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Pierre S. Adjété
Pierre S. Adjété
Né à Lomé, PSA a fait ses études au Togo, au Gabon et au Canada. Économiste, administrateur et essayiste, PSA est un partisan assumé du «Grand Pardon» et un adepte de l’Éthique dans l’espace public; il est un acteur engagé dans des initiatives citoyennes et républicaines.




Son nom de code Shakespearien, Ophelia, faisait déjà de Nafissatou Diallo la pièce maitresse du drame parfait des temps nouveaux : la chute multiple et simultanée de deux êtres que le destin avait pourtant pris soin de séparer. Parce que l’un ne peut se relever qu’en s’appuyant sur l’autre, l’intrigue devient capharnaüm. Alors seulement, la justice décide de libérer l’ex-patron du FMI sur parole. Les poursuites pour crimes sexuels sont maintenues, malgré des zones d’ombre sur les témoignages de son accusatrice. Révélations troublantes! Bouffée d’air frais pour Anne Sinclair, pratiquement à la veille de ses 20 ans de mariage avec son « Domi ».


Du DSK en Shakespeare
Il n’y avait plus de femmes de ménage pour le huer devant les portes du tribunal. Dominique Strauss-Kahn n’est pas sorti innocenté de l’audition surprise qui s’est déroulée vendredi à Manhattan. Mais, tenant sa femme par l’épaule, l’ex-patron du FMI a été libéré sur parole, a récupéré sa caution d’un million de dollars (accompagnée de 5 millions supplémentaires de garantie), acquis le droit de voyager librement à l’intérieur des États-Unis sans son bracelet électronique, et, accessoirement, a même esquissé un sourire.

Dès le lancement des poursuites contre DSK, la défense et l’accusation le savaient: c’est sur la crédibilité de Nafissatou Diallo que devrait se jouer l’essentiel de l’affaire. La relation sexuelle dans la chambre d’hôtel du Sofitel a été établie de manière claire par les analyses scientifiques. Mais c’est une parole contre l’autre. D’où l’empressement de connaître le passé de la Guinéenne de 32 ans, afin de découvrir le moindre épisode trouble.

Or, révélée par le New York Times quelques heures avant l’audition de vendredi, l’ampleur du trouble est énorme, au point que le journal américain évoquait une accusation «en train de s’effondrer». Étonnamment, ce sont les procureurs, chargés de l’accusation de DSK, qui ont pris les devants, et demandé eux-mêmes cette audition inattendue. Pour prévenir toute attaque surprise de la partie adverse, ils avaient lancé une enquête approfondie sur la jeune Guinéenne. Or, expliquaient-ils au juge dans une lettre désormais rendue publique, «la plaignante a menti sur une variété de questions liées à son passé, son histoire, les circonstances présentes et ses relations personnelles».

De fait, le procureur du district de Manhattan, Cyrus Vance, joue gros, lui qui pourrait voir sa propre crédibilité affectée par ces nouveaux éléments. A l’issue de l’audition, il rappelait devant la presse que les charges n’avaient pas été retirées contre DSK et que son équipe continuait d’enquêter «vigoureusement» sur ce cas.
Selon les révélations du New York Times, ces «informations erronées» données sous serment par la victime concernent d’abord des mensonges liés à son passé et à la volonté d’obtenir un visa aux États-Unis. Elle aurait ainsi notamment déclaré de manière mensongère avoir été violée en Guinée.

Autre élément: contrairement à ce qu’elle avait certifié «à de nombreuses reprises», la femme a continué son travail à l’hôtel pendant un moment avant de raconter ce qui s’était passé à sa supérieure.

Surtout, le lendemain de l’agression supposée à l’hôtel Sofitel, Nafissatou Diallo s’entretenait au téléphone avec un détenu incarcéré pour une affaire de trafic de drogue. Elle aurait ainsi débattu des avantages de porter plainte pour viol contre DSK. Grâce à cette conversation enregistrée par les autorités pénitentiaires, les enquêteurs auraient remonté la piste et découvert que la jeune femme avait des liens avec d’autres trafiquants, en faveur desquels elle a mis à disposition son numéro de compte bancaire et plusieurs téléphones portables.
Enfin, l’enquête a aussi mis en lumière le fait que la jeune femme aurait menti au fisc en s’inventant une charge de famille en plus de sa fille et qu’elle n’aurait pas dit la vérité sur ses revenus réels, afin de pouvoir vivre dans un appartement subventionné dans le Bronx.

Tous ces éléments ont conduit les procureurs à ne pas s’opposer hier à la libération sur parole demandée par la défense. DSK pourra ainsi quitter sa résidence surveillée à Manhattan et mettre un terme au sévère système de surveillance auquel il était soumis et qu’il devait payer de sa propre poche au prix de 250 000 dollars par mois.

Intervenant à son tour devant les journalistes, l’avocat de la victime Kenneth Thompson insistait sur le fait que, malgré ces «erreurs» commises par sa cliente, un viol avait bel et bien eu lieu au 28e étage de l’hôtel Sofitel. Affirmant que Nafissatou Diallo n’avait «pas changé un mot» à ses déclarations initiales» sur ce qui s’est passé dans la chambre, il a employé des formules crues pour décrire les faits, parlant d’un DSK entièrement nu qui a poursuivi la victime et qui «s’agrippait à ses seins» , évoquant des contusions constatées sur son vagin, du sperme recraché par la victime sur les murs et la moquette ou encore de la déchirure d’un ligament du dos. Le fait que la plaignante ait continué de nettoyer une autre chambre avant de s’effondrer devant sa cheffe, soulignait-il, n’est que le résultat de sa confusion et de sa terreur.////////Luis Lema

Du DSK en Shakespeare
Lettre du Procureur aux avocats de DSK
b[Voici l'intégralité de la lettre adressée aux avocats de Dominique Strauss-Kahn, William Taylor et Benjamin Brafman, par le bureau du procureur de New York sur les doutes autour de la version de Nafissatou Diallo. Cette dernière, dans une conversation téléphonique avec un prisonier d'un établissement en Arizona, n'hésita pas à lui dire en Peulh (Foulani): "T'inquietes pas, ce type a beaucoup de fric. Je sais ce que je fais." (‘Don’t worry, this guy has a lot of money. I know what I’m doing’). Enrégistrés, ces propos ont été traduits et attestés cette semaine et ont semé un doute réel chez les enquêteurs qui avaient auparavant constaté que les déclarations sous serment du 30 décembre 2004 ayant aidé dame Nafissatou Diallo à obtenir son statut de refugiée politique aux États-Unis étaient également fausses. Autant de faits troublants qui justifient cette lettre des procureurs à leurs collègues avocats de DSK aujourd'hui libre de ses mouvements sur le sol américain.]b

Dear Messrs. Taylor and Brafman,

In connection with the above-captioned case, the People disclose the following information to the defense pursuant to Criminal Procedure Law 240.20 as well as Brady v. Maryland, 373 U.S. 83 (1963) and its doctrinal progeny.

In an application for Asylum and for Withholding of Removal dated December 30, 2004, the complainant provided the United States Department of Justice Immigration and Naturalization Service with factual information about herself, her background and her experiences in her home country of Guinea. This information was in the form of a written statement attached to her application, and was submitted as a basis for her request for asylum.

In her application, she certified under penalty of perjury that her written statement was true. In substance, the complainant's statement claimed that she and her husband had been persecuted and harassed by the dictatorial regime that was then in power in Guinea. Among other things, the complainant stated that the home that she shared with her husband was destroyed by police and soldiers acting on behalf of the regime, and that she and her husband were beaten by them.

When her husband attempted to return to what was left of their home the next day, she stated that he was again beaten, arrested and imprisoned by police and soldiers. She stated that she also was beaten when she attempted to come to her husband's aid. In her statement, she attributed the beatings to the couple's opposition to the regime. She stated that during her husband's incarceration, he was tortured, deprived of medical treatment and eventually died as a result of his maltreatment.

Following his death, according to her, she began to denounce the regime and finally fled the country in fear of her life, entering the United States in January 2004 to seek refuge (she has told prosecutors that she used a fraudulent visa). She repeated these facts orally during the course of her asylum application process.

In interviews in connection with the investigation of this case, the complainant admitted that the above factual information, which she provided in connection with her asylum application, was false. She stated that she fabricated the statement with the assistance of a male who provided her with a cassette recording of the facts contained in the statement that she eventually submitted. She memorized these facts by listening to the recording repeatedly.

In several interviews with prosecutors, she reiterated these falsehoods when questioned about her history and background, and stated that she did so in order to remain consistent with the statement that she had submitted as part of her application. Additionally, in two separate interviews with assistant district attorneys assigned to the case, the complainant stated that she had been the victim of a gang rape in the past in her native country and provided details of the attack.

During both of these interviews, the victim cried and appeared to be markedly distraught when recounting the incident. In subsequent interviews, she admitted that the gang rape had never occurred. Instead, she stated that she had lied about its occurrence and fabricated the details, and that this false incident was part of the narrative that she had been directed to memorize as part of her asylum application process. Presently, the complainant states that she would testify that she was raped in the past in her native country but in an incident different than the one that she described during initial interviews.

In the weeks following the incident charged in the indictment, the complainant told detectives and assistant district attorneys on numerous occasions that, after being sexually assaulted by the defendant on May 14, 2011 in Suite 2806, she fled to an area of the main hallway of the hotel's 28th floor and waited there until she observed the defendant leave Suite 2806 and the 28th floor by entering an elevator.

It was after this observation that she reported the incident to her supervisor, who arrived on the 28th floor a short time later. In the interim between the incident and her supervisor's arrival, she claimed to have remained in the same area of the main hallway on the 28th floor to which she had initially fled. The complainant testified to this version of events when questioned in the Grand jury about her actions following the incident in Suite 2806. The complainant has since admitted that this account was false and that after the incident in Suite 2806, she proceeded to clean a nearby room and then returned to Suite 2806 and began to clean that suite before she reported the incident to her supervisor.

Additionally, the complainant has stated that for the past two tax years, she declared a friend's child in addition to her own as a dependent on her tax returns for the purpose of increasing her tax refund beyond that to which she was entitled. She also admitted to misrepresenting her income in order to maintain her present housing.
Finally, during the course of this investigation, the complainant was untruthful with assistant district attorneys about a variety of additional topics concerning her history, background, present circumstances and personal relationships.

Please do not hesitate to contact us with any questions.

Sincerely,


Joan Illuzzi-Orbon, Assistant District Attorney
John (Artie) McConnell, Assistant District Attorney


Horizon


Rédigé par Pierre S. Adjété le 02/07/2011 à 01:11



Un directeur général du FMI se promène rarement sans son téléphone portable. Dominique Strauss-Kahn, pourtant, l’avait oublié samedi dans sa chambre d’hôtel, aux côtés d’autres «effets personnels». Le signe, semble-t-il, que l’homme était parti toutes affaires cessantes. La preuve, ont conclu certains, qu’il avait sans doute quelque chose à se reprocher.


La Muse endormie, Constantin Brancusi, 1910
La Muse endormie, Constantin Brancusi, 1910

Les deux hommes en civil qui sont venus le chercher dans son avion à l’aéroport Kennedy (l’homme n’a pas besoin de réserver son billet à l’avance en 1re classe, une place lui est garantie) ne venaient pas lui ramener son portable. Strauss-Kahn a joué la surprise: «De quoi s’agit-il? » Mais il a suivi les agents de la Port Authority de New York qui avaient été alertés par leurs collègues de la police.

Dimanche soir, il était toujours en garde à vue dans un commissariat au centre du quartier de Harlem, inculpé pour «acte sexuel criminel, tentative de viol et séquestration illégale».

Dominique Strauss-Kahn et ses avocats nient tout en bloc. Le Fonds monétaire international ne répond pas. L’ambassade de France ne fait aucun commentaire. Il ne reste donc que la version de la victime présumée. Selon des informations non confirmées, elle serait d’origine afro-américaine, aurait 32 ans, s’appellerait Ophelia, et travaillait depuis trois ans comme femme de chambre à l’hôtel Sofitel, à la 44e Rue, en plein cœur de Manhattan.

Si son identité reste secrète, la version de l’employée est déjà connue de tous: un Strauss-Kahn qui l’aurait accueillie entièrement nu tandis qu’elle venait faire la suite 2806, la plus luxueuse de ce palace qui n’en manque pas. Les deux personnes s’étaient-elles déjà rencontrées par le passé? Le socialiste français l’aurait jetée sur le lit, l’aurait ensuite poursuivie dans la salle de bains, aurait fermé la porte à clé avant que la femme de chambre puisse se dégager et alerte ses collègues. Le temps que la police intervienne, Strauss-Kahn avait quitté l’hôtel en direction de l’aéroport.

La presse populaire américaine, la première, a fait sauter la présomption d’innocence qui devrait être attachée au prévenu. De ce côté de l’Atlantique aussi, les épisodes passés de la vie de Strauss-Kahn, son aventure avec une de ses subordonnées au siège du FMI à Washington, son insistance à se rapprocher plus que nécessaire des jolies journalistes, avaient été largement commentés ces derniers temps: «Le pervers», titrait en une le New York Daily News qui, comme certains de ses confrères ajoutait des détails sexuels de l’épisode qui n’ont pas été confirmés par d’autres sources.

À Harlem, le juge chargé du dossier devait se prononcer sur une éventuelle incarcération ou sur une remise en liberté après le versement d’une lourde caution. C’était hier l’hypothèse la plus vraisemblable, alors que sa comparution se prolongeait durant plusieurs heures. Selon son avocat new-yorkais, Benjamin Brafman, son client devrait plaider non coupable. Une décision qui, étant donné les particularités du système juridique américain, pourrait se révéler périlleuse: alors qu’un aveu, même partiel, peut ouvrir une procédure de «marchandage» avec la justice en vue de réduire la peine, un déni en bloc déboucherait sans doute sur un procès après la constitution d’un jury. En théorie du moins, le candidat socialiste pressenti aux élections présidentielles français risquerait ainsi jusqu’à 26 ans de prison s’il venait à être reconnu coupable de tous les chefs d’accusation.

Tandis qu’en France fleurissaient les théories d’un «coup monté», voyant s’activer les adversaires politiques de Strauss-Kahn, ou la Grèce soumise à un plan d’austérité par le FMI, ou encore la femme de chambre, personne n’évoquait aux États-Unis ce type de complot. La réputation de l’employée de l’hôtel était sans failles, expliquaient les dirigeants de la chaîne en se refusant à toute autre déclaration. Une femme de chambre qui savait se faire transparente dans le luxe apparent de cet établissement situé à un jet de pierre de Times Square, où se succèdent les personnages influents.
Les équipes de policiers ont passé au peigne fin la suite où était arrivé Strauss-Kahn la veille et qui comprenait une salle de conférences, un foyer, un salon, une salle de bains et une chambre à coucher, et dont le prix a été dévoilé par la police: 3000 dollars la nuit. Faute d’éventuelles preuves ADN, ce sera la parole de la femme de chambre contre celle de l’un des hommes les plus puissants de la planète.

Dominique Strauss-Kahn avait-il réservé son vol à l’avance? Que faisait-il à New York tandis qu’il avait rendez-vous le lendemain à Berlin avec la chancelière allemande Angela Merkel? Etait-il sujet à des «pulsions» incontrôlables, comme l’évoquent de plus en plus ouvertement les journaux français qui avaient gardé un silence précautionneux sur la question? Autant d’interrogations auxquelles devra répondre le juge new-yorkais. /////Luis Lema


Horizon


Rédigé par psa le 15/05/2011 à 19:30



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