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Pierre S. Adjété
Pierre S. Adjété
Né à Lomé, PSA a fait ses études au Togo, au Gabon et au Canada. Économiste, administrateur et essayiste, PSA est un partisan assumé du «Grand Pardon» et un adepte de l’Éthique dans l’espace public; il est un acteur engagé dans des initiatives citoyennes et républicaines.




Après une longue traversée du désert, les deux plus beaux CV de la France effectuent un retour en grâce dans le cœur de leurs compatriotes et même sur la scène internationale. C’est vrai que Les dinosaures n'ont pas définitivement disparu. La preuve, Laurent Fabius est devenu le ministre favori des Français et Alain Juppé, leur personnalité préférée… une véritable prime à l’expérience, et pourquoi pas à la compétence.


Une combinaison gagnante: le Jubius
Une combinaison gagnante: le Jubius
Pourtant, depuis le début du quinquennat de François Hollande, les personnalités politiques à la mode ont de quoi reléguer les deux légendes de la politique au rang de vieilles reliques de la Ve République : le viril et autoritaire Manuel Valls, la féministe et dynamique Najat Vallaud-Belkacem, la téméraire Marine Le Pen avec ses jeans, ses santiags et son Front national new-look...

Mais, aujourd'hui, les deux sages prennent leur revanche sur cette hirsute et fougueuse jeunesse. Une prime à l'expérience et à la sagesse : Juppé était appelé "le meilleur d'entre nous" par Jacques Chirac. Laurent Fabius, plus jeune Premier ministre de l'histoire à 37 ans, était le successeur désigné de François Mitterrand. Les deux hommes ont des CV longs comme le bras. Passés par les meilleures écoles, ils ont tous deux occupé différents postes au gouvernement, y compris à Matignon. Mais ils ont également connu de longues traversées du désert.

Alain Juppé, condamné dans l'affaire des emplois fictifs de la Ville de Paris, fut très près de succomber à la "tentation de Venise", soit la volonté de tout lâcher pour se consacrer à des activités plus épanouissantes. Après ses déboires, il s'est exilé au Canada, puis s'est réfugié à Bordeaux, la ville dont il est maire. On se rappelle également son triste départ du gouvernement Fillon après avoir été battu aux législatives de 2007...

De perpétuels perdants

La carrière de Laurent Fabius a également connu des turbulences. Son image fut éclaboussée par l'affaire du Rainbow Warrior, un bateau de Greenpeace dynamité par la DGSE en 1985, lorsqu'il était Premier ministre. Puis tachée par l'affaire du sang contaminé. Son engagement pour le non lors du référendum sur la Constitution européenne en 2005 lui a en outre collé une réputation de traître à sa propre cause. Depuis, son parcours politique est loin d'être à la hauteur de ses ambitions. Surnommé le "serial loser" par Le Nouvel Obs il y a seulement trois ans, il a terminé dernier à la primaire socialiste de 2006 et ne s'est même pas présenté à celle de 2011...

Comment ces deux bêtes politiques blessées ont-elles réussi à retrouver une seconde jeunesse ? Selon Jean-Marc Lech, président de l'institut de sondage Ipsos, cette popularité nouvelle s'explique par un passage au Quai d'Orsay, tremplin qui permet de "composer et de recomposer une image à l'abri des problématiques à risque comme l'emploi ou la sécurité". "Composer" dans le cas de Dominique de Villepin qui devint très populaire après son très lyrique discours à l'ONU contre l'intervention des États-Unis en Irak. "Recomposer" pour Alain Juppé et Laurent Fabius : l'image des deux hommes est aujourd'hui à des kilomètres des tempêtes judiciaires et médiatiques qu'ils ont connues par le passé.

Les affaires judiciaires qui impliquent aujourd'hui des responsables publiques et s'accumulent contribuent à minimiser leurs actes. Un phénomène amplifié par le bouleversement médiatique induit par les chaînes d'information en continu. "Ces dernières ne possèdent pas de larges stocks d'images des deux hommes qui rappellent leurs infractions", rappelle Jean-Marc Lech. En clair, il suffit d'allumer la télé pour voir Jean-François Copé parler de la transparence de la comptabilité de l'UMP..., de quoi faire oublier les images de Laurent Fabius en train de s'exprimer sur l'affaire du sang contaminé.

D'une manière plus générale, ces deux vieux de la vieille de l'information, plus habitués à la déclaration du 20 heures de TF1 qu'à l'épanchement au moindre micro tendu, maîtrisent bien leur communication. Les rares apparitions de Laurent Fabius se font depuis l'étranger et renforcent sa stature d'homme d'État. Et quand Alain Juppé a quelque chose à dire, il s'exprime sur son blog. Dans un climat politique fait de coups bas, d'extrême violence politicienne, de perte de crédibilité de nos responsables publics, il est bon de se hisser au-dessus de la mêlée.

À recours incontournables

Autre argument avancé par l'éditorialiste Alba Ventura ce vendredi sur RTL, le contexte politique qui joue en leur faveur. La droite est divisée, minée par la guerre des chefs. Entre la ligne Buisson très à droite et celle plus centriste, ancrée dans l'ADN du parti, l'idéologie de l'UMP n'est pas clairement définie et les militants sont un peu perdus. Dans ce marasme, Alain Juppé, qui n'a jamais changé de cap, apparaît comme une valeur sûre, un repère. De l'autre côté, le gouvernement de gauche qui multiplie les couacs est régulièrement taxé d'amateurisme. Le professionnalisme et l'expérience de Laurent Fabius jouent en sa faveur.

S'ils y pensaient tous les deux avant d'être en âge de se raser, les Dupont et Dupond de la politique sont-ils pour autant redevenus des présidentiables ? Les affaires judiciaires qui rattrapent Nicolas Sarkozy et l'absence de leadership à l'UMP ouvrent un boulevard à Alain Juppé. Mais, pour faire son retour, l'éternel revenant devra se positionner, ce qu'il refuse pour l'instant de faire. Une prise de risque qui pourrait lui faire perdre les bénéfices engrangés par son relatif retrait des joutes politiciennes. Lorsque François Fillon a annoncé sa volonté de "casser de la vaisselle", sa cote de popularité a mécaniquement baissé.

Quant à Laurent Fabius, dans le contexte actuel, il fait, pour l'instant, office de postulant à Matignon, puisqu'il y a déjà un président sortant. Et qu'à 68 ans il est difficile de l'imaginer candidat en... 2022 ! ////////// Hugo Domenach


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Rédigé par psa le 08/03/2014 à 09:48



Elle parle, la cheffe suprême de la dissidence au Canada, l’ancienne juge de la Cour Suprême Claire L’Heureux-Dubé elle-même. Et chacun va devoir revoir son argumentation. Faudra-t-il encore le rappeler: « les dissidences sont très souvent la voix du futur ».En voilà donc une de très forte qui vient donner son appui à la politique de la Laïcité au Québec, telle qu’elle est engagée par le gouvernement et qui peine à nous convaincre totalement. À coup sûr, le débat sera relancé à travers ce positionnement publié par Le Devoir et qui fait courageusement front au « diktat de la religion », tout croyant que reste la plupart des citoyens.


Dissidence comme Audace de la Voix du futur
Dans un Québec marqué pendant des décennies par une « symbiose » entre l’Église et l’État, les femmes du Québec ont entrepris une « marche ardue vers l’égalité », selon L’ex-juge Claire L’Heureux-Dubé

Les femmes du Québec franchiront un jalon important dans leur longue marche vers l’égalité si les élus adoptent la charte de la laïcité, soutient Claire L’Heureux-Dubé. La juge à la retraite insiste : le projet de loi 60 — y compris l’interdiction du port de signes religieux pour les employés de l’État — ne porte pas atteinte à la liberté de religion.

« Rien dans le projet de loi 60 n’entrave la croyance religieuse et la pratique de la religion », souligne Mme L’Heureux-Dubé.

Elle a accepté de confier ses réflexions sur la charte de la laïcité à quelques jours de son passage à l’Assemblée nationale aux côtés des Juristes pour la laïcité et la neutralité religieuse de l’État. « La religion est d’abord et avant tout un engagement intérieur, une croyance », explique-t-elle dans un entretien avec Le Devoir. Ainsi, « les signes religieux font partie de l’affichage de ses croyances religieuses et non pas d’une pratique de la religion », précise-t-elle.

Une infirmière contrainte de retirer son hidjab après l’entrée en vigueur de la charte de la laïcité pourrait difficilement dénoncer une atteinte à la liberté de religion. En contrepartie, elle pourrait montrer du doigt une atteinte à sa liberté d’expression. « Tous les employés de l’État sont soumis à des restrictions dans leur liberté d’expression politique. En quoi une restriction similaire quant à leur liberté d’expression religieuse serait-elle différente ? » interroge-t-elle.

« Toutes fondamentales qu’elles soient », les libertés civiles protégées par les chartes québécoise et canadienne « ne sont pas absolues ». « Elles sont sujettes à des limites raisonnables dans une société démocratique et — une fois le projet de loi adopté — laïque », argue l’ex-juge de la Cour suprême.

Gouvernement des tribunaux

La charte de la laïcité entraîne son lot de « conséquences pour la collectivité » comme l’interdiction du port des signes religieux ostensibles pour les employés de l’État, admet Mme L’Heureux-Dubé. « Elle n’en est pas moins légitime », soutient-elle vigoureusement.

Dénonçant les « diktats de la religion », Mme L’Heureux-Dubé tentera de dissuader les élus d’opposition de se rallier à la position défendue par le Barreau du Québec et la Commission des droits de la personne. À ses yeux, ces deux organismes proposent à l’État de confier un « choix de société » au « gouvernement des tribunaux ». « Le rôle des tribunaux n’est pas de gouverner ni d’entraver les choix démocratiques que se donne une société, mais plutôt de réprimer les abus, s’il y en a, au regard des droits fondamentaux que protègent les chartes », affirme Mme L’Heureux-Dubé qui a siégé au plus haut tribunal du pays de 1987 à 2002.

L’ex-juge de la Cour suprême conteste l’idée reçue selon laquelle une éventuelle charte de la laïcité serait à coup sûr invalidée par les tribunaux. Les juges appelés à se pencher sur la « loi 60 » pourront difficilement faire fi du contexte social propre au Québec dans lequel a été adoptée la charte, estime-t-elle.

Dans un Québec marqué pendant des décennies par une « symbiose » entre l’Église et l’État, les femmes du Québec ont entrepris une « marche ardue vers l’égalité » balayées par le vent des « diktats de la religion », raconte Mme L’Heureux-Dubé.

Du coup, plusieurs femmes ressentent aujourd’hui un « malaise profond » par rapport à des « manifestations de coutumes venant d’ailleurs qui offusquent leur vision d’égalité qu’elles ont mis tant de temps et d’énergie à obtenir ».

Balises

La juge à la retraite privilégiera en commission parlementaire l’établissement de principes directeurs afin de baliser les accommodements religieux comme le propose le ministre des Institutions démocratiques, Bernard Drainville. « Le cas par cas facilite une mosaïque de décisions souvent contradictoires qui créent plus d’incertitude », indique-t-elle.

Elle prendra ainsi clairement le contre-pied du président de la Commission des droits de la personne, Jacques Frémont, sur cette question. « i[Le mémoire [de la Commission] pèse des œufs de mouche avec des balances de toiles d’araignée]i », déplore-t-elle.

Claire L’Heureux-Dubé n’est guère plus tendre à l’égard du mémoire du Barreau du Québec. « Le mémoire est décevant par son négativisme. »

Elle s’explique mal l’observation de la bâtonnière du Québec, Johanne Brodeur, selon laquelle le projet de loi 60 ne s’appuie sur « aucune donnée réelle ». Les coprésidents de la Commission de consultation sur les pratiques d’accommodement reliées aux différences culturelles, Gérard Bouchard et Charles Taylor « ont entendu les représentations des citoyens, ont fait des études… » « Et, ils en sont venus à la conclusion qu’il y avait lieu pour le Québec de se doter d’une loi sur la laïcité. Ils ont eux-mêmes recommandé une limite au port des signes religieux pour certains employés de l’État », rappelle-t-elle.

Par ailleurs, la magistrate à la retraite juge curieux que le Barreau du Québec n’ait pas consulté ses membres avant d’y aller d’une « charge à fond » de train contre le projet de loi 60 du gouvernement Marois.

La membre de l’Ordre du Canada profitera de son passage à l’Assemblée nationale pour partager son « admiration » pour le « courage » de la députée Fatima Houda-Pepin, exclue du caucus libéral il y a près de deux semaines pour avoir refusé de se rallier à l’approche légaliste de son chef Philippe Couillard dans le débat sur la charte.

Mme L’Heureux-Dubé, qui a enregistré un nombre record de dissidences à la Cour suprême, se plaît à le rappeler : « les dissidences sont très souvent la voix du futur ». « À preuve, mes dissidences nombreuses qui sont pour un très grand nombre aujourd’hui devenues la loi », fait-elle fait remarquer.

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Rédigé par psa le 01/02/2014 à 06:00



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