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Pierre S. Adjété
Pierre S. Adjété
Né à Lomé, PSA a fait ses études au Togo, au Gabon et au Canada. Économiste, administrateur et essayiste, PSA est un partisan assumé du «Grand Pardon» et un adepte de l’Éthique dans l’espace public; il est un acteur engagé dans des initiatives citoyennes et républicaines.




Le griot qui voulait être roi

Analyse d’une ambition. Le chanteur Youssou N’Dour a annoncé sa candidature à l’élection présidentielle sénégalaise. Depuis deux ans, il louvoyait. Youssou N’Dour, dans son boubou ciré de star planétaire, jouait tour à tour au futur président, au parrain des sociétés civiles, au manipulateur des foules extatiques, à l’arbitre des élégances politiciennes et au patron de presse influent.

Il avait dans un premier temps renoncé officiellement à une candidature déjà largement commentée dans les gazettes sénégalaises. «Je ne me présenterai pas. Si je le faisais, les Sénégalais mangeraient des pierres.» Il avait dit, il se dédit. Comme son adversaire, le chef d’État en exercice Abdoulaye Wade, qui longtemps avait repoussé l’hypothèse d’un troisième mandat et sera finalement en lice le 26 février prochain. Youssou au palais? Ultime tour de force d’un griot qui se voyait roi.


Youssou N’Dour a 52 ans. Il est un enfant béni de la Médina, l’un des quartiers les plus populaires de Dakar. Peu d’école mais une trajectoire artistique et humanitaire qui plaide pour lui. Lors de son annonce, sur sa propre chaîne de télévision, le chanteur a rejeté l’argument de son incompétence qui devrait encombrer sa campagne: «C’est vrai que je n’ai pas fait d’études supérieures, mais la présidence est une fonction et non un métier. J’ai fait preuve d’engagement, de rigueur et d’efficience à maintes reprises. A l’école du monde, j’ai beaucoup appris. Le voyage instruit autant que les livres.» Dans un pays où le premier président, Léopold Sedar Senghor, était un poète latiniste et où l’actuel se revendique «l’Africain le plus diplômé de son temps», difficile de dire si les miles de voyages autour du monde accumulés sur sa carte de crédit suffiront à convaincre l’électorat.


Même si la nouvelle de cette candidature n’a pas fait la première page des journaux sénégalais, reléguée souvent derrière la grève des transporteurs, la plupart d’entre eux prennent malgré tout au sérieux ce nouveau venu. Pour Amath Dansokho, renard sage de la politique dakaroise et ancien ministre septuagénaire, Youssou n’est absolument pas ridicule dans le rôle du présidentiable: «Quand je l’ai connu, il ne pouvait pas articuler une phrase en français. Mais il a fait beaucoup de progrès. Vous savez, cela fait longtemps qu’il est invité au G8, en tant qu’artiste bienfaiteur, alors que même le président Wade en est absent. Il a une expérience de la politique internationale. De toute façon, le pays est si déglingué que chacun a sa chance, même s’il ne va sans doute pas dépasser le premier tour

Le seul projet qui semble aujourd’hui fédérer l’essentiel de la classe politique au Sénégal, c’est celui de faire partir Abdoulaye Wade. Élu pour un premier mandat en 2000 en mettant fin à 40 ans de règne socialiste, le président est aujourd’hui un octogénaire népotique dont le régime ne cesse de se durcir. Fadel Barro, l’un des piliers du mouvement de contestation «Y’en a marre», accueille la candidature de Youssou comme toutes les autres: «Nous allons évaluer son programme et nous prononcer sur ses idées plutôt que sur son nom.» A titre personnel, il déplore la «désacralisation des institutions» que le régime de Wade a engagée. «Le président a fait croire que n’importe qui pouvait devenir n’importe quoi.» Géant du rap sénégalais, Didier Awadi se refuse à commenter la candidature d’un artiste que chacun considère au choix comme l’ambassadeur parfait de la culture sénégalaise ou un citoyen puissant dont il ne faudrait pas risquer la colère: «Il a le droit de se présenter. Encore faut-il un projet politique. La popularité n’est pas un gage de succès.»

Difficile de se figurer ce que Youssou N’Dour incarne au Sénégal. Depuis trente ans, sa voix accompagne la geste nationale. Il a été, pour les présidents successifs, une sorte d’allié objectif, griot impeccable aux louanges choisies – même pour Wade avant que des litiges autour d’une concession pour une chaîne de télévision n’obscurcissent une relation presque filiale. Youssou a créé des affaires à succès. Il a fait de la publicité pour presque toutes les marques d’importance dans le pays. Il a défendu des causes internationales, comme la lutte contre le sida ou le paludisme. Et surtout, il a réussi à mettre sur la carte ce pays sahélien.

En 1994, en duo avec Neneh Cherry, Youssou N’Dour était le premier artiste à mettre la langue wolof dans les oreilles du monde. A l’époque, l’Américaine Verna Gillis était sa productrice, elle se souvient d’un artiste au triomphe quasi messianique: «Il suffisait de se promener dans Dakar cinq minutes pour entendre la voix de Youssou. Je l’ai toujours vu comme un animal politique. Son premier disque s’appelait Nelson Mandela, il a souvent traité des questions sociopolitiques, comme dans sa chanson «Immigrés». Il a participé à des tournées mondiales pour le CICR ou Amnesty International. Il est engagé et articulé

Depuis que la plateforme d’opposition Bennoo n’a pas réussi à s’entendre sur un candidat unique, les annonces se multiplient ces derniers jours pour reprendre son siège à Abdoulaye Wade. Le journaliste Abdou Latif s’est lancé un instant, avant de se retirer faute d’argent: «L’éparpillement des voix n’est pas un vrai problème. Ce qu’il faut, c’est que Wade ne passe pas au premier tour. Ensuite, je suis convaincu que nous nous allierons tous contre lui pour le deuxième tour. Wade est incapable de mener cette campagne. Il a été évacué à Paris pour des raisons de santé. Il est gravement malade. Il nous faut du changement.» Agacé par une alternance politique ouverte il y a 11 ans et dont les résultats probants se font encore attendre, le peuple sénégalais pourrait être séduit par une option qui ne soit pas fondamentalement politique.

Hors des logiques partisanes, indemne des promesses non tenues et de la corruption massive qui touche tous les rangs de l’administration nationale, Youssou N’Dour joue sa partition. Celle d’un enfant prodigue, capable de chanter et de faire chanter. //////////Arnaud Robert


Horizon


Rédigé par psa le 11/01/2012 à 22:05



Comme la Tunisie s’était annoncée en décembre 2010 avant de marquer l’année 2011, la Russie frappe déjà à la porte de 2012. Une Russie sans Poutine, c’est Poutine Dégage que clament les manifestants dont le vieux Mikhaïl Gorbatchev. Il y a des révolutions qui ont besoin d’être complétées; elles sont partout où l’éthique reprend ses droits, ici et là où les politiques ne peuvent penser tromper leur peuple éternellement. Non, l’éthique n’attend pas !


2012... la Russie, les Autres et l’Éthique
À la grande liste des rendez-vous qui nous sont déjà donnés -Sénégal, France, États-Unis et autres, vient s’ajouter la Russie de la « Russie Unie » de Vladimir Vladimirovitch Poutine. Une Russie assidûment trompeuse de ses propres citoyens au point de penser que les gens ne voient pas la supercherie et l’indécence du retour aux affaires de Poutine, après son temps de bluff comme Premier ministre de son ami et postiche Medvedev.

L’homme de la Pérestroïka, Gorbatchev n’a pas hésité depuis le début de la contestation à joindre sa voix à celle de la population russe, nombreuse à demander que les voix des citoyens soient mieux entendues, depuis les élections frauduleuses du début de ce mois de décembre. Quelques jours seulement après ces élections frelatées, des manifestations étaient orchestrées par un bloggeur, avocat et tribun implacable, Alexeï Navalni, pour canaliser la contestation, particulièrement à Moscou. C’est bien depuis lors que Gorbatchev comme d’autre dont l’écrivain Boris Akounine et même l’ancien ministre des finances de Poutine lui-même Alexeï Koudrine ont donné leur soutien aux contestataires. La répression qui s’est abattue sur les manifestants ne semble pas avoir découragé le rêve de ces citoyens russes voulant à tout prix et au prix fort le départ de l’imposteur Poutine.

C’est encore Gorbatchev, Prix Nobel de la Paix, qui résume mieux la situation dans sa sortie sur les ondes d’une radio privée de Moscou : «Je conseillerais à Vladimir Vladimirovitch de partir maintenant. Il a déjà fait trois mandats: deux en tant que président, un en tant que Premier ministre - trois mandats, ça suffit !» Dans les rues de Moscou, on entendait bien ce samedi : « trois mandats c’est trop ! », «des législatives anticipées», «libération des prisonniers politiques», etc. Comme l’on pouvait s’y attendre, l’exaspération contre Poutine est plutôt vaste et largement partagée.

C’est en cela que le règne de l’Éthique ne fait que commencer. Mieux vaut bien faire les choses avec respect et honnêteté que de se la faire dire par les autres, par la rue pratiquement. La perspective noble du bien commun n’a jamais quitté l’espace public, contrairement à ce que pensent les dirigeants : on ne peut tromper impunément les peuples. À Québec, Jean Charest a passé une année à nier la corruption dans le domaine de la construction avant de se résoudre à y faire face sous la pression populaire ; encore là, il a utilisé tout les astuces pour échapper à une véritable commission qui s’occuperait de la chose adéquatement. Vainement, puisque le bon vieux peuple a fini par lui faire rendre gorge.

À Paris, notre ami Sarkozy a cru bon ficeler des lois de dernières minutes pour rendre punissable de lourdes peines la contestation du génocide arménien ; quelques voix des Arméniens de France dans les futures élections présidentielles pourraient faire du bien… Mais la contestation et la validité même de la supercherie –visible de loin car cousue de gros fils blancs dans un décor assez sombre de résultats sarkozystes faibles et trompeurs, se trouvent à semer la zizanie dans les rangs de son propre camp, en plus de donner l’impression aux spécialistes que le projet passerait difficilement les tests de la constitutionalité. Devant un Barack Obama affaibli, à Washington DC, nos autres amis les Républicains par leur volonté de blocage à tous les coups, finissent par lasser la population, déjà, et redonner progressivement de l’oxygène au président américain restés proche des mesures favorables à la classe moyenne étatsunienne. Le vieux Abdoulaye Wade, Gorgui, se fait adouber comme candidat à sa propre succession –pour un troisième mandat svp, alors qu’il lui est désormais impossible de soutenir un discours cohérent pour un temps relativement long… Retraite, Wade connait pas ! Il aurait un plan pour le Sénégal, un plan pour son fils, Karim Wade, diront ses adversaires… l’éthique peut attendre.

Justement, l’éthique n’attend pas ! La moquerie politique ne peut avoir raison de la dignité des peuples. C’est bien pour cela que de Londres à Lomé, d’Ottawa à Ouagadougou, de Madrid à Moscou l’heure est effectivement au bien ; au bien dire, au bien faire, au bien communiquer, au bien public inaliénable : la dignité et la liberté qui jamais n’ont fatigué les peuples au grand désespoir de Francis Fukuyama, celui-là même qui nous avait promis « i[la fin de l’histoire
»… Non, ce n’est qu’un début ! C’est pour tout cela que 2012 ne semble pas bien s’annoncer pour notre ami Vladimir Vladimirovitch Poutine. Celui-là même qui pensait avoir une combinaison gagnante pour revenir au pouvoir… impunément en contournant les règles éthiques qui demeurent au-dessus des lois.





Horizon


Rédigé par psa le 24/12/2011 à 16:32



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