigé par psa le 04/03/2011 à 20:00



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