Profil
Pierre S. Adjété
Pierre S. Adjété
Né à Lomé, PSA a fait ses études au Togo, au Gabon et au Canada. Économiste, administrateur et essayiste, PSA est un partisan assumé du «Grand Pardon» et un adepte de l’Éthique dans l’espace public; il est un acteur engagé dans des initiatives citoyennes et républicaines.




Couché sur une civière, l’ancien président a plaidé non coupable à l’ouverture de son procès au Caire pour meurtre et détournement de fonds. C’est une première; un jour particulièrement chaud.


Été Égyptien

D’abord, il y a eu le bruit des pales, l’hélicoptère dans le ciel, et elle qui refusait d’y croire a senti son cœur s’emballer. Puis cette attente, si longue. Et cette image, enfin, sur l’écran géant disposé devant la muraille de l’académie de police, immense complexe planté en bordure des sables, à l’entrée du Caire. Celle d’Hosni Moubarak, -allongé sur sa civière, en tenue blanche de prisonnier, un cathéter planté dans la main, le regard vide, les traits creusés, blafard sous la lumière crue. Comme une statue du commandeur renversée, vieillard prisonnier de cette cage de fer aux larges barreaux où la justice égyptienne parque, comme pour mieux les humilier, ses accusés.

Et Samar a pleuré. C’est une mère de chahid, un des 850 martyrs tombés pendant la révolution sous les balles de la police dirigée par Habib el-Adly, ex-ministre de l’Intérieur, présent mercredi avec six de ses collaborateurs dans la cage aux côtés d’Hosni Moubarak et de ses deux fils, Alaa et Gamal, pour répondre des accusations de -détournement de fonds et de meurtre.

Samar tient dans ses bras la photo de son fils. À ses côtés, un homme aux épaules recouvertes par un drapeau égyptien regarde l’écran, sans mot dire. Dans les voitures, les cafés, les maisons, le pays, silencieux, s’est arrêté en ce matin de ramadan pour écouter les premières heures d’audience de ce procès qu’hier matin encore, beaucoup croyaient inimaginable. L’armée lâchant enfin son ancien chef, après des mois de rebondissements, alors que tout semblait avoir été fait pour préserver le vieux raïs du déshonneur d’un procès.

«Il n’a rien fait de mal, s’enflamme une femme. C’est une manipulation des Frères musulmans et de l’opposition, soutenus par les États-Unis, qui ont raconté des mensonges pour nuire à notre pays. Revenez dans deux ans quand ils auront pris le pouvoir et qu’on aura un État théocratique. Vous verrez bien si Hosni Moubarak était un mauvais homme. Nous sommes des ingrats», lâche-t-elle, amère. Devant elle, le sol est encore jonché des pierres que se sont violemment lancées un peu plus tôt pro et anti-Moubarak. Juchés sur un des blindés protégeant l’entrée réservée aux 600 journalistes, avocats et observateurs autorisés à assister à l’audience, des militaires contemplent, stupéfaits, Hosni Moubarak toujours alité attraper un micro et rejeter toutes les accusations: non coupable.

Aux côtés de l’ex-président, ses fils au regard fermé ont chacun un Coran dans la main. A tour de rôle, ils interposent leur silhouette entre leur père et les caméras, comme pour le protéger de l’opprobre. Face à eux, pas de jury populaire, mais trois juges. Ahmed Rifaat, le président de la cour, réclame violemment le silence. Auprès de ses collègues de la Cour de cassation, le magistrat a plutôt bonne réputation. Un avocat des familles des victimes réclame la parole, réclamant des tests ADN. L’homme allongé sur la civière n’est pas Hosni Moubarak, qu’il dit mort en 2004. Certains, dans la foule, lèvent les yeux au ciel. Un autre demande que soit entendu comme témoin le maréchal Tantaoui, nouvel homme fort du pays, à la tête du Conseil ¬suprême des forces armées et ancien ministre de la Défense d’Hosni Moubarak.

Le moment est historique, les Égyptiens en ont conscience. Ils s’en doutent, à Damas, Sanaa ou Tripoli, les pouvoirs tremblent de voir ainsi, pour la première fois depuis le début de ce Printemps arabe, un chef d’Etat répondre, en personne, à la barre. Ces derniers mois, l’Arabie saoudite aurait, dit-on, usé de toute son influence et promis une aide financière conséquente pour éviter qu’Hosni Moubarak ne soit traduit en justice, minant l’autorité des dirigeants de la région.

Dans la foule, Nouha, troublée, ne sait que penser. La jeune femme est frappée par l’état de santé de l’ancien raïs, qu’elle a toujours connu le cheveu noir, figé dans une éternelle jeunesse sur ses portraits hier affichés au bord des routes ou sur les bâtiments officiels. «Il est responsable des morts de la révolution, il a tant de fautes sur les mains. Mais je ne peux m’empêcher d’éprouver de la pitié et de la peine pour lui.» Au pied du grand écran, stoïque sous le soleil accablant, un jeune militant révolutionnaire s’en inquiète: «On nous lâche Moubarak pour mieux le faire prendre en pitié. On donne du spectacle aux foules. Et le risque c’est de le transformer en fusible, pour mieux protéger le système.» Le procès reprendra le 15 août.////////Claude Guibal



Horizon


Rédigé par psa le 03/08/2011 à 04:00
Tags : Moubarak Dégage Égypte Notez



« …lorsque nous serons indépendants… » disaient des amis sud-soudanais de Montréal. C’est chose faite aujourd’hui. Fait plutôt rare, et très rare même en Afrique, la naissance du nouvel État, le 54e en Afrique et le 193e de l’Organisation des Nations Unies (ONU) est probablement le début d’un défi de taille. Il y a une quinzaine d’années effectivement, des amis sud-soudanais de Montréal parlaient toujours en disant « …lorsque nous serons indépendants… »; les voilà libres et dignes, six mois après le fameux référendum du 9 janvier 2011. Avec Lula au Brésil c’était « Ma maison, ma vie »; de John Garang à Salva Kiir c’est « mon pays, ma vie » une nouvelle vie dans laquelle rien ne se présente comme facile. C’est l’avis de tous les analystes et observateurs. Autre chose à ne pas manquer de signaler, le coup de main final de cette étape est donné par un autre Africain… Barack Obama.


Le Sud-Soudan : mon pays, ma vie
« Nous sommes libres ! Adieu le Nord ! Bonjour le bonheur ! ». À minuit, ce samedi 9 juillet, tandis que les cloches chantaient la liberté, la foule en liesse, à Juba (et sans doute ailleurs dans ce nouveau pays) a laissé jaillir ses émotions les plus enfouies.

Au bout de la nuit profonde, une aube nouvelle, que l’on souhaite radieuse pour les populations du Sud-Soudan. Puisse la vigilance des dieux Dinkas, Nuers, Shuluks… ne jamais être prise en défaut. Car il en faudra, pour que soit clément le destin de ce nouvel État.

À l’œil nu, l’on voit déjà poindre les embûches dressées au-devant de ce Sud-Soudan qui naît d’une double soustraction : un tiers du territoire et trois quarts du pétrole de l’autre Soudan, qui a cessé, à minuit, d’être le plus grand pays d’Afrique, en superficie.

À ceux qui, au nom d’un certain panafricanisme, seraient tentés de déplorer une balkanisation de plus du continent, il faut juste rappeler que l’indépendance est la vocation ultime des peuples opprimés. Faute d’avoir pu s’épanouir au sein du grand Soudan, ils iront vivre leur destin à part, à l’abri du racisme et du mépris. Car le projet politique de l’oligarchie au pouvoir à Khartoum a souvent, sinon toujours été d’islamiser, et même d’arabiser ces populations noires, animistes ou chrétiennes du Sud.

Depuis un demi-siècle, ce peuple a payé le prix qu’il faut payer pour demeurer lui-même : emprisonnements, liquidations, exil… Hommage à la mémoire des guérilleros du Front de libération de l’Azanie, entrés dans l’Histoire sous le nom de guerre : Anya Nya, les premiers à se soulever, en 1963. Un accord, signé sous l’égide de l’OUA, en 1972, reconnaissait le statut de régions autonomes aux provinces sudistes d’Equatoria, du Bahr el Ghazal et du Haut-Nil. Mais il n’a pas été respecté par le maréchal el-Nimeiry, qui a instauré la loi islamique sur l’ensemble du territoire, en 1983. C’est alors qu’apparaît John Garang. Fondateur de la SPLA, il est le véritable père de l’indépendance que l’on célèbre aujourd’hui.

Libre, oui ! Libre enfin ! Pour ce qui est du bonheur que chantent les manifestants de Juba et d’ailleurs, il dépend d’abord et avant tout des Sud-Soudanais eux-mêmes : ils ont, en Afrique, sous leurs yeux, toute la panoplie de ce qu’il ne faut pas faire. ////////// Jean-Baptiste Placca


Le Sud-Soudan : mon pays, ma vie

Horizon


Rédigé par psa le 09/07/2011 à 03:30



1 ... « 39 40 41 42 43 44 45 » ... 148