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Pierre S. Adjété
Pierre S. Adjété
Né à Lomé, PSA a fait ses études au Togo, au Gabon et au Canada. Économiste, administrateur et essayiste, PSA est un partisan assumé du «Grand Pardon» et un adepte de l’Éthique dans l’espace public; il est un acteur engagé dans des initiatives citoyennes et républicaines.




Les contradictions font partie de la politique, à bien y penser. Et on apprend vite à les gérer; car, très rapidement, ces contradictions décolorent le tableau que l’on voudrait peindre avec grande habileté. C’est cette expérience que vient de vivre Faure Gnassingbé qui s’est laissé aller dans plusieurs actes incompatibles avec le message de rassemblement qu’il voulait envoyer au sortir des dernières élections présidentielles.


Theo Geschwind, Sur la plage
Theo Geschwind, Sur la plage
Il était tout à fait maladroit et politiquement peu inspiré de demander à former un gouvernement d’ouverture avec ses adversaires et, l’instant d’après, mettre en œuvre ou cautionner une stratégie visant à dissoudre leur parti politique ou semer la zizanie dans leur camp. En cautionnant la dissolution du parti OBUTS, en travaillant à prendre fait et cause dans les errements de Gilchrist Olympio avec les siens, en intentant des procès contre les journaux dans un environnement où la justice est aux ordres de l’exécutif, en faisant tout cela ou en les cautionnant, le chef de l’État togolais s’était laissé guider par un curieux instinct de domination qui n’avait pas sa raison d’être.

C’était clair pour tout le monde qu’aucune noble vision ne présidait à ces considérations bassement politiciennes. La levée de bouclier qui s’en était suivie donnait la preuve à tous les tenants de cette option que la somme de toutes ces erreurs était de taille et mettait réellement en danger tout le climat politique. Il est illusoire de penser que ce qui est mauvais ne serait pas détecté par ses adversaires. C’est bien là la faiblesse du mal, son incapacité à faire du bien autant à celui qui le choisit qu’à celui qui le subit.

En recevant vendredi dernier le message de la normalisation de la situation du parti OBUTS, j’étais pris par l’inutilité et les contradictions de certaines situations politiques. Mieux que quiconque, Faure et Pascal connaissent parfaitement la personnalité du chef du parti OBUTS; ils savaient mieux que quiconque qu’Agbé, pour rien au monde, ne se laisserait pas faire et se résoudre à l’humiliation. Je me suis mis à chercher le rationnel qui ait pu motiver la tentative de dissolution orchestrée contre OBUTS. Quarante huit heures plus tard, de rationnel et de logique, je n’en ai trouvé. Sans doute que j’avais emprunté une mauvaise piste… C’est pratiquement de guerre lasse que je suis tombé sur cette hypothèse que toute cette saga faisait bien partie de nos contradictions humaines; de ces contradictions qu’il nous faut gérer de temps à autres, ces contradictions qui ne nous quittent pas parce que nous sommes devenus des politiques. Ainsi donc, nos contradictions font bien corps à la politique : Faure Gnassingbé s’y est retrouvé et s’y est empêtré depuis les lendemains du 4 mars 2010, face à l’adversité qui lui était servie par le Gabriel Messan Agbéyomé Kodjo et le Jean-Pierre Fabre particulièrement.

Heureusement que le chef de l’État togolais s’en sort maintenant. Faure Gnassingbé semble s’éloigner de ses contradictions; les preuves sont là et il faut l’encourager dans cette voie. En renonçant à poursuivre les journaux, il sort du piège des contradictions, il trouve là une judicieuse solution. En rétablissant OBUTS, il sort de ses contradictions aussi. C’est admirable! Il lui faut maintenant accepter l’existence de l’ANC en octroyant le fameux récépissé à ses fondateurs. Je n’y vais pas par quatre chemins, parce que toutes ces décisions sont politiques et hautement politiques dans le contexte togolais. Donc, accorder le statut légal à l’ANC est aussi une manière de sortir de ses contradictions. On s’entend bien que l’ANC va, le lendemain même de cette autorisation, constituer le plus redoutable parti politique qui va s’opposer au pouvoir de Faure. Mais c’est ainsi la politique qu’un pays comme le Togo a besoin d’une opposition forte comme tout autre pays aspirant à la démocratie. C’est la vie, qu’on ne choisit pas toujours son opposition!

Sans aucune ironie –et pas du tout, il faut encourager Faure à régler et à solutionner ses criardes contradictions; il n’est pas seul à en avoir. Ce lundi matin, en regardant le but marqué de la main par l’attaquant de l’Espérance de Tunis contre l’équipe égyptienne d’El Ahly –c’est devenu une banalité maintenant au football que de marquer de la main et même de l’avant-bras comme l’avait fait ce Michael Eneramo, j’avais profité pour m’offrir une image plus noble que la triche footballistique comme modèle d’image au début d’une nouvelle semaine de travail; j’ai alors écouté un concert de Bob Marley en Allemagne (de l’ouest) et deux « I Have A Dream » de MLK…

Et, en écrivant ces lignes plus tard (à midi) l’image d’Abraham Lincoln m’est revenue. Pour rappel, la statue d’Abraham Lincoln était derrière MLK et est toujours sur les lieux de ce discours fameux dans la ville où Faure avait fait ses études par ailleurs. Abraham Lincoln avait eu à régler une des plus grandes contradictions politiques des États-Unis. Lui aussi prônait la fameuse « Union » des États du Nord et du Sud tout en étant confronté à la question de l’esclavage qui divisait le pays, et le menaçait sérieusement. Malgré tout, il a choisi l’éthique, le souci du bien commun, et il a gagné en ayant le meilleur des deux situations : la préservation de l’unité de tous les États et l’abolition de l’esclavage par la « Déclaration d’émancipation » signée de lui, malgré toutes les pressions, les risques et les menaces d’éclatement. Abraham Lincoln avait choisi l’incontournable bien politique, avec forte conviction et transparence.

Voilà, le choix du bien prescrit par le bon vieil Aristote et repris par bien d’autres ne trompe jamais. J’aurais pu donner l’exemple de la vie de Schopenhauer, le pessimiste, qui pourtant se refugia dans la ville qui avait la meilleure statistique de longévité, de peur de mourir… Rousseau lui-même, l’individualiste, Rousseau avait laissé ses enfants à la charité publique après avoir prôné exactement le contraire, c'est-à-dire la responsabilité… Et puis qui encore ? Tiens, tiens… Faure, Faure Gnassingbé qui après avoir refusé d’appeler Jean-Pierre va devoir lui accorder le statut tout à fait légal de diriger le plus grand parti politique au nom symbolique d’ANC pour le combattre, lui Faure… avant de devoir négocier avec lui. OBUTS comme l’ANC n’auront pas signé l’APG mais vont probablement jouer un grand rôle dans le prochain round des négociations politiques au Togo. C’est bien cela la vie!

C’est effectivement la vie que nos contradictions nous nourrissent et nous font vivre et aimer la politique… nous qui sommes assez fous pour l’adorer au point de vouloir et de dire qu’il est tout à fait faisable -avec la bonne foi, l’éthique et le Grand Pardon, que le Togo soit autre chose que ce qu’il est là, maintenant, sous nos yeux. Il nous suffirait alors de nous guérir de nos contradictions, d’y faire face avec courage, conviction, vision, savoir dire, savoir faire… bien, toujours bien.


Mot à Maux


Rédigé par psa le 18/10/2010 à 18:48



Jeudi 14 octobre au petit matin, les commentateurs et éditorialistes se succédaient pour expliquer que la mobilisation contre la réforme des retraites s'essoufflait, que les appels à la grève reconductible étaient finalement peu suivies. Puis, les lycéens ont surpris tout le monde. Des manifestations, partout en France, se sont multipliées. Entre 340 et 1100 lycées étaient bloqués. Vendredi, l'affaire continue. Mais fallait écouter Nicolas Sarkozy, dans le texte, lors de sa visite en Gironde, à Bordeaux, chez Alain Juppé. Jeudi 14 octobre, il a parlé réformes, action et volontarisme. Il était surtout crispé. Et si la jeunesse s'enflammait ?


Andrée Lambert, Carla Bruni-Sarkozy... Il me les casse!
Andrée Lambert, Carla Bruni-Sarkozy... Il me les casse!
A Bordeaux, le président français a ressorti son costume d'hyperactif. L'homme qui voulait prendre du recul pour mieux se « présidentialiser », marquer une pause pour mieux améliorer les réformes passées, a changé de registre. En fait, nous avions tous rêvé. A écouter certains proches du Monarque, il n'a jamais voulu de pause. Tout ceci n'était qu'une lubie de journaliste, une interprétation erronée.

A Bordeaux, Sarkozy partait célébrer le 50ème anniversaire de la découverte du laser. C'est important, pour un président, de célébrer les anniversaires. Qu'importe si la jeunesse est, de plus en plus, dans la rue, si des flics nerveux tirent aux flash-balls contre des lycéens, si d'autres jeunes et moins jeunes en profitent pour jouer à la guérilla urbaine contre des policiers désemparés.

Dans les journaux télévisés du soir, on pouvait le voir le regard concentré, le visage crispé, écouter les explications de l'un de ses hôtes devant de curieuses machines. Alain Juppé, juste derrière, avait le visage radieux. Sur son blog, l'ancien premier ministre n'avait pas une remarque sur cette visite pourtant présidentielle. Il préféra commenter l'intervention télévisée de Martine Aubry, sur France 2, dans l'émission « A Vous de Juger ». Quel affront !

Après sa visite, Sarkozy a pu livrer l'un de ses discours favoris, face à la caméra d'Elysée.fr, devant son traditionnel fond bleu orné des drapeaux français et européens. Dans l''assistance, beaucoup de militaires en uniformes, Alain Juppé et Valérie Pécresse, et quelques élus. Aucun risque de trouble.

Dès les premiers mots, il trébuche : « cette année, nous célébrons les 50 ans de l'avention, ... l'invention du laser... » Dès les premiers mots, il doit se mettre en valeur : « ... et j'ai souhaité à cette occasion être ici, sur cette "i[route des lasers", au cœur des installations du Commissariat à l'énergie atomique et des énergies alternatives]i,... » Dès les premiers mots, il faut enfoncer quelques portes ouvertes : «... pour souligner quelque chose que vous savez parfaitement vous tous, mais dont il faut convaincre l'ensemble des Français... que l'avenir de la France et son indépendance dépendent de sa capacité à investir massivement dans la recherche, à maîtriser la recherche de pointe, et à valoriser les applications de la recherche

À Bordeaux, Nicolas Sarkozy voulait surtout parler nucléaire et réforme. Rappeler l'origine du programme nucléaire français - ah ! Le Général de Gaulle ! - et souligner combien grâce à lui la France est indépendante. Joli mensonge !

« La France est aujourd'hui un des rares pays dans le monde à être indépendant en termes d'énergie alors qu'il n'a pas d'énergies fossiles naturelles. » La récente prise d'otages, aux confins du Mali et du Niger, de 5 Français employés par Areva a rappelé combien la France a besoin de ce fichu uranium de ses anciennes colonies africaines pour faire tourner ses centrales bientôt obsolètes. « Aujourd'hui, cet élan ne doit pas faiblir et ne faiblira pas...» Écoutez la suite. En une phrase, Sarkozy révèle combien le changement de nom du CEA en Commissariat à l'énergie atomique et des énergies alternatives était une belle tartuferie : « ceux qui prétendent qu'on peut remplacer l'énergie nucléaire par des énergies alternatives prononcent une incongruité... et ça s'rait une autre incongruité d'expliquer que parce qu'on investit dans le nucléaire on ne doit pas investir dans les énergies alternatives.»

Sarkozy continue sur le laser mégajoule, un programme lancé en 1995-1996 pour prendre le relais de l'arrêt des essais nucléaires français dans le Pacifique. Il mouline encore quelques concepts qu'il ne maîtrise pas au-delà du discours qu'il lit : « il ne doit pas y avoir de fossé entre recherche fondamentale et recherche appliquée » (??) « il ne doit pas y avoir de fossé entre l'université et la recherche, il ne doit pas y avoir de fossé entre l'université et l'entreprise, il ne doit pas y avoir de fossé entre la recherche militaire et la recherche civile...»

À Bordeaux, Sarko en écho… système de la connaissance.
Puis Sarkozy s'accroche à son texte. C'est très technique. Il parle des laser petal et mégajoule. Il nous assure que la France est désormais leader mondial dans la technologie du nucléaire par fusion. Ouf ! On est rassuré. « C'est donc un programme majeur que vous engagez ici... Ça prouve quoi ? Ça prouve que la France est toujours capable d'avoir des projets scientifiques et industriels de grande envergure. » Il lève les yeux... « je voudrai bien qu'on m'comprenne bien. Nous venons de sortir d'une crise qu'est sans doute la plus importante depuis un siècle ». Les doigts serrés, la mine grave, Sarkozy regarde l'assistance. Il nous ressort la crise de 2008. C'est sa Grande Guerre à lui, son Chemin des Dames, sa bataille de la Marne. Qu'importe l'objet du déplacement ou l'assistance... Il faut rappeler et marteler qu'on a failli tous y passer s'il n'avait pas été là.

Surtout, il enchaîne sur cet aparté, cette petite diatribe contre l'immobilisme. Sarkozy ne pensait plus au nucléaire petal ou au laser megajoule. Il parlait à ces récalcitrants de 15 ans, ceux-là même à qui il a imposé l'abaissement de la responsabilité pénale et qu'il juge aujourd'hui irresponsables de manifester.

« La réponse d'un pays à la crise n'est pas le recroquevillement, n'est pas la rétractation, n'est pas l'absence d'ambition. La réponse d'un pays à la crise, c'est l'innovation, c'est la recherche, c'est l'ouverture, ce sont les réformes, ce sont les projets... c'est ça qui s'passe ici... voilà. »

Rapidement, il reprend son texte : « alors autour du laser mégajoule et de la route des lasers, vous êtes en train de créer un écosystème de la connaissance... » Les mains se rapprochent, le regard est toujours vissé sur le texte, il trébuche à nouveau : « Nous voyons ici jouer l'effet cluster, l'effet d'entraînement... mais qui eut il y a quelques années seulement qu'autour de ce soute... de ce site militaire, un pôle de compétitivité ? » ... Il continue à lire son texte, puis le regard se relève, il connaît le sujet, il comprend enfin quelques lignes : « au 1er janvier, mesdames et messieurs, mes chers compatriotes, 90% des universités françaises seront autonomes... Qui l'eut dit ? Qui l'eut cru ? » Le poing presque levé et toujours serré, Sarkozy marque une pause. Il tient son trophée. Juppé s'endort quasiment. Sarkozy triomphe et se moque : « Qui aurait pu imaginer qu'en trois ans... en trois ans... le système universitaire français aurait évolué vers l'autonomie sans drame, sans querelle théologique ? Bien sûr... il y a eu quelques grèves - on est en France -, quelques incompréhensions - on est en France-, quelques occupations, on est en France. Mais, en France, on peut le dire au monde entier, notre système universitaire a brillamment passé l'épreuve de sa mutation


On le sait trop bien. C'est désormais la concurrence pour se chiper des universitaires. On applaudit. En septembre dernier, l'UNEF a dénoncé la hausse des frais de scolarité.

Puis Sarkozy embraye sur un mot de félicitation pour le président de l'université de Bordeaux I, et... son plan Campus. Cinq milliards d'euros, il répète deux fois le montant, pour créer 10 implantations « aérées, écologiques, gaies » dont les travaux commenceront avant la fin du quinquennat. « Il n'y a pas de fatalité. On ne peut pas bien étudier l'avenir dans des bâtiments qui ont à peine de quoi refléter le présent. » La formule claque.

« Alors, peut-être ces chiffres vous font tourner la tête... parce qu'on me dit, 'mais il y a des déficits', parce que la France est endettée, mais mesdames et messieurs, trop souvent dans le passé nous avons fait le mauvais choix, le choix de ne pas avoir le courage de remettre en cause des dépenses de fonctionnement et de sacrifier par facilité des dépenses d'investissement. La question n'est pas que l'emprunt est mauvais, la question est pourquoi décidons-nous d'emprunter. Emprunter pour investir, c'est un emprunt qui prépare l'avenir, qui permet de créer de la richesse, qui permet de créer de la croissance, et qui permet de remettre la France dans la compétition internationale. Et vous comprenez mieux ainsi les moyens, les réformes, l'un avec l'autre et le refus des vieux clivages. »

Il ajoute : « Nous sommes dans un nouveau monde. Il nous faut de nouvelles idées. » A Bordeaux, Sarkozy voulait jouer à Kennedy, même si les manifestations de la semaine le ramenait à Devaquet ou Nixon. Au choix.

Il se compare ensuite aux chercheurs : « vous les chercheurs le savez... les grandes découvertes scientifiques ont été souvent à l'origine marquées par le refus du consensus. (...) On ne peut pas rester immobile. »

Sarkozy annonce ensuite une « étape II » de modernisation des universités, remercie à droite et à gauche. Il lui reste quelques secondes pour quelques phrases, reprises plus tard par tous les médias à l'affut d'une allusion, fusse-t-elle modeste, aux emballements sociaux des dernières heures.

« Je ne suis pas un obsédé de la réforme, mais j'ai la responsabilité de conduire la cinquième économie du monde, dans un monde qui bouge. Notre pays ne peut pas rester immobile. Nous n'avons plus les moyens d'attendre pour décider. Nous ne pouvons pas mettre la poussière sous le tapis. Nous ne pouvons pas fermer les yeux... devant les déficits, et les retards qui sont les nôtres. Notre devoir, c'est d'agir, d'agir dans l'intérêt général. D'agir avec justice, mais d'agir. Au fond, je crois que la pire des injustices, c'est l'immobilisme... Celle qui consiste... cet immobilisme... à conserver les injustices parce qu'elles sont anciennes... Je vous remercie. »

L'homme qui s'exprime ainsi, si maladroitement, est celui qui nous a expliqué que l'immigration depuis 50 ans était responsable de la montée de l'insécurité (à Grenoble, le 30 juillet), qui a plombé les comptes publics d'une grosse vingtaine de milliards d'euros de cadeaux fiscaux depuis 2007, qui a saccagé l'éducation nationale, les forces de l'ordre ; et qui cherche désormais à sauver la fiscalité avantageuse du patrimoine de quelques-uns maintenant qu'il est acculé à abandonner son bouclier fiscal./////////////SarkoFrance

Mot à Maux


Rédigé par psa le 16/10/2010 à 23:01
Tags : Carla Bruni Laser Sarkozy Notez



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